Il y a 20 ans, Mohamed Hassaïne était enlevé puis assassiné : perpétuer sa mémoire et celle de tous les martyrs du socialisme et du progrès social en poursuivant leur combat

mercredi 26 février 2014
par  Alger republicain

C’était le 28 février 1994, au matin, un jour de ramadan. Notre camarade Mohamed Hassaïne venait de quitter son domicile ? Larbaatache, dans les faubourgs d’Alger, pour rejoindre son lieu de travail ? Rouiba. Un groupe fasciste appartenant ? la horde du « Front islamique du Salut » était en embuscade. Ils l’ont embarqué dans une voiture. Des gens avaient assisté ? la scène. Par peur ou complicité, ils gardèrent le silence. Ce n’est que vers le « ftour » que sa femme, inquiète de ne pas le voir rentrer ? la maison, comprit d’instinct que le malheur venait de s’abattre sur sa famille. Elle pressentait qu’un jour ou l’autre, son mari finirait par subir le sort tragique de ceux qui affrontaient ces hordes fascistes.

Mohamed Hassaine enlevé et assassiné en 1994. Il a laissé une femme et trois enfants. Le dernier d'entre eux venait de naître quelques jours avant l'enlèvement de son père par les par les terroristes du Front islamique du Salut

Malgré les conseils pressants de ses camarades qui l’avaient encore invité, une semaine avant son enlèvement ? quitter immédiatement la région, Mohamed avait du mal ? se résigner ? cette solution. Il y bénéficiait d’une large sympathie mais la terreur était en train de se répandre dans la population. Les possibilités d’organiser la résistance existaient mais les groupes terroristes avaient déj ? réussi ? étendre leur emprise sur la population depuis leur légalisation avec la complicité du régime.

Son corps n’a jamais été retrouvé. Ceux qui ont participé ? son assassinat ont bénéficié de la loi sur la Concorde. L’Imam qui utilisait la religion pour duper les gens crédules et les pousser ? faire la chasse aux progressistes ou aux citoyens réfractaires ? ses fetwas, dressant dans sa mosquée la liste des personnes ? abattre, égorger ou enlever, n’a pas été inquiété. Mais il a fui la région pour échapper ? la punition que lui aurait réservée une population traumatisée par ses méfaits.

Mohamed Hassaïne était un homme très estimé par les travailleurs, les paysans pauvres, les jeunes de condition modeste de la petite agglomération de Larbaatache où il était né. Miliitant du Parti de l’Avant-Garde socialiste il ne cachait pas ses opinions même aux moments les plus durs.

Il portait ouvertement la contradiction aux gens du FIS en dévoilant auprès des travailleurs et des petits paysans le caractère réactionnaire de leurs objectifs, leurs liens avec les exploiteurs, la bourgeoisie et les trafiquants, leur hostilité au socialisme, le contenu anti-populaire de leur mot d’ordre de « dawla islamia ». Il les avait combattus quand ils faisaient la propagande pour la restitution des terres nationalisées et remises aux paysans sans terre dans les années 1970. Il dénonçait infatigablement les visions obscurantistes qu’ils répandaient dans la population. C’était un débatteur redouté par sa capacité ? ramener les discussions vers les questions concrètes. Il démasquait facilement les propagandistes du FIS. Il les obligeait ? définir leurs positions sur les projets de privatisation, la fraude fiscale des riches, le respect des droits des travailleurs, l’égalité entre les hommes et les femmes.

Technicien agricole, sa connaissance des réalités du terrain lui avait permis de nouer des liens étroits avec de nombreux secteurs dans la paysannerie et les travailleurs des anciens domaines agricoles de l’Etat. Ce qui inspirait l’inquiétude chez tous ceux qui oeuvraient dans le régime ou en dehors de lui pour imposer un régime d’exploitation et d’affairisme.

Mohamed Hassaïne était un homme d’une grande culture. Il ne rentrait jamais chez lui sans rapporter un livre. Même dans les moments les plus difficiles, il trouvait le temps pour lire ou relire les classiques du marxisme.

Il était correspondant Alger républicain. Il avait la plume facile pour écrire des articles dans lesquels il faisait état des préoccupations quotidiennes du petit peuple de sa région natale, décrire ses activités dans les domaines les plus divers. Il ressentait une grande joie ? rendre compte d’une partie de foot-ball.

Mohamed Hassaïne avait joint sa voix pour dénoncer les dirigeants et les cadres du PAGS qui préparaient la liquidation de ce parti héroïque et sa transformation en « front républicain » pour soi-disant regrouper de larges catégories de la population dans la lutte contre le FIS.

Mohamed Hassaïne a laissé une femme et trois enfants. Le dernier d’entre eux venait de naître quelques jours avant l’enlèvement de son père. Sa femme a fait face avec un courage magnifique ? toutes les adversités pour les élever et les nourrir. Ils ont grandi et, comme la plupart des jeunes de leur âge, ils sont au chômage. Les autorités n’ont jamais daigné reloger dans des conditions décentes sa famille, surtout au moment où la terreur régnait dans cette région, partie intégrante du sinistre « triangle de la mort ». Les assassins auraient pu tenter de s’en prendre ? sa famille comme ils l’ont fait un peu partout pour terroriser les citoyens.

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Zoheir BESSA

Alger républicain

26.02.2014


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