Fédération Démocratique Internationale des Femmes. Déclaration de Caracas - mardi 26 juin 2007

lundi 8 mars 2010
par  Alger républicain

Déclaration de Caracas

mardi 26 juin 2007

Le XIVe Congrès de la Fédération démocratique internationale des Femmes, célébré ? Caracas du 8 au 14 avril 2007, se déclare l’héritier des luttes héroïques des femmes et des peuples du monde entier.

Nos 62 années d’âge ont leurs racines dans la lutte des femmes contre le fascisme, pour l’indépendance nationale et pour la paix sur la terre entière.

Lorsque notre premier Congrès mondial s’est réuni, en décembre 1945, des femmes de 44 pays situés aux latitudes les plus reculées portaient en elles l’espérance, le souhait et la conviction d’un monde meilleur, dépourvu de discrimination, de chômage, de faim ; elles portaient en elles une idéologie de paix digne d’être vécue.

Elle résonne encore dans Paris la voix claire et vibrante de Madame Cotton, première présidente de la FDIM, parlant de la « condition juridique de la femme », de la nécessité d’unir les femmes en défense de nos droits et en défense de nos enfants ; parlant de l’impérieuse nécessité d’élever une grande muraille de volontés et d’actions pour construire une paix mondiale durable.

Depuis lors, les ponts ont vu couler beaucoup d’eau : la Révolution cubaine, la défaite de l’impérialisme nord-américain au Vietnam, la libération des colonies africaines et asiatiques.

Comment ne pas nous considérer les héritières des vaillantes femmes cubaines, vietnamiennes, palestiniennes, des vaillantes femmes africaines, asiatiques, alors qu’elles sont des exemples qui emplissent d’orgueil et de dignité la FDIM et les femmes qui l’intègrent.

Le monde a changé, et pas toujours pour le bien de l’immense majorité de l’univers. Mais aujourd’hui, il souffle d’autres vents sur la planète et principalement dans notre Amérique latine.

Ce n’est pas un hasard si notre XIVe Congrès s’est réuni au Venezuela de Bolívar et de Manuelita Sáenz. Le processus révolutionnaire du Venezuela, côte ? côte avec Cuba digne et héroïque, phare de l’Amérique pendant les nuits de sombre inquiétude, est l’espérance de notre continent et du monde.

C’est pourquoi nous disons avec la même ardeur, avec la même véhémence, avec le même engagement qu’en 1945 : nous sommes une force héritière des femmes soviétiques, des femmes de tous les pays d’Europe qui luttèrent contre l’occupation nazi-fasciste, contre le phalangisme ; nous sommes une force héritière des femmes africaines qui luttèrent contre le colonialisme ; et, au cours de l’histoire plus récente, des vietnamiennes, des cubaines, des salvadoriennes, des guatémaltèques, des nicaraguayennes, de toutes celles qui, dans des situation difficiles, levèrent l’étendard de nos droits, le vote, la justice salariale et de meilleures conditions de travail, l’égalité juridique de la femme ; des ouvrières, des paysannes, des indigènes, des intellectuelles, des professionnelles qui toujours furent au côté du peuple ; des vénézuéliennes qui ont défendu et défendent leur Révolution bolivarienne, même au prix de leur vie et de celle de leurs enfants.

Nous sommes et nous serons des femmes qui luttent pour transformer le monde et atteindre le bien-être constant et soutenable, inséparable de la justice économique, sociale, politique et humaine, y compris l’indispensable lutte pour les droits de la femme travailleuse.

Nous sommes des femmes de tous âges, opinions, religions, identités, cultures et niveaux d’instruction. Nous avons la certitude de notre force et de notre engagement envers la vie. Nous sommes sensibles ? la douleur de nos peuples. Nos cœurs, notre intelligence, notre action sont ouverts aux millions d’êtres humains qui ont besoin, qui veulent et qui feront que change cet ordre injuste, économique, social, politique et patriarcal imposé par la globalisation néo-libérale.

Nous voulons un monde de paix et sans armes nucléaires ; et c’est pourquoi nous condamnons et exigeons que cesse l’escalade impérialiste de militarisation de la planète, et en particulier la guerre d’agression du gouvernement des États-Unis et de leurs alliés contre l’Afghanistan, l’Irak, le Liban, la Palestine.

Nous désavouons le Plan Colombie, qui ensanglante et étend ses tentacules jusqu’en Équateur et au Venezuela. Nous désavouons la tentative d’appropriation de l’Aquifère Guaraní, sur la Triple Frontière, sa militarisation et l’objectif d’établir de nouvelles bases militaires dans la région sous prétexte de terrorisme.

