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Des voyages en Turquie, le hadj, la omra… avec...l’argent des œuvres sociales. Pourtant destiné aux nécessiteux dans le cadre de la solidarité entre les travailleurs

samedi 3 septembre 2016

3% de la masse salariale des travailleurs de l’Education va chaque année au Fonds des œuvres sociales. Une somme énorme qui pourrait être utilisée dans la construction de structures de santé de haut niveau, des centres de repos, des aides multiples aux travailleurs et leurs enfants. C’est bien cela l’objectif même de la création de ce Fonds : aide aux nécessiteux du secteur dans le cadre de la solidarité entre les travailleurs.

Ce n’est pas le cas depuis des années. Et la gestion des deux syndicats Unpef et Cnapeste depuis 2012 ne diffère pas de celle de l’Ugta, accusent des travailleurs. C’est même pire, diront certains. « Avant, il y avait au moins le cartable à la rentrée scolaire. On l’appelait le cartable de la honte – et oui ! – parce qu’il ne contenait pas grand-chose et n’était pas d’une bonne qualité. Aujourd’hui, il n’y en même pas », rapporte un ancien syndicaliste. « L’Aïd ? Non, il ne faut pas s’attendre à une aide. Aucune. Ni fournitures scolaires, ni aide financière pour l’achat du mouton ni rien d’autre. Le drame, c’est que même les enfants ne partent plus en colonies de vacances. Ceux qui gèrent le Fonds préfèrent que ce soient les adultes qui en profitent plus que les enfants. Et pas mieux que les voyages, entre autres en Turquie, pour se changer un peu les idées en ces temps d’austérité et de contraintes à tous les niveaux. Il y a aussi la omra et le hadj », dénonce le même syndicaliste. Et un autre de poursuivre : « Je pensais que c’était interdit par la religion de partir aux Lieux-Saints avec l’argent des nécessiteux ».

Manière de dire aussi qu’il y a des priorités dans l’utilisation de cet argent : « La santé avant tout. Au lieu de dépenser l’argent dans les voyages et les excursions, dans le hadj et la omra, il faudrait penser aux nombreux travailleurs du secteur qui souffrent de maladies contraignantes. Les œuvres sociales, ce sont d’abord les soins et les aides aux nécessiteux », insiste-il. La gestion du Fonds des œuvres sociales dans l’éducation nationale est à nouveau contestée par les travailleurs. Ils s’élèvent davantage contre le prélèvement des 3% de leurs salaires à la base. Sans qu’ils ne soient consultés. Une cotisation obligatoire contrairement à celle de la mutuelle (ancienne Mutuelle des travailleurs de l’éducation et de la culture) dont seuls certains s’en souviennent. La Munatec existe encore mais seuls certains continuent de payer la cotisation de 1%. Une minorité.

Les cotisations pour la mutuelle ne sont pas obligatoires mais l’alimentation du Fonds des œuvres sociales l’est, alors qu’un grand nombre de travailleurs du secteur pour ne pas dire la majorité refusent que leur argent aille vers ce Fonds. La raison est toute simple, c’est qu’ils n’en profitent pas. Tout part pour la commission nationale, ses membres et leurs proches collaborateurs, accusent certains. Selon un de ces travailleurs qui s’oppose à l’existence même de cette commission : « 30% de l’argent du fonds est consommé par la commission nationale… L’hébergement, la restauration, le transport et autres frais. Reste les 70% à partager entre 700 000 travailleurs. C’est honteux ». D’où l’idée de supprimer la commission nationale qualifiée de budgétivore et de la remplacer par un organisme qui sera géré par des administrateurs du secteur et non des syndicalistes. L’organisme portera le nom d’Office national de gestion des biens des travailleurs de l’éducation nationale ». Une gestion administrative sans lien avec le syndicalisme. Deux syndicats commencent à faire circuler cette proposition avant d’en faire une revendication officielle à soumettre au ministère.

Les deux syndicats sont le Satef et le Snapap. Tous les deux plaident pour une gestion décentralisée au niveau des wilayas. Une autonomie totale des commissions des wilayas. Cela permettra, entre autres, de mieux identifier les besoins des travailleurs au niveau local et suivre la gestion du fonds. Ceux qui plaident pour la mise en place de l’Office citent l’expérience d’un pays voisin, en l’occurrence le Maroc : « Une expérience bien réussie au Maroc ». En plus de « contourner les tentatives de détournement de l’argent des travailleurs et sa mauvaise gestion, ainsi que les passe-droits et la corruption morale », il y a urgence, affirment des travailleurs de la base, de faire barrage à ceux qui « entraînent l’école dans un conflit idéologique ». Le danger « islamiste » menace l’école algérienne. En témoigne l’interdiction (non déclarée) faite aux enfants de partir en colonies de vacances. « Les garçons et les filles ensemble, c’est interdit ! ». Ce n’est pas dit en ces mots mais il est clair que c’est cela la politique de ceux qui gèrent ce Fonds depuis 2012. L’Unpef a la majorité des voix depuis 2015. Et il est dans la commission nationale depuis 2012. Récemment, il s’est allié avec des imams et des enseignants de l’éducation islamique, et d’autres personnes représentant la mouvance islamique en Algérie, dans l’objectif, dit-il, de faire barrage aux réformes de Benghebrit. Une ministre qui se bat sur tous les fronts pour une école moderne. Une école universelle.

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Karima Mokrani
31.08.16
in La tribune


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