Hommage à Aïssa Baïodh, un militant fidèle à son idéal communiste

mercredi 21 janvier 2015

Né en novembre 1919 à Bou-Saâda, dans le sud algérois, Aïssa Baïodh nous a quittés vendredi 15 janvier 2015. Ses obsèques se sont déroulées le samedi 16 janvier 2015.

Son grand-père et son père lettrés tous deux en arabe avaient fréquenté des écoles coraniques dans les zaouias de Tolga et d’El-Hamel et également auprès de la confrérie des Rahmania. Aïssa Baïodh, à son tour, fréquentera l’école coranique dès l’âge de cinq ans jusqu’à l’âge de treize ans. Ayant perdu son père alors qu’il était âgé de deux ans et demi, il fut pris en charge ainsi que son frère par son oncle paternel qui désirait selon Aïssa BaÏodh, les orienter dans leurs études afin « de devenir Imam comme lui ». C’est ainsi ajoute-t-il, que lui et son frère avaient bénéficié à l’âge de 10 ans de cours particuliers prodigués par un maître pour acquérir des notions sur la théologie. Mais dit-il également, « à l’âge de sept ans les portes de l’école française lui ont été ouvertes ».

Dans son enfance, alors qu’il était âgé de neuf ans, il connaît pour la première fois de sa vie une courte détention à la gendarmerie de Bou Saada et sera victime de l’injuste répression coloniale. Une vieille voisine lui avait demandé de lui rendre un service en vendant pour son compte deux poulets. Croyant bien faire Aïssa se présenta à deux gendarmes européens pour leur proposer l’achat des deux volatiles. Mal lui en prit, les gendarmes désireux de s’octroyer ces poulets sans les payer ont arrêté Aïssa Baïodh avec l’intention, sans doute, de l’intimider. Mais ses cris et ses protestations véhémentes les contraignirent à le libérer au bout d’une heure et demie de détention, en lui restituant ses deux volatiles. Il venait de faire ses premières armes dans la lutte contre la répression coloniale qui s’abattra à nouveau sur lui quand il sera arrêté en janvier 1956 et interné au camp de Lodi en pleine guerre de libération nationale.

Sans doute cet événement, alors qu’il était écolier, l’a marqué et a stimulé son ardeur à s’instruire pour mieux lutter et imposer le respect de sa dignité d’homme. Élève studieux lors de son passage à l’école primaire, il parviendra ensuite à poursuivre ses études d’abord dans un cours complémentaire puis dans une école primaire supérieure où il obtiendra son brevet de capacité supérieure des écoles normales. Ce qui lui permettra ensuite de rejoindre dans les années 1940 l’école normale de la Bouzaréah où il reçoit sa formation d’instituteur. Il fait là la connaissance de Boualem Khalfa, Mahfoud Kaddache, Mokhtar Boucif, Seddiki Mohamed, Bari Mida, Seffar Belaïd, de jeunes étudiants algériens qui n’étaient pas du tout indifférents aux luttes qui se menaient dans le pays contre le colonialisme.

D’ailleurs, avant de rejoindre l’école normale de la Bouzaréa, Aïssa Baïodh, dans sa notice biographique écrit ce qui suit :
« Les élections de 1936 et la victoire du Front populaire en France créèrent un intérêt plus grand. Le Congrès Musulman de 1936 attira mon attention et me fit suivre, avec de nombreux jeunes de mon âge, Arabes et Juifs, les progrès et les blocages dans la politique à l’égard de l’Algérie et des Algériens.... »Quand la commission Lagrosilière vint à Bou Saâda, lors de son travail d’enquête sur le projet Blum Violette, je fis la connaissance du député communiste français Michel et ce après ma sortie de l’école l’après-midi. Nous fîmes une promenade dans la vieille ville, le long de l’Oued, de la palmeraie, les dunes. Nous discutions à bâtons rompus sur la condition politique, économique et sociale de la région. Les questions que m’avaient posées le député Michel ont rehaussé en moi l’intérêt politique que je devais accorder à la condition des Algériens."

