DU NATIONALISME AU COMMUNISME OU LE PARCOURS DE ABDELHAMID BENZINE. Directeur d’Alger républicain (1989-1994)

vendredi 12 mars 2010
par  Alger républicain

Sept années se sont écoulées depuis le décès de notre camarade Abdelhamid Benzine qui dirigea « Alger républicain de 1989 ? 1994, après avoir été son rédacteur en chef de 1962 ? 1965. Il avait rejoint l’équipe du journal en 1953 quand Henri Alleg en était le directeur et Boualem Khalfa son rédacteur en chef.

Né le 27 avril 1926, Abdelhamid nous a quittés le 6 mars 2003. Très jeune, ? la fin des années 1940, il adhère au Parti du Peuple Algérien (PPA). Collégien au Lycée Albertini de Sétif, il est arrêté et emprisonné après les manifestations du 8 mai 1945 pour son activité au sein du PPA. Après le vote en 1946 par l’assemblée nationale française d’une loi d’amnistie aux victimes de la répression colonialiste du 8 mai, présentée par le groupe des députés communistes, il est libéré en même temps que de nombreux autres militants nationalistes emprisonnés au cours de la période qui succéda au 8 mai 1945. Il poursuivra son activité au sein du PPA après sa libération, clandestinement d’abord, en Algérie puis en 1950 en France où ce parti le délègue pour s’occuper des travailleurs immigrés organisés dans la CGT (Confédération générale des Travailleurs). En 1953, il adhère au Parti communiste Algérien (PCA) et rejoint l’équipe rédactionnelle du quotidien Alger républicain.

En sa qualité de responsable des Combattants de la Libération Nationale (CDL) organisation armée mise sur pied par le PCA, il rejoint, avant les accords PCA-FLN, les maquis de l’ALN dans les Aurès (1955), puis dans la région de Sebdou (été 1956) où, lors d’un accrochage ? Terni avec l’armée française, il fut arrêté, torturé et condamné ensuite ? 20 ans de travaux forcés par le tribunal militaire d’Oran. Détenu dans les prisons, tour ? tour, de Tlemcen, Oran et Lambèse, il sera ensuite acheminé dans le camp spécial de Boghari puis au camp militaire de Hamam Bouhadjar. Abdelhamid Benzine retrace cette période de son combat au sein de l’ALN et sa captivité dans les geôles colonialistes dans ses ouvrages « Journal de Marche », « Lambèse » et « Le Camp ».

Après sa libération en juin 1962, il reprendra en juillet de la même année ses activités militantes au sein du PCA et ? Alger Républicain dont il sera le rédacteur en chef. Après le coup d’Etat du 19 juin 1965, auquel les communistes s’opposent, Alger républicain est suspendu et Abdelhamid Benzine rejoint l’ORP (Organisation de la résistance populaire) puis, ? partir de 1966, le PAGS clandestin (Parti de l’Avant-Garde Socialiste) dont il devient un de ses dirigeants. Il militera au sein de ce Parti dans la clandestinité jusqu’en 1975. Après les premières nationalisations, le Président Boumediene ayant accepté la sortie au grand jour des dirigeants et militants du PAGS, Abdelhamid, qui sort ? ce moment l ? de la clandestinité, poursuivra son activité au sein de la direction du PAGS.

Avec la courte ouverture démocratique qui succéda ? la révolte d’octobre 1988, il deviendra directeur d’Alger républicain tout en poursuivant son activité au sein du PAGS avant la dislocation de ce Parti en 1992 suite ? des décisions prises par une partie de son Bureau politique contrairement aux décisions prises par son premier congrès national tenu en décembre 1990.
Pour évoquer le parcours de Abdelhamid Benzine du nationalisme au communisme nous présentons ci-dessous un écrit de Henri Alleg. Quant ? sa position vis- ? -vis de la décision marquant la disparition du PAGS, nous présentons des écrits de Abdelhamid qui confirment son attachement au marxisme-léninisme et au Parti communiste.

Henri Alleg évoque l’adhésion de Benzine au Parti communiste Algérien

« Abdelhamid Benzine avait rejoint l’équipe du journal en 1953. Il revenait de France, où il militait comme membre du « Parti du Peuple Algérien » devenu après son interdiction « Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques », la plus importante formation nationaliste de l’époque, que dirigeait Messali Hadj. A ce titre, Benzine avait été délégué auprès de la direction des syndicats CGT. Il s’y était lié avec nombre de militants ouvriers français et ouvert aux idées marxistes, ce qui n’avait pas été du goût du leader nationaliste. Abdelhamid m’avait raconté qu’un jour, au cours d’une de ses rencontres avec Messali, il avait fait observer que l’organisation nationaliste gagnerait ? défendre des positions plus marquées par un contenu de classe et ? affirmer plus nettement la solidarité de combat des travailleurs algériens avec la classe ouvrière française contre le grand patronat. Messali en était resté interloqué et, après un long silence, avait murmuré : « Je vois, Abdelhamid, que les communistes t’ont gagné … »

