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Ibrahima Sène du Pit : « Les Sénégalais s’insurgeront si la France et les Usa obligent le Sénégal à participer à une guerre au Mali »

jeudi 2 août 2012

Les Sénégalais n’accepteront pas que la France et les Usa fassent céder leur pays à travers une participation militaire au Mali. Selon Ibrahima Sène, membre de la coalition présidentielle et secrétaire chargé des questions économiques au parti de l’indépendance et du travail (Pit), le Sénégal a tout intérêt à demander à la Cedeao de lever l’embargo contre le Mali qui est le premier le premier pays de destination des exportations du Sénégal. Entretien…

Quelle analyse faites-vous de la visite de Fabius au Sénégal ?

Cette visite rentre dans le cadre normal des relations diplomatiques entre nos pays où on a vu des changements dans l’Exécutif. Que le président du Sénégal rende visite à son homologue de la France, que le ministre des affaires étrangères vienne au Sénégal parait normal. Mais, seulement, c’est le contexte dans lequel cette visite s’est produite qui laisse les gens un peu perplexes. Surtout que Laurent Fabius dit que les objectifs de sa visite, c’est de s’entretenir avec les autorités sénégalaises sur la situation au Mali.

Et vous en comprenez quoi ?

Ce que nous y comprenons, c’est que le Sénégal a déjà dégagé une position nette concernant la situation au Mali et les perspectives de solutions.

C’est lesquelles ?

Le Sénégal ne s’inscrit pas dans une dynamique d’envoi des troupes combattantes au Mali dans le cadre de la Cedeao. Il l’a dit et répété. Donc, si Laurent Fabius vient au Sénégal dans le but de faire changer le Sénégal de position, ce serait malheureux. Parce que les Sénégalais ne vont accepter que sous pression de la France, ou même des États-Unis le Sénégal cède. Ils doivent savoir que le dossier malien est vital pour le Sénégal ; non pas tant au niveau sécuritaire, mais particulièrement du point de vue économique.

Le Mali est le premier pays de destination des exportations du Sénégal. Il y exporte entre 16 et 18%. La France est entre 5 à 6 % des exportations du Sénégal ; l’Ue, c’est entre 15 et 16%. Donc, ce qu’on exporte à l’Ue, c’est l’équivalent avec le Mali. Le Mali est un partenaire stratégique pour le Sénégal.

Dès que la Cedeao a prévu de faire un embargo contre le Mali le 2 avril, et dès la fin de ce mois, on a senti la descente aux enfers des exportations du Sénégal. En mars, ce que le Sénégal exportait dans le cadre de l’Uemoa orienté au Mali était à 64%, fin avril 60%, fin mai, 52%.

Et si l’embargo continue, le Sénégal va perdre sa destination principale d’exportations. Donc, il ne faut pas que cet embargo contre le Mali continue. Et Que la situation du Mali s’empire par l‘intervention militaire de pays qui ne sont pas les pays de front du Mali. Le Sénégal n’a pas de frontière avec le Mali au nord de ce pays, le Nigeria n’a aucune frontière avec le Mali.

Donc, je ne vois pas pourquoi ces pays doivent être envoyés pour libérer le nord pendant que les pays du front que sont la Mauritanie, le Niger, l’Algérie sont exclus.

Que faudrait-il faire alors ?

Il faudrait à mon sens que les pays du front avec le Mali constituent un front de libération du nord. Mais venir persuader le Sénégal et le Nigéria pour envoyer là-bas des militaires, c’est encore contribuer à rendre la situation sécuritaire du Mali inextricable. Parce que tous ces pays de front n’accepteront jamais que le Sénégal et le Nigéria aillent au niveau de leurs frontières. Donc, on va créer de faux problèmes.

Voilà pourquoi les Usa et la France auront beau développer des arguments, le Sénégal n’a aucun intérêt à participer dans cette dynamique militaire. Il a tout intérêt à dire à la Cedeao de lever l’embargo sur le Mali parce que ça l’étouffe. Et étouffe aussi le Mali pour avoir même les ressources de sa propre libération. Parce que même tout l’argent que les Maliens envoient à leurs parents via western union est bloqué ; c’est le même cas pour l’argent que le Mali a dans les banques de la Cedeao.

Fabius a aussi rendu visite à Y’en a marre . Vous y comprenez quoi ?

Le mouvement Y’en a marre a acquis une notoriété internationale. Ça participe d’une dynamique d’influence que les États cherchent sur les forces vives de la nation au Sénégal. Il faudrait juste que les Sénégalais comprennent qu’il est faux de parler de la mort de l’impérialisme. Ce qui se passe au Mali, ce qui s’est passé en Libye montre bien que la France et les Usa ont des intérêts économiques à défendre dans nos pays. Ce n’est pas pour nos beaux yeux qu’ils nous font des largesses à travers la coopération.

Ah bon ?

Tous ceux qui ont analysé ce que l’aide publique au développement amène au Sénégal et même ailleurs, comparé au bénéfice et profit que rapatrient les pays étrangers, France, Usa du Sénégal, c’est sans commune mesure. Au Sénégal, il est calculé en moyenne que de 2000 à 2009, 500 milliards de Fcfa, en termes profits et dividendes, ont été rapatriés. Pendant que l’aide publique au développement n’a jamais dépassé 120 milliards.

Mieux, nos expatriés qui envoient au Sénégal entre 400 et 500 milliards par an sont en train d’être expulsés par l’Europe. Donc, il ne faut pas que les gens se focalisent sur l’aide publique au développement qu’on donne, oubliant qu’elle crée pour ces pays-là les conditions d’extirper au maximum nos ressources par le biais du rapatriement des bénéfices et des profits.

C’est pour le partage de cette aide que de hauts cadres, dans les Partis politiques, au sein de nos États et dans des ONG se sont inféodés aux grandes puissances impérialistes pour porter leurs visées de domination de notre continent qui sont fortement menacées par les pays émergent qui conteste leur hégémonie sur l’économie mondiale. C’est pour cette aide à partager que ces hauts cadres cherchent à substituer les vocables « impérialisme et spoliation de nos richesses » par « partenaires techniques et financiers, et coopération pour la mise en valeur de nos richesses »

Que faut-il faire face à cette « menace » ?

Il faut se rendre compte que dans nos pays, nous avons besoin de toutes nos potentialités humaines ; quelles que soient les divergences idéologiques et mêmes de convictions religieuses, nous avons tous besoin d’être ensemble, dans le cadre d’un large rassemblement, pour faire face aux visées pour maintenir et de perpétuer l domination de nos États par les Usa, la France et l’Ue. Les pays du Bric sont disposés à financer sans suivre les méthodes de ces derniers. Donc, nous ne sommes dans l’impasse.

Le 29 juillet 2012

in xalimasn.com