Et si l’on s’intéressait un peu au sort des femmes dans les pays musulmans ?*

dimanche 3 octobre 2010

Pourquoi les musulmans ne peuvent-ils développer d’autres formes de protestation pour défendre l’honneur d’Aïcha [épouse du Prophète, elle est considérée comme la « Mère des croyants » par les sunnites, mais honnie par les chiites en raison de son attitude hostile ? Ali, le quatrième calife, considéré comme le père du chiisme] ? La défense d’Aïcha justifie-t-elle vraiment l’explosion de tensions confessionnelles qui en est découlée au Koweït et ailleurs ? Au lieu de préparer le terrain pour des agressions et attentats entre sunnites et chiites dans certains pays de la région, on aurait pu se saisir de l’occasion pour attirer l’attention sur le sort des Aïcha contemporaines. Ainsi, l’Aïcha afghane, dont le magazine Time a fait sa fameuse une et ? laquelle sa famille a coupé le nez. Dans ce même pays, les talibans mènent une guerre sans merci contre l’enseignement des filles : ils ont détruit, selon différents rapports, des dizaines d’écoles et ont menacé les familles qui continuaient de vouloir donner une éducation scolaire ? leurs filles.

Pourquoi les musulmans ne s’intéressent-ils pas au phénomène du « tourisme marital » [du tourisme sexuel sous couvert de mariages «  ? terme », notamment de Saoudiens en Egypte et en Syrie], ni aux mariages arrangés avec des mineures, ni au sort des femmes répudiées et ? leurs enfants ? Pour eux, le scandale, ce sont des mots, des discours, des symboles. Au lieu de défendre les millions de femmes du monde musulman qui vivent dans la misère absolue et subissent des injustices, ils réagissent ? la question du voile en Grande-Bretagne, en Allemagne, ? New York ou ? Paris.
Les musulmans affirment que l’islam protège mieux la femme que le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, l’hindouisme, le zoroastrisme, le bahaïsme et que sais-je encore. Pourquoi ne s’appliquent-ils pas ? traduire ce discours dans la réalité ? Pourquoi ne font-ils rien pour que le monde musulman change ? Au lieu de quoi, on organise de bruyantes manifestations pour défendre « l’honneur » et « la dignité » d’une députée turque qui voulait porter le voile, pour clamer le droit de porter le niqab en France et pour dénoncer l’assassinat d’une musulmane en plein procès, dans un tribunal, en Allemagne.

Tout le monde sait que ces manifestations obéissent ? des considérations partisanes, ? des calculs politiques et ? l’objectif de déstabiliser les régimes en place. Aucune organisation musulmane n’a fait part de sa colère contre les talibans. Aucune n’a annoncé un programme de mesures destinées ? libérer la femme de sa triste condition. Au contraire, ces groupes ont réussi ? priver les femmes du peu de droits et de libertés qu’elles avaient réussi ? obtenir et continuent de pourchasser les femmes éduquées, les femmes qui travaillent, les femmes qui refusent d’être soumises.
De l’avant, Koweïtiennes, Arabes, musulmanes ! Dépassons ces symptômes d’une époque de fanatisme brouillon. Construisons l’avenir… radieux pour les femmes. Sauvons des millions d’Aïcha bien réelles, bien vivantes, bien de nos jours, qui continuent de subir violences et affronts.

Par Khalil Ali Haidar

dans le quotidien koweïtien Al-Watan

30.09.2010