Cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie et aspirations des nouvelles générations d’enfants du peuple face aux « nouveaux colons autochtones »

vendredi 16 novembre 2012
par  Alger républicain

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Fête de l’indépendance

La commémoration du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie est un événement politique indéniable. Qui peut rester insensible devant l’évocation de cet événement historique de portée internationale et pas seulement nationale : la victoire du peuple algérien après un combat armé de plus de sept ans pour se libérer de 132 ans d’une cruelle oppression coloniale, au prix d’un océan de souffrances, de sang et de larmes ?

Cette victoire a été remportée contre la quatrième puissance militaire du monde appuyée par l’OTAN qui ne lui avait marchandé aucun soutien, ni logistique ni matériel. Bombardiers, hélicoptères « banane », napalm, estampillés du nom de cette organisation criminelle décimaient les combattants, ravageaient le pays, brûlait ses habitants, ses villages, ses forêts. Qui parmi ceux qui ont mené ou vécu cette lutte héroïque peut-il se remémorer cette période sombre de l’histoire de l’Algérie et ce combat glorieux sans être envahi au plus profond de lui-même par une émotion indicible ?

La nation algérienne est née dans un combat incessant de plusieurs décennies et les souffrances de la répression coloniale

Le combat décisif engagé pour l’émancipation le 1er novembre 1954 à l’initiative de patriotes organisés dans le Front de libération national a exigé de grands sacrifices. Des centaines de milliers d’Algériens périrent sous les coups d’une sauvage répression. Des centaines de milliers d’autres en gardèrent pour la vie les séquelles physiques et psychologiques : veuves éplorées, orphelins, blessés et estropiés, etc.

Ce ne fut pas de bon gré que le colonialisme dut renoncer à l’Algérie. L’ordre colonial n’acceptait pas de disparaître sans opposer une résistance acharnée devant la volonté des opprimés d’arracher leur indépendance, de vivre dans la liberté et la dignité, de jouir pleinement de leurs richesses naturelles et du fruit de leur travail, d’instaurer des relations sociales fondées sur une juste répartition des richesses. Une minorité d’exploiteurs étrangers et de traitres autochtones s’accrochait par tous les moyens aux privilèges établis par des moyens barbares depuis l’invasion de 1830.

Le colonialisme ne s’est pas emparé de l’Algérie pour y apporter la civilisation comme ses apologistes continuent à le soutenir au mépris des faits historiques les plus élémentaires. S’il apporta la « civilisation », ce fut incontestablement celle de l’enfumade (terme créé par la soldatesque française) de tribus entières réfugiées dans les grottes pour tenter d’échapper à l’extermination. Ce fut celle des têtes coupées et portées comme trophées au haut des pics des envahisseurs, des oreilles arrachées et déposées dans des corbeilles aux pieds des officiers en échange de quelques sous. Ce fut celle des arbres fruitiers brûlés, des canaux d’irrigation saccagés, des silos de grains détruits pour obtenir la réédition des résistants par la soif et la famine. Ce fut aussi celle du massacre systématique des lettrés et la fuite éperdue de leurs survivants vers l’Orient.

On ne peut se méprendre sur le but réel des affirmations colportées sur cette prétendue mission civilisatrice. Elles ne reflètent pas seulement la nostalgie morbide d’un « bon vieux temps colonial » qui serait révolu. Elles reflètent avant tout les nouvelles tentatives de justification de nouvelles invasions sous de nouveaux prétextes pour tenter d’apporter des solutions à la crise systémique profonde du capitalisme. La bourgeoisie française avait étendu sa domination sur de vastes espaces d’Afrique et d’Asie pour étancher sa soif de surprofits. Il lui fallait des marchés pour écouler ses marchandises et ses capitaux, des sources de matières premières, de produits agricoles et de main-d’œuvre à bas prix. Il lui fallait exercer un contrôle absolu sur des régions entières pour marquer ses territoires face à ses concurrents britannique ou hollandais. Les puissances colonialistes rivalisaient entre elles dans l’expérimentation des méthodes d’oppression et de violence les plus raffinées pour maintenir sous leur domination « jusqu’à la fin des temps » les populations asservies. La violence coloniale pouvait leur procurer ce supplément de profits que le seul libre jeu des lois du marché était incapable de lui assurer. Le colonialisme n’est pas le produit de tendances psychologiques dominatrices qui seraient inhérentes à la « nature humaine », ou l’expression d’une guerre de religion, guerre du monde des chrétiens contre celui des musulmans et des adeptes d’autres croyances. Le colonialisme a été à la fois une méthode d’accumulation primitive du capital et une méthode d’accélération de l’accumulation capitaliste, bref un système territorial d’exploitation étroitement lié au développement du capitalisme à une certaine phase de son extension.

