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Grève des dockers du port d’Alger interdite par le tribunal

mercredi 24 mai 2023, par Alger republicain

Les dockers de l’entreprise portuaire d’Alger (EPAL), une entreprise publique, sont les premiers à prendre connaissance à leurs dépens de la remise en cause de leurs droits syndicaux fondamentaux par la nouvelle loi sur les grèves tout récemment promulguée.

Les dockers se sont trouvés dans l’obligation de cesser le travail les 17 et 18 mai derniers pour exprimer leurs doléances et se faire entendre. Ils ont été poussés à bout par les tergiversations calculées de la direction de l’entreprise et leur lâchage par les responsables de l’UGTA, syndicat officiel auquel ils sont affiliés par habitude ou résignation.

S’appuyant sur la nouvelle loi, la direction de l’EPAL a sauté sur l’occasion pour stopper leur mouvement en les assignant devant le tribunal. Et elle a obtenu séance tenante gain de cause. Les dockers ont été sommés de reprendre le travail sur le champ. Dans son communiqué l’EPAL pavoise. Elle les a appelés à « faire preuve de responsabilité (…) en exécution de la décision de justice et en préservation des intérêts de leur entreprise ».

Et les intérêts des travailleurs ? Rien ne presse. On verra plus tard.

Comme tous les salariés du pays, les dockers sont exaspérés par une insoutenable hausse des prix qui attaque violemment leur pouvoir d’achat. Ils l’ont fait savoir en cessant de travailler. C’est l’unique moyen entre les mains des salariés pour défendre leurs revendications.

A la faveur de la dernière réforme de la législation sur les grèves et les syndicats, les patrons peuvent maintenant exploiter avec encore plus de férocité les travailleurs. Les nouvelles lois leur procurent désormais le sentiment qu’ils n’ont rien à craindre du côté des travailleurs. Encore moins qu’avant l’adoption de ces lois. Déjà que le patronat privé n’a jamais toléré l’existence de syndicat chez lui, ces lois, de par leur contenu, arrangent parfaitement ses intérêts.

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi c’est un véritable arsenal juridique anti-grève qui est mis en place. Un gros gourdin se trouve désormais entre les mains d’un employeur résolu à briser « légalement » la moindre revendication de ses salariés.
Les lois de 1990 avaient déjà érigé des obstacles à l’exercice du droit de grève, mais dans cette nouvelle loi le gouvernement est allé très loin dans la création d’une multitude d’obstacles artificiels destinés à empêcher de fait les travailleurs à faire grève sans tomber sous le coup de lourdes sanctions pénales.

Les conditions préalables posées par les concepteurs de la nouvelle loi pour qu’une grève soit reconnue comme acte légal sont dans la pratique impossibles à réunir. Des délais interminables sont prescrits. Présentés comme les étapes d’un processus de conciliation à l’amiable, ces délais sont assortis d’autres préalables tout aussi irréalisables. Ils ne sont en fait que de multiples barrages anti-revendication ouvrière, infranchissables si un collectif de travailleurs s’avisait de les respecter à la lettre.

Un processus bouché qu’aucun travailleur ne peut outrepasser sans prendre le risque de se retrouver en prison avec en plus une lourde amende à payer. Ce dispositif juridique est sans précédent dans l’histoire sociale du pays depuis son indépendance. Il ne laisse aucune marge d’appréciation à un magistrat désireux de se prononcer sur le fond des litiges et juger de la légitimité des revendications des travailleurs face à un employeur qui piétine leurs droits les plus élémentaires pour préserver ses profits scandaleux. Le juge est réduit par cette loi à la simple fonction d’un garde-barrière habilité à agiter uniquement le fanion rouge à la face des grévistes.

RS