Journée internationale de luttes et de solidarité des travailleurs. Premier mai 2010 en Algérie : espoirs et combativité.

samedi 1er mai 2010
par  Alger républicain

Dans le monde des millions de travailleurs vont marcher dans les rues pour dire haut et fort qu’ils n’accepteront pas de payer la facture de la crise du système capitaliste.

Dans notre pays, même si les interdits scélérats et les entraves de toutes sortes décrétés par le pouvoir les empêcheront de marcher comme leurs camarades d’Athènes, d’Istanbul et d’Ankara, de Moscou, de Berlin et de Paris, etc., ce premier mai ne passera pas cette année, inaperçu.

De multiples rencontres vont se dérouler un peu partout. En petits groupes, dans des locaux que la police ne pourra pas fermer, syndicalistes et travailleurs se promettent de débattre de leurs problèmes, étudier leurs expériences de luttes, échanger leurs opinions sur les meilleures façons de se faire entendre, de faire face à la volonté des gouvernants de leur faire subir leurs mesures d’austérité qui seraient dictées par la chute des recettes d’hydrocarbures alors qu’ils allègent année après année la fiscalité sur les capitalistes, les importateurs et les riches. Ils feront la démonstration qu’ils ne se résignent pas devant la loi des exploiteurs qui s’enrichissent sur leur dos. La force tranquille de cette grande humanité prolétarienne, nullement vaincue malgré les défaites et les reculs de la fin du siècle dernier, empêchera les puissants de dormir d’un sommeil paisible sur leur matelas dorés et bourrés d’argent.

Ils veilleront au cours de ces rencontres à entretenir cette tradition internationaliste de luttes et de solidarité malgré ces interdits instaurés au nom soi-disant d’impératifs de sécurité. Depuis maintenant près de 20 ans le pouvoir s’oppose à tout défilé de rues. L’état d’urgence proclamé pour lutter contre les terroristes islamistes est scandaleusement détourné de son objectif initial. Il est utilisé pour dénier aux travailleurs, à coups de manches de pioches, le droit de crier dans la rue et sur les grandes places publiques, qui ont vu tant de manifestations populaires dans l’histoire du pays, leur refus de continuer à subir les injustices sociales. L’UGTA, syndicat maison à sa botte, ne fait même plus l’effort d’organiser de meeting dans la grande salle de réunion de son siège central.

En fait les exploiteurs « anciens » et nouveaux, les pilleurs du Trésor public, les carpettes des multinationales, les despotes accrochés à leurs privilèges ont peur d’une chose : que les travailleurs puissent parler fort, joindre leur voix à celle de millions d’autres de leurs camarades de toutes nationalités dans le monde, unis par un même sort, celui de subir l’exploitation capitaliste, et par le même espoir, celui de renverser un jour prochain l’ordre grâce auquel une minorité de nababs qui ne travaillent pas vit aux dépens de ceux qui travaillent. Ils ont peur que les travailleurs puissent, dans ces rassemblements de rues peser leurs forces en vue de plus grands combats pour devenir la force dirigeante de la société qui saura envoyer au musée de l’histoire les capitalistes, les féodaux, les oligarques, les despotes et les satrapes vampires jamais repus de la précieuse sueur ouvrière.

Depuis près de vingt ans leur souci constant est d’extirper de la conscience et de la mémoire de la classe ouvrière algérienne cette tradition de luttes. Ils s’y emploient de diverses façons quand ils ne parviennent pas complètement à la rejeter dans l’oubli. Sans aucune originalité ils ont recours à cette astuce éculée qui consiste à baptiser cette journée de luttes en « fête des travailleurs ». Ou même « fête du travail », cette expression consacrée par Hitler et Pétain, en plein massacre de syndicalistes de communistes, de résistants, pour célébrer les vertus du « travail » jusqu’à épuisement au profit de la grande bourgeoisie qui les avait portés au pouvoir.

Mais au juste que devraient nos travailleurs « fêter » selon eux ? Des salaires et des retraites de misère ? Le prix de l’oignon qui a crevé le plafond des 120 dinars après une chute dérisoire de celui de la pomme de terre ? Des soins inaccessibles et des hôpitaux transformés en mouroirs par les partisans des cliniques privées pour riches ? Le plan du pouvoir contre le système actuel des retraites en vue de faire travailler plus longtemps les salariés ? Les inégalités qui font que moins de 10% de la société mettent la main sur 90% du revenu national, que les devises du pétrole et du gaz ne servent pas à relancer le processus d’industrialisation du pays et n’aident pas la masse de la petite paysannerie à assurer la sécurité alimentaire du pays ? La persécution des syndicalistes ? Le matraquage des médecins, des enseignants, des ouvriers de Rouiba ?

L’emprisonnement des jeunes chômeurs en révolte contre le mépris du pouvoir et des nantis ? Le lynchage et les campagnes de terreur nocturnes orchestrée en toute impunité par les hordes du Ku Klux Klan algérien contre les femmes travailleuses de Hassi Messaoud, l’un des lieux les plus surveillés de l’Algérie par la police et tous les services de sécurité ?

Ce qui est certain c’est que l’année 2010 ne sera pas comme les précédentes. Elle a commencé dans la lutte de dizaines de milliers d’ouvriers d’usines, de médecins, d’enseignants, pour de meilleurs salaires, la dignité et les droit à s’organiser pour défendre leurs revendications matérielles et morales. Elle se poursuivra avec l’entrée en lutte d’autres catégories.

Malgré les menaces et les pressions, les travailleurs ont tenu bon. Le pouvoir a dû reculer : des augmentations de salaires sont annoncées. Le plus scandaleux c’est la colère de certains éditorialistes, plus royalistes que le roi, qui s’élèvent contre ces augmentations en reprenant les arguments éculés et faux des chiens de garde du capitalisme prétendant que les hausses de salaires provoquent l’inflation en situation de « stagnation de la productivité du travail » sans nous expliquer pourquoi la hausse des profits est jugée quant à elle naturelle dans cette même situation de « stagnation » ou pourquoi la hausse des revenus pétroliers ne devrait profiter qu’aux capitalistes et aux profiteurs du système et jamais aux travailleurs.

Jamais le pouvoir ne réussira à enrayer cette marche vers des syndicats unitaires, démocratiques, de classe et de masse, résolument engagés pour faire valoir les aspirations de ceux qui créent les richesses matérielles et intellectuelles de la société, à jouir du produit de leur travail. Jamais, quels que soient leurs soutiens internes et externes, il ne réussira à leur interdire de s’organiser pour concrétiser leur rêve d’une société bâtie sur d’autres bases que la propriété capitaliste, à construire une société débarrassée de l’exploitation et de l’oppression.

Plus que jamais le destin des travailleurs algériens est inséparable du combat de la classe ouvrière internationale pour la réalisation de la même aspiration à un monde socialiste.

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Zoheir Bessa