« A la vérité, Benzine n’était pas encore communiste mais, paradoxalement, la réflexion de Messali, le poussait ? le devenir. Non pas parce que, loin du pays, il était moins attaché ? l’idée d’indépendance que lorsque tout jeune militant nationaliste du Constantinois, il affrontait la répression coloniale mais, parce que plus mûr, plus formé politiquement, il allait au del ? des limites étroites dans lesquelles s‘enfermait Messali. Il se convainquait peu ? peu que non seulement il n’y avait pas de contradiction entre la bataille intransigeante pour la libération du pays et l’aspiration ? une société humaine universelle débarrassée du système capitaliste mais, au contraire, que ces deux aspects du combat devaient se rejoindre intimement comme devaient le faire, celui mené pour le respect des meilleures traditions nationales et celui qu’il fallait poursuivre pour faire siennes les conquêtes scientifiques et sociales du monde moderne. »
(Préface ? l’ouvrage « De notre histoire au quotidien Alger républicain 1989-1994, page 8, Editions Chihab, mars 2006)

Abdelhamid Benzine écrit ? propos des communistes et de leur Parti

« Le plus grand obstacle, au début, a été cette infime minorité de prisonniers (? la prison de Lambése durant la guerre de libération nationale – note de la rédaction), qui cherchaient des prétextes pour ne pas se joindre ? l’action commune. Outre les éléments du MNA qu’ils rejetaient en bloc, d’autant que ces derniers s’étaient constitués en groupe distinct, ces compagnons, se disant « le FLN pur », exigeaient par exemple des quelques communistes que nous étions de taire complètement leurs différences avec eux. Ils jugeaient que le communiste, membre ou non de l’ALN-FLN, devait extirper, sinon de sa tête mais de sa langue, Marx, Engels, Lénine et l’idéal socialiste auquel il croyait ou, du moins, il ne devait pas en parler sans « leur autorisation « et « leur orientation ». Comme disait Beumarchais dans Figaro : « Pourvu que je ne parle pas en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni du corps de crédit, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne ? quelque chose, je puis tout imprimer sous l’inspection de deux ou trois censeurs ».
« Mais ? Lambése, nos quelques censeurs, désavoués y compris par l’officier supérieur de l’AL N qui exerçait son autorité sur la Loudjna, furent vite isolés et progressivement convaincus de rejoindre leurs frères de lutte. »
(Lambèse de Abdelhamid Benzine, Editions Dar El Idjtihad, 1989, page 165)

Extraits de la lettre de Abdelhamid Benzine aux camarades du Comité central du PAGS du 25 septembre 1992 ? propos du « nouveau parti » préconisé par Hachemi Chérif :

« Sur ce point de l’identité (du Parti), Hachemi Chérif, a été très clair dans sa dernière contribution. Il écrit (page 14) : « le nouveau parti qui doit émerger des efforts de rénovation en cours ne peut donc être un parti communiste »
« Ou c’est un parti qui affirmera son caractère communiste, écrit Benzine, tout en poursuivant sereinement les débats et discussions qui permettront de tirer tous les enseignements de ce qui s’est passé dans le MCOI, ..
« ou c’est un parti non communiste, comme le veulent Hachemi Chérif et d’autres camarades et dans ce cas je ne serai pas partie prenante. Je ne militerai pas dans un tel parti …

« Ceci dit, je souhaite que ceux qui restent attachés ? l’idéal communiste, qui n’ont ni peur ni honte de prononcer ce mot sublime, noble et humaniste de communiste, qui sont suffisamment responsables pour assumer honnêtement l’histoire de notre mouvement communiste et ouvrier non seulement sans complexe mais d’une façon offensive, qui parce que communistes, restent debout quand tout s’écroule autour d’eux, quand les compagnons d’une longue et épineuse route se laissent prendre au piège des reniements et des abandons, je souhaite donc que ces communistes algériens, patriotes sans tâches, courageux combattants d’hier et d’aujourd’hui, se rassemblent et créent ou recréent le parti révolutionnaire de classe, nationale et internationaliste dont l’Algérie a besoin et longtemps encore aura besoin ».

Le 22 novembre 1992 dans Alger républicain, Abdelhamid Benzine écrit ce qui suit ? propos de la dissolution du PAGS :

« Aujourd’hui, je voudrais seulement dire, en tant que membre de la direction du PAGS (même si j’ai gelé mes activités depuis quelques mois) :

1. Le congrès qui se prépare ne sera pas un congrès du PAGS, mais le rassemblement d’un petit morceau du PAGS, puisqu’au niveau du comité central, il reste moins d’un tiers des membres élus au congrès de 1990.

2. C’est le deuxième coup de poignard porté dans le dos du PAGS après celui porté par ceux qui se réclament du FAM.

3. L’honnêteté politique aurait voulu que ceux qui ne sont plus d’accord avec le PAGS démissionnent d’un parti ? qui ils doivent beaucoup.
En s’acharnant ? détruire le PAGS, ils veulent récupérer le beurre et l’argent du beurre. En d’autres termes, ils veulent récupérer ? leur profit le capital politique et moral acquis au cours des luttes longues, difficiles et douloureuses pour s’en servir et servir d’autres projets politiques.

4. On pourra détruire une structure, un appareil, mais les idées socialistes et humanistes du PAGS vivront plus longtemps que ne le pensent les défaitistes.
L’Algérie du travail et de l’intelligence a besoin d’un parti révolutionnaire de classe qui continuera de porter haut le drapeau de la solidarité internationaliste et luttera pour un monde débarrassé de l’exploitation de l’homme par l’homme.

5. Légitimement seuls les délégués élus au congrès de 90 - ? l’exception de ceux qui ont quitté ses rangs - ont le droit de se prononcer sur l’avenir du PAGS »

( « De notre histoire au quotidien », pages 128 et 129, Editions Chihab)