Pour nous, la paix n’est pas absence de guerre ou de conflit armé ; ce n’est pas la paix des cimetières ni la paix imposée pour dominer nos peuples. Pour nous, la paix se construit avec pain, travail, logement, santé, éducation, sécurité sociale publique et universelle gratuite, respect de ce qui est différent, souveraineté nationale, indépendance économique et politique, intégration de nos peuples.

Pour nous, tant qu’il existera des femmes et des hommes exploités, des femmes et des hommes qui ont faim, des femmes et des hommes exclus, il n’y aura pas de paix. C’est pourquoi il faut changer le système capitaliste. Et il faut pareillement changer l’ordre patriarcal, afin d’éliminer l’asymétrie du pouvoir entre les hommes et les femmes.

Nous voulons un monde d’égalité entre les hommes et les femmes, où l’égalité soit réelle et effective. Nous condamnons la guerre silencieuse que le grand capital transnational a imposé avec ses politiques néo-libérales, qui ont engendré la faim, la sous-alimentation, la misère, l’analphabétisme, les inégalités dans le monde ; des maux qui nous touchent fondamentalement et avec une force particulière, nous les femmes.

Nous condamnons l’invasion médiatique des transnationales de l’information et de l’industrie des loisirs, qui prétendent ainsi éliminer notre culture et nos identités nationales.

Nous voulons un monde où le développement soit constant et soutenable, et c’est pourquoi nous exigeons des actions décisives qui permettent de stopper la destruction de l’environnement, qui met en danger la vie sur la planète. Nous voulons un monde où chaque citoyenne, chaque citoyen sente que ses droits sont respectés, et c’est pourquoi nous exigeons la suppression de toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes, les déplacements de populations, l’exclusion des immigrants, le trafic de femmes et d’enfants, l’exploitation sexuelle, la prostitution, les assassinats et le trafic de drogues, ainsi que la suppression des obstacles pour accéder aux ressources et ? l’emploi dans des conditions d’égalité propices ? l’autonomie économique.

Nous croyons tout ceci possible moyennant l’édification d’une pleine citoyenneté, qui comprenne la construction juridique, économique, sociale, éthique, la construction du sens de la vie, de l’histoire, du projet de démocratie. Nous ne pouvons pas considérer qu’il existe une pleine citoyenneté lorsqu’il existe des femmes et des hommes qui ont faim, des femmes et des hommes qui sont marginalisés, qui sont exclus, qui sont analphabètes ; lorsque les femmes sont soumises au patriarcat.

Nous voulons un monde de plein accès ? la culture et ? la connaissance pour toutes et tous, et c’est pourquoi nous exigeons l’abolition des voies et des mesures qui uniformisent et mercantilisent les biens et les services qui, bien qu’étant le patrimoine des femmes et de toute l’humanité, sont transformés en privilège d’une minorité. Pour nous, l’appropriation n’est pas uniquement une question de quotités de pouvoir, de possibilité de voter et d’être élues. Elle signifie s’approprier la conduite de notre vie ; participer de façon active dans le dessin des stratégies nationales de développement ; être une présence active au sein des secteurs économiques, sociaux, politiques décideurs ; elle signifie faire valoir notre droit ? exercer nos droits.

L’appropriation, c’est, fondamentalement, construire un pouvoir populaire qui prenne en compte les hommes et les femmes ; un pouvoir qui rende nos peuples invincibles face ? l’impérialisme. C’est construire un pouvoir différent, un pouvoir qui ne soit pas exploiteur, qui ne soit pas oppresseur, qui ne soumette pas les citoyens ; un pouvoir capable de détruire définitivement le patriarcat et l’impérialisme.

Les femmes, nous ne sommes ni un secteur, ni un groupe, ni un thème. Nous sommes dans tous les secteurs et dans tous les domaines de la société ; c’est pourquoi nous sommes convaincues que cette diversité et cette transversalité sont ce qui donne sa richesse volcanique ? nos rêves et ? nos propositions. Cette diversité est celle qui engendre des initiatives créatrices, celle qui tue le schéma et la médiocrité de la pensée unique.

C’est pourquoi notre exigence a pour base la nécessité historique d’incorporer toute notre expérience accumulée, toute notre réflexion, ayant ? l’esprit la situation économique, sociale, culturelle et politique de chaque continent, de chaque région, de chaque pays. Une réflexion qui implique l’enrichissement permanent de notre pratique quotidienne, tout en nous permettant d’élaborer notre propre théorie en tant que Fédération démocratique internationale des Femmes. Une théorie élaborée ? partir de notre propre pratique, de notre propre action ; une théorie qui soit capable de s’approprier ce que la pensée révolutionnaire et féministe a de plus avancé.

Caracas, le 13 avril 2007 - Approuvé ? l’unanimité.