Décès en prison de de Kamel-Eddine Fekhar : à quel plan sa mise à mort a-t-elle obéi ?

vendredi 31 mai 2019
par  Alger republicain

Pour son avocat Salah Dabouz, elle « était programmée ». La mort, ce 28 mai, au CHU Frantz Fanon de Blida, de Kamel-Eddine Fekhar, suscite l’émotion et l’indignation au sein de larges couches de la population engagées depuis le 22 février dans des manifestations ininterrompues pour exiger le départ des hommes du régime.

Présenté par les journaux comme un militant des « Droits de l’Homme » de Ghardaïa dans le M’zab, Fekhar s’est éteint des suites de la grève de la faim qu’il avait entamée pour protester contre son arrestation le 31 mars dernier, puis sa mise en « détention préventive » pour « incitation à la haine » et « atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Fekhar avait été plusieurs fois arrêté puis libéré depuis 2004. Il avait été libéré le 16 juillet 2017 après deux ans de détention dans la sinistre prison de Berrouaghia.
Il semble que les autorités judiciaires lui reprochent les propos tenus le 25 mars dans un enregistrement vidéo publié sur Facebook. Or, on n’entend rien dans ces propos qui relèverait des motifs retenus pour ordonner son emprisonnement, encore moins un appel aux armes ne serait-ce que par de fines allusions. On l’entend critiquer les procédés grossiers utilisés par des autorités zélées pour réduire au silence quiconque dénonce leur impéritie dans la région. Il ne représentait pratiquement aucune menace sérieuse pour justifier la décision de le jeter en prison. Le rejet de sa demande de libération au vu de l’aggravation de son état de santé est incompréhensible. Son emprisonnement sans aucune raison juridique ou politique fondée ne peut s’expliquer que par les calculs tortueux des cercles qui l’ont prise, au risque de mettre le feu dans la région ?

Au moment où la quasi-totalité du peuple exprime son rejet d’un pouvoir caractérisé par la corruption, l’arbitraire, les injustices sociales, quoi de mieux pour le diviser et créer des diversions que de rallumer la mèche de la bombe des groupuscules séparatistes au Mzab ou ailleurs ? Objectivement cela aurait dû déboucher sur de tels résultats. Echec cinglant pour les fractions dangereuses du régime si tel était l’objectif. La manœuvre n’a pas donné les résultats escomptés. A l’instar de toutes les régions du pays, la population de Ghardaïa s’est massivement jointe aux manifestations, drapeau de l’unité territoriale du pays en tête et mêmes slogans surgis de dizaines de milliers de poitrines : « Klitou labled ya esserakine » et « trouhou gae » ! Echec aussi pour les séparatistes qui ont mesuré leur isolement par leur incapacité à entraîner des foules derrière eux. Les populations de cette région ont indirectement affiché leur rejet du mot d’ordre de droit à l’autodétermination de la région agité depuis 2014 sur internet par les groupes fondateurs du « Mouvement pour l’autonomie du M’zab », dont toute la presse « droit-de-l’hommiste » feint d’ignorer l’existence. Et Kamel-Eddine Fekhar en était le président comme l’indique la proclamation que ce mouvement a publiée le 25 novembre 2015 sur le site « siwel » : https://www.siwel.info/mam-quelle-e...

Il faut espérer que l’enquête que vient d’ordonner le ministère de la Justice fasse la lumière sur les tenants et aboutissants de cette arrestation et de ses conséquences tragiques. Sans trop se faire d’illusions ?

RN

Article mis à jour le 1er juin 2019