Peut-être ce premier contact avec un communiste a-t-il contribué onze ans plus tard, en décembre 1947, à l’adhésion de Baïodh au Parti communiste algérien. Mais entre-temps, d’autres événements importants y contribueront sans aucun doute. Comme de nombreux autres Algériens il est mobilisé dans l’armée française en mars 1943 et participe à la guerre antifasciste et anti-hitlérienne. Il est blessé près de Belfort au cours des combats en Alsace, évacué vers l’Algérie et démobilisé en Août 1945 après la victoire sur le fascisme.

Dans sa notice biographique il raconte qu’en février 1944, avant de rejoindre les champs de bataille d’Alsace, il était de passage à Casablanca avec son régiment. Il écrit :
« En février 1944, les incidents qui mettent aux prises les autorités françaises de la résidence au Maroc, avec des militants de l’Istiqlal et d’autres patriotes marocains furent un cas de conscience pour les Algériens servant dans les bataillons du premier régiment de zouaves. Notre compagnie appelé à intervenir en ville contre les civils marocains, une question fut posée capitaine commandant de la compagnie. Les Algériens vont-ils aller de gaieté de cœur faire la police et même plus avec leurs mitrailleuses sur Half-track contre leurs frères marocains ? dont les fils, les frères Thabors et tirailleurs marocains se trouvent en Italie autour de Cassino et de la Sienne etc.. La réponse du capitaine fut la suivante. Ce sont les ordres de l’autorité militaire. Nous obéissons..... »

Il écrit encore dans cette notice biographique :
« Les événements du 8 mai 1945 m’ont trouvé à Sainte Foy l’Argentière (France). Pas de nouvelles précises et circonstanciées. Je ne les ai vus décrits dans le détail après mon retour en Algérie. »

Démobilisé, Baïodh reprendra sa vie professionnelle d’instituteur. Mais en même temps son activité militante se consacrera d’abord au syndicat des instituteurs. Après son adhésion au PCA il participera aux conférences régionales et aux congrès du Parti. Lors des élections des délégués à l’Assemblée algérienne en avril 1948, il est traduit devant le tribunal colonialiste des flagrants délits pour son opposition au vote à bulletin ouvert imposé dans le Bureau de vote de Houamed (près de Bou Saâda).

Le premier novembre 1954, il est à Alger. A la demande d’Alger républicain dont il est l’un des correspondants à Bou-Saâda, il part avec sa voiture aux côtés des journalistes Abdelhamid Benzine et Nicolas Zannettacci en Kabylie où ils vont s’informer de la situation dans la région. Dans sa notice biographique Baïodh écrit à ce propos :
« Pendant ce temps-là (où nous étions en Kabylie), je fus recherché à Bou-Saäda pour une arrestation préventive, idée avancée par un membre de la commission municipale de cette localité, le docteur Nocolaï Jacky, homme d’extrême droite. »

Au lendemain de l’indépendance de juillet 1962, il participera à l’organisation de l’ouverture de l’année scolaire en préparant le dossier du mouvement des directeurs d’école. Nommé à la direction du collège d’enseignement général de la cité Marly à Hussein-Dey il exerça cette fonction pendant dix ans jusqu’au 20 septembre 1971. Il fut ensuite muté à la diction du CEM Grellet de Kouba qui fut appelé sur son intervention en 1972-73 CEM Emir Khaled de Kouba. Tout en assurant sa fonction de directeur de ce CEM, Baïodh eut une activité syndicale intense au sein de l’UGTA parmi les enseignants. Malgré les manœuvres anticommunistes qu’il réussit à déjouer avec une majorité de syndicalistes, il fut élu en juillet 1964 au congrès d’Oran de la FTEC à la commission exécutive et au secrétariat fédéral qui le chargea des affaires corporatives. Mais en 1969, les éléments anticommunistes au sein de l’UGTA parviennent en usant de méthodes antidémocratiques à l’écarter de la FTEC.

Militant clandestin du PAGS dans les années 1965 à 1989, il sera élu membre de la commission de contrôle financier de ce parti au premier congrès du PAGS qui s’est déroulé en 1990 après la sortie de la clandestinité.

Aïssa Baïodh est resté fidèle à son idéal communiste. Le Parti Algérien pour la Démocratie et le Socialisme, auquel il a apporté sa contribution pour sa formation, salue sa mémoire et présente ses condoléances à sa famille.

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20.01.2015