L’Otan appelle aux armes

jeudi 15 octobre 2015

Le conseil de l’Atlantique Nord s’est réuni hier d’urgence à Bruxelles, au niveau des ministres de la défense, « dans un moment décisif pour notre sécurité ». L’Otan est « fortement préoccupée par l’escalade de l’activité militaire russe en Syrie », en particulier par le fait que « la Russie n’est pas en train de viser le groupe État Islamique (EI) mais elle est en train d’attaquer l’opposition syrienne et les civils ».

L’Otan ne spécifie pas quelle est « l’opposition syrienne » attaquée par la Russie. Le Pentagone a dû admettre, le 16 septembre, avoir réussi à entraîner en Turquie, en dépensant 41 millions de dollars, à peine 60 combattants soigneusement sélectionnés, mais qui, une fois infiltrés en Syrie sous le sigle « Nouvelle armée syrienne », ont été « presque complètement balayés par les forces du front al Nosra ». L’« opposition syrienne », que l’Otan ne voudrait pas voir attaquée, est constituée par cette galaxie de groupes armés, formés pour la plupart de combattants étrangers, financés par l’Arabie Saoudite et les autres monarchies du Golfe, et dont beaucoup sont passés par les camps d’entraînement de la CIA et des forces spéciales US en Turquie. La frontière entre ces groupes et l’EI est extrêmement floue, si bien que souvent des armes fournies à « l’opposition » finissent dans les mains du groupe État islamique. Ce qui les réunit est l’objectif, fonctionnel à la stratégie USA/Otan, d’abattre le gouvernement de Damas.

L’accusation faite à la Russie d’attaquer volontairement les civils en Syrie (même si on ne peut pas exclure la mort de civils dans les attaques concentrées contre l’EI) viennent d’une Otan qui, dans les différentes guerres a fait des massacres de civils (voir le dernier exemple à Kunduz en Afghanistan). Il suffit de rappeler que, contre la Yougoslavie en 1999, elle a employé 1100 avions qui ont effectué en 78 jours 38.000 sorties, décrochant 23.000 bombes et missiles, provoquant encore aujourd’hui des victimes civiles à cause de l’uranium appauvri et des substances chimiques sortis des raffineries bombardées. Dans la guerre contre la Lybie en 2011, l’aviation USA/Otan a effectué 10.000 missions d’attaques, avec plus de 40.000 bombes et missiles. Et aux victimes des bombardements se sont ajoutées celles, encore plus nombreuses, du chaos provoqué par la démolition de l’Etat libyen.

L’Otan qui dénonce le franchissement accidentel d’avions russes de l’espace aérien turc en le définissant « violation de l’espace aérien Otan », ne réussit pas à cacher le vrai problème : l’échec subi à cause la décision russe d’attaquer réellement le groupe État Islamique, que la Coalition guidée par les États-Unis (officiellement ce n’est pas l’Otan qui intervient en Syrie) fait semblant d’attaquer en frappant des objectifs secondaires. On n’explique pas autrement comment des colonnes de centaines de camions, chargés de ravitaillement, ont pu jusqu’à présent arriver de Turquie dans les centres contrôlés par l’EI (les photos satellitaires le montrent) et comment des colonnes de véhicules militaires de l’EI ont pu se déplacer tranquillement à découvert.

Sur cette toile de fond, les ministres de l’extérieur de l’Otan, réunis hier à Bruxelles, ont annoncé le renforcement du Readiness Action Plan. Après l’activation en septembre de six « petits quartiers généraux » en Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie, destinés à une intégration plus étroite des forces, il est décidé d’en ouvrir deux autres en Hongrie et Slovaquie et de « pré-positionner du matériel militaire en Europe de l’Est, pour pouvoir renforcer rapidement, si nécessaire, les alliés orientaux ». Il est décidé en même temps de renforcer la « Force de réponse », augmentée à 40 000 hommes.

Le secrétaire général Stoltenberg fait à ce sujet une annonce importante : l’Allemagne assumera en 2019 la direction de la « Force de pointe à très grande rapidité opérationnelle » qui, comme le démontre l’exercice Trident Juncture 2015, peut-être projetée en 48 heures « partout à n’importe quel moment ». Et la Grande-Bretagne « enverra davantage de troupes en rotation dans les pays baltiques et en Pologne pour des entraînements et des exercices ». L’engagement supplémentaire annoncé par l’Allemagne et la Grande-Bretagne dans l’Otan sous commandement US confirme que les plus grandes puissances européennes, qui ont parfois des intérêts propres en contraste avec ceux des États-Unis, se ressoudent avec eux quand l’hégémonie de l’Occident est menacée.

Les ministres de la Défense de l’Otan annoncent « des pas supplémentaires pour renforcer la défense collective » non seulement vers l’Est mais aussi vers le Sud. « Nos commandants militaires – communique Stoltenberg – ont confirmé que nous avons ce qu’il faut pour déployer la Force de riposte dans le Sud ». L’Otan est donc prête pour d’autres guerres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

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Par Manlio Dinucci

in mondialisation.ca,

10.10.15

souce : ilmanifesto.info

Article original en italien : Chiamata alle armi del Consiglio Atlantico, il manifesto, 9 octobre 2015

Traduction par Catherine-Marie

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