Brasserie de Réghaïa (EPBR) et ses travailleurs en péril

lundi 16 décembre 2013
par  Alger républicain

Les travailleurs de la brasserie de Reghaïa ont observé le mardi 3 décembre 2013, une journée de protestation pour alerter les autorités sur l’état de pourrissement dans lequel se trouve depuis sa privatisation en 2008, cet ancien fleuron de l’industrie des boissons.

La protestation a été organisée à l’annonce de l’arrivée d’un huissier de justice requis par les créanciers de la société pour procéder à la saisie d’équipements de production. Fort heureusement l’opération de dépeçage de la brasserie ne s’est pas produite, l’huissier ne s’étant pas présenté. Mais elle n’est pas annulée. Si elle venait cependant à se réaliser, elle causerait la mort certaine de l’usine.

La section syndicale dénonce une gestion qui a fait plonger la production, l’emploi et les salaires des travailleurs dans un abîme sans fond. Elle dénonce l’inapplication par le repreneur des conditions inscrites dans la résolution 04/77 du 21.07.2007 du CPE lors de la privatisation. L’homme d’affaires qui l’avait rachetée s’était engagé à maintenir les emplois existants au nombre de 304, à investir un milliard de dinars dès la première année et à créer 96 autres emplois sur quatre ans. Mais les travailleurs n’ont rien vu de concret en dehors de la destruction de 150 postes d’emplois et de la diminution continue de la production. Les responsables chargés de veiller au respect des décisions du gouvernement laissent faire. Leur indifférence choque les travailleurs. Ils ne comprennent pas cette attitude passive.

En fait, il semble bien que l’acquéreur de la brasserie n’est nullement intéressé pour la faire fonctionner convenablement. Il tire prétexte maintenant des dettes de l’ancienne entreprise publique qu’il s’était pourtant engagé à prendre en charge en échange de son contrôle total sur le patrimoine de l’usine.

Comme on le sait l’endettement des entreprises publiques a été intentionnellement entretenu par le régime pour justifier leurs privatisations au prétexte de mauvaise gestion. Le repreneur a accepté en connaissance de cause de prendre en main l’usine avec ses actifs et son passif. En réalité, une fois maître des lieux, il a enfoncé la brasserie dans une impasse totale puis exigé de l’Etat qu’il passe l’éponge sur les dettes qu’il s’était engagé à payer.
Ses revendications relèvent du chantage pur : « effacez l’ardoise, sinon je baisse le rideau ! » Il tient en otage le sort de centaines de travailleurs.

Apparemment ce qui a intéressé le « repreneur » c’est la prise de possession de près de 6 hectares de terrain appartenant à la brasserie. Situés à moins de 30 minutes de train du centre de la capitale, ces terrains sont un butin en or !

On comprend facilement les calculs inavoués de l’homme d’affaires lorsque l’on apprend que l’acquéreur n’est rien d’autre qu’un gros importateur de bière, bien connu sur la place publique, immensément enrichi grâce aux « réformes » qui avaient libéralisé le commerce extérieur en 1990 et à l’argent que les banques publiques avaient mis généreusement à sa disposition, bref un ancien gros bonnet du régime bénéficiant de toutes les facilités du régime et recyclé dans les affaires juteuses. Ceci explique cela.

Il est facile de deviner que la production ne l’intéresse pas, ni le sort des travailleurs, encore moins la nécessité de réduire la facture des importations au moment où la balance des paiements du pays est de nouveau entrée dans la zone rouge des déficits.

Quelles solutions pour sauver l’emploi et l’outil de production ?

L’Etat doit reprendre ce patrimoine et effacer les dettes héritées, dans l’intérêt de toute la collectivité. Les travailleurs ont assez d’expérience professionnelle pour se passer d’un capitaliste-importateur. Ils peuvent désigner parmi eux des hommes compétents pour gérer et développer les activités de l’usine dans leur intérêt et dans celui du pays.

Evidemment, ce ne sera pas chose facile car ce régime ne représente pas les travailleurs et les masses laborieuses. Les corrompus à la botte des hommes d’affaires, des partisans acharnés du capitalisme ne verront pas cette alternative d’un bon oeil. Mais c’est la solution qui assure le plus d’avantages dans la perspective des luttes pour un changement radical de régime socio-politique.

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Khaled Safi

15.12.13