C’est maintenant officiel : il y aura des Algériens au défilé du 14 juillet à Paris

mardi 8 juillet 2014
par  Alger républicain

C’est le ministre algérien des Affaires étrangères qui l’a reconnu (Algérie Presse Service, 6 juillet 2014), mettant fin aux rumeurs qui circulaient à ce sujet depuis plusieurs semaines. Fabius, le belliqueux ministre français des agressions militaires en Syrie, Mali, Centrafique, Libye, Ukraine, avait vendu la mèche il y a quelques semaines.

Aucune indication n’a été fournie sur le nombre et la qualité des Algériens qui paraderont aux côtés des troupes françaises. Le ministre s’est contenté de dire que la délégation algérienne correspondra au « même format » (sic) que les représentants « d’autres nations » pour reprendre ses formules alambiquées.

Monsieur Lamamra a banalisé la présence algérienne puisqu’elle se fondra parmi celles de « quatre-vingts autres nations, dont des citoyens sont tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale ».

Bref, les participants algériens ne seront pas les seuls étrangers à côtoyer les carrés des militaires français. A l’écouter, cette participation insolite vise à rendre « à nos valeureux aînés l’hommage qu’ils méritent, pour le sacrifice de leurs vies, pour la liberté d’autrui et la leur propre ». Donc, que l’on se rassure. Il n’y aura pas matière à voir une éventuelle compromission avec un système impérialiste allergique à toute idée de « repentance », qu’il soit commandé par la droite ou par les héritiers des tenants des « pouvoirs spéciaux » qui avaient donné en 1956 carte blanche aux paras pour torturer en toute impunité les Algériens insurgés pour leur indépendance. Seuls des gens de mauvaise foi pourront voir dans cette décision le premier pas spectaculaire dans un processus honteux d’intégration dans une version « mise à jour » de la « Françafrique ».

Mais il y a quelques petits problèmes que le gouvernement algérien aura du mal à éluder.

Participer au défilé du 14 juillet n’est pas une décision anodine que l’on peut prendre en faisant fi des réalités historiques et politiques. L’armée française n’a pas changé de nature par la grâce du saint-esprit socialiste. Elle est et demeure une armée impérialiste, une machine de guerre et de mort au service de la bourgeoisie, un organe de l’OTAN, qu’on le veuille ou non, même si on peut à juste raison nourrir une grande sympathie pour le peuple français qui a pris la Bastille, donné naissance à la Commune de Paris en 1871, première insurrection politique du prolétariat moderne dans le monde, lancé le Front populaire anti-fasciste en 1936, manifesté massivement en 1961 pour « la paix en Algérie ». Le défilé du 14 juillet n’a plus rien à voir depuis des lustres avec les idéaux démocratiques de la révolution anti-féodale française de 1789. La bourgeoisie française en a fait un moment d’étalage de sa force guerrière pour intimider les peuples.

Les chars dernier cri qui parcourront l’avenue des Champs-Elysées ou les avions de combat qui survoleront Paris, les mêmes qui ont réduit en cendres la Libye, n’auront pas pour mission de délivrer un message de paix ou de défense de la Liberté. Ce sera une façon aussi de dire que la bourgeoisie française, servie par les sociaux-démocrates qui de tout temps ont exécuté avec zèle le rôle de boutefeux des guerres impérialistes, se tient solidement aux côtés des USA. Il faut en effet faire entrer dans la tête des Russes ou des Chinois qu’ils n’ont qu’à bien se tenir. Telle est la volonté d’une oligarchie française assoiffée de profits et d’expansion, d’autant que symboliquement, ou même plus, on est sur le chemin de la reconstitution des régiments des tirailleurs de l’empire africain projetés aux premières lignes du feu de l’ennemi. Un nain qui défie des géants !

Évidemment, la bourgeoisie néo-pétainiste française n’a pas les mêmes scrupules historiques, ni ne manifeste la même gratitude que celui qui a défendu le plus intelligemment ses intérêts en appelant à combattre l’occupation nazie, Charles de Gaulle. Elle a « oublié » qu’elle n’a échappé à la férule allemande que grâce au sacrifice de 25 millions de Soviétiques morts pour libérer leur pays et toute l’Europe.

Monsieur Lamamra semble perdre de vue ou feint d’ignorer la signification véritable de la 1re guerre mondiale et de toutes les autres que l’impérialisme a provoquées : faire affluer les profits dans les coffres des oligarchies exploiteuses et assurer leur domination dans le monde. Comment accepter sans crier son indignation que les représentants officiels de l’Algérie apportent leur grain de sel à une propagande quotidienne qui tend à effacer de la mémoire ce que les peuples avaient compris depuis des décennies L’horrible boucherie de la 1re guerre mondiale avait été déclenchée par les capitalistes français, anglais, allemands, russes, etc., non pour la liberté ou la défense d’une nation contre l’expansionnisme d’une autre, mais à seule fin de se partager les colonies et les marchés aux dépens les uns des autres. Comment cacher le fait que chacune de ces puissances ne cherchait qu’à obtenir par la force et le massacre de dizaines de millions d’hommes ce que l’influence économique et les marchandages politiques ne pouvaient lui procurer par la voie pacifique et la compétition économique ? En entrant en guerre, chacune d’elle n’avait qu’un seul motif, étendre sa domination totale et s’emparer des centaines de millions d’hommes asservis par la nation impérialiste concurrente.

Le comble de tout c’est que les impérialistes français, pour ne prendre que l’exemple qui touche directement l’Algérie, avaient envoyé à la mort des dizaines de milliers d’Algériens colonisés, asservis et privés de liberté. Le seul choix qu’ils leur laissaient était soit de se faire fusiller comme réfractaires ou déserteurs, soit de mourir loin de chez eux sous les balles des Allemands. Tout cela uniquement pour que les capitalistes et les marchands d’armes augmentent leurs richesses.

Qui peut se taire quand un ministre se met à raconter que les Algériens morts sur les champs de bataille de Verdun l’ont été pour la « la liberté d’autrui » ? Il n’y a plus qu’un petit pas à franchir pour que la porte soit ouverte à l’écriture révisionniste de l’histoire de la violence faite aux colonisés. Des dizaines de milliers d’Algériens partis faire la guerre en 1914-1918 pour défendre la liberté de leurs oppresseurs ! Quel euphémisme révoltant pour couvrir le massacre des hommes opprimés, enrôlés de force pour combattre d’autres peuples, eux aussi sacrifiés sur l’autel de l’enrichissement de leurs oppresseurs. Leur mise à mort sous l’uniforme français fut un crime contre l’Humanité. Cette page sombre de l’histoire de l’humanité est à écrire en lettres rouges dans les pages du Livre noir du capitalisme.

C’est une honte pour le peuple algérien que ses gouvernants participent à l’organisation de l’oubli, de la supercherie, de la réconciliation avec les classes oppresseuses qui continuent à mettre le monde à feu et à sang au nom de la « liberté », leur liberté de continuer à asservir les peuples, de semer le malheur !

Le peuple algérien et le peuple français, ainsi que les peuples de toute la planète, ont un même ennemi : leurs exploiteurs de toutes origines. Ils entremêleront un jour leurs drapeaux dans la joie d’un monde sans haines nationales ou religieuses, lorsque leur société sera libérée de la domination des classes exploiteuses impérialistes et que le capitalisme, qui « porte en lui la guerre comme la nuée l’orage », aura été aboli.

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Alger républicain

08.07.2014