Le danger de domination n’est pas écarté définitivement une fois que la forme coloniale d’exploitation capitaliste est défaite

Il réapparaît sous de nouvelles formes à l’époque où le capitalisme a atteint son stade impérialiste, ultime, pourrissant et agonisant, selon les analyses de Lénine toujours valables. Parvenus à ce stade impérialiste, les oligarques du capitalisme deviennent encore plus dangereux pour les nations économiquement retardataires et pour l’humanité tout entière.

Mais surtout ce sont des facteurs internes qui font le lit de l’impérialisme dans sa tendance incessante à reprendre le contrôle des terrains perdus. Il s’est constitué dans l’Algérie indépendante un ensemble de classe et couches sociales exploiteuses et parasitaires qui peuvent accepter sans broncher de se soumettre au diktat de l’impérialisme ou de pactiser avec lui pour protéger leurs privilèges face à la montée du mouvement de contestation populaire. Il existe des intérêts économiques communs entre les exploiteurs « autochtones » et le capital financier international.

En outre l’impérialisme est de plus en plus épaulé dans ses entreprises de domination par certaines franges des couches moyennes qui n’ont qu’une seule aspiration : récolter des miettes de la répartition des profits tirés de l’exploitation impérialiste en contre-partie de leur collaboration. L’un des signes les plus parlant de ce basculement anti-national est la participation de nombreux journaux à grand tirage, francophones ou arabophones, à la campagne de « justification » de la guerre menée par l’impérialisme contre les régimes qui échappent à son contrôle ou refusent de se plier à son diktat. N’a-t-on pas lu la chronique d’un de ces nombreux supplétifs algériens qualifiant de « coup d’Etat démocratique » le renversement fomenté par les USA de Zelaya, le président du Honduras, élu démocratiquement ?

Rappeler constamment ces quelques vérités historiques est important pour instruire les nouvelles générations des leçons de l’histoire, mettre dans leurs mains des clés pour comprendre de façon scientifique la nature profonde des rapports politiques et économiques mondiaux actuels. La tâche permanente au plan des idées est de déjouer les nouvelles ruses, de dévoiler le nouvel habillage propagandiste sous lequel les puissances impérialistes renouvellent leurs attaques afin de reprendre le contrôle des zones qui ont échappé à leur domination directe.

La fourberie des exploiteurs n’a pas d’égale. Hier ils avaient envahi à coup de canons et d’extermination de masse les deux tiers de la planète sous le slogan mensonger de la « mission civilisatrice » des nations « évoluées » et de la lutte pour sécuriser les voies commerciales contre la piraterie des « peuples barbares », et notamment contre la nuisance des “corsaires” d’Alger. Aujourd’hui c’est sous la bannière des “droits de l’homme et de la démocratie”, sous une pluie de bombes « démocratiques », que l’impérialisme tente de récupérer les espaces perdus avec le soutien de traîtres locaux. Et de tels slogans tapageurs et séduisants peuvent tromper les plus crédules car ils ne peuvent laisser indifférents les peuples souffrant sous le règne du despotisme et de l’arbitraire des nouveaux exploiteurs, « frères de sang ».

Il est important de rappeler ces vérités parce que parmi les nouvelles générations qui n’ont pas connu la cruauté de la domination coloniale certains peuvent être influencés par le négationnisme véhiculé de façon insidieuse par les défenseurs de la « splendeur coloniale » à l’aide des moyens colossaux des chaînes satellitaires.

De plus, le rejet du régime conduit parfois, nombre parmi ceux qui n’ont pas vécu le colonialisme, à sous-estimer les fruits incontestables de l’indépendance. Le rejet « allergique » des discours emphatiques des porte-parole des nouvelles classes dirigeantes algériennes sur l’épopée de la lutte de libération alimente la tentation de lire l’histoire de l’Algérie contemporaine sous un angle déformant, de n’y voir que les aspects qui suscitent un légitime mécontentement.

Les nouvelles générations ont toutes les raisons de se méfier des titres de gloire « nationalistes » affichés en toute occasion par les tenants du régime. Elles ont raison de penser que ces discours creux ne servent plus qu’à couvrir de pseudo légitimité « révolutionnaire » l’hégémonie et l’autoritarisme réactionnaires des classes dominantes qui ont remplacé la bourgeoisie colonialiste.

Cette méfiance et ce rejet sont un facteur positif dans la mesure où ils brisent toutes les « barrières psychologiques » qui ont freiné depuis l’indépendance la poursuite de la lutte en vue de réaliser les aspirations légitimes des travailleurs à la démocratie et au progrès. C’est un facteur positif dans le combat contre les Borgeaud algériens qui ont remplacé les Borgeaud étrangers chassés par la guerre de libération, dans la lutte pour mettre fin à la mainmise des « nouveaux colons ».

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Zoheir BESSA