La Grève générale du 29 septembre a été massivement suivie en Espagne : 10 millions de grévistes et 1,5 million de manifestants manifestent leur colère contre les mesures anti-sociales du gouvernement socialiste de Zapatero

dimanche 3 octobre 2010

Cette grève générale du 29 septembre 2010 marque un tournant dans l’organisation de la résistance des travailleurs espagnols ? la politique de casse sociale orchestrée par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero.

C’est la première grève générale convoquée par les deux syndicats majeurs espagnols – l’UGT socialiste et les Commissions Ouvrières (CC.OO) historiquement liées au PCE – depuis l’arrivée au pouvoir des socialistes en 2002 et seulement la septième depuis la chute du franquisme.

Elle est l’expression d’un mouvement qui prend une toute autre ampleur que le premier mouvement de grève lancé seulement dans la fonction publique le 8 juin dernier. Une mobilisation d’une autre dimension ne serait-ce que par les taux de grévistes communiqués par les deux syndicats : entre 70 et 75% de grévistes, soit plus de 10 millions de travailleurs espagnols qui ont cessé le travail ce mercredi.

Par ailleurs, le mouvement bénéficie d’un très large mouvement de sympathie parmi la population espagnole qui soutient le mouvement massivement, ce qui est corroboré par plusieurs sondages publiés dans la semaine, y compris chez ceux qui ne peuvent matériellement la faire.

La politique de casse sociale du gouvernement Zapatero devient de plus en plus insupportable pour l’ensemble des salariés espagnols, et en particulier les plus modestes : baisse de 5% du salaires des fonctionnaires ; coupes dans les allocations sociales ; gel de toutes les retraites ; recul de l’âge de départ légal ? la retraite de 65 ? 67 ans sans oublier la nouvelle contre-réforme du marché du travail avec généralisation d’un « CDI précaire » avec procédures de licenciements facilitées, indemnités de licenciement minorées et flexibilité dans les horaires de travail consacrée.

C’est devant l’existence d’une très forte colère sociale que la grève générale du 29 septembre s’est imposée d’elle-même ? des directions syndicales jusqu’ici frileuses ? lancer un mot d’ordre appelant ? la grève générale.

Un pays paralysé malgré le service minimum, l’industrie ? l’avant-garde de la mobilisation

Un autre phénomène nouveau est la paralysie généralisée causée par le mouvement. Parmi les images marquantes de cette journée de grève : les kiosques sans journaux, les gares vides, les files d’attentes devant les arrêts de bus, les panneaux des aéroports indiquant les vols annulés ou encore les piquets devant les principales unités de production industrielle du pays.

Aucun secteur n’a été épargné.

Le Ministre du Travail lui-même, pourtant enclin ? minorer l’importance du mouvement, a dû concéder que le pays fonctionnait au ralenti, admettant une baisse de consommation d’électricité comprise entre 16 et 20% dans le pays par rapport ? la norme.

Les ouvriers de l’industrie ont été le fer de lance du mouvement, avec des taux frôlant les 100% dans la sidérurgie, les mines, l’automobile de 90 ? 95% dans le bâtiment, les cimenteries et le bois. L’industrie espagnole a presque été totalement paralysée durant toute la journée.

Chiffres entre 95 et 100% également dans le secteur para-industriel de l’énergie et dans le secteur du ramassage d’ordures.

C’est dans les transports que la situation a été la plus tendue. La mobilisation massive de l’ensemble des salariés des entreprises de transport a paralysé le trafic aérien (entre 20 et 40% des vols totaux assurés), le trafic ferroviaire avec 80% des trains ? grande vitesse annulés, 75% des trains de banlieue et 100% des trains régionaux ainsi que le fonctionnement du système d’autobus dans les grandes villes qui a cloué la plupart des bus aux dépôts.

C’est dans le métro, et en particulier le métro Madrilène, que se concentrait l’essentiel de la bataille symbolique.

Le gouvernement socialiste a en effet tenté d’imposer sa loi anti-syndicale du « service minimum » aux grévistes. Si le service minimum a fait son effet, permettant le fonctionnement du réseau métropolitain, 85% des travailleurs de l’entreprise des Transports Madrilènes se sont toutefois mis en grève perturbant fortement le trafic Madrilène.

Dans la fonction publique, les résultats sont plus mitigés, en-deç ? des chiffres de la mobilisation du 8 juin : 44% de grévistes au total pour les fonctionnaires et 60% dans le milieu enseignant.

1 million 500 000 espagnols descendent dans la rue défiant les intimidations policières

Près d’une centaine de rassemblements étaient convoqués par les deux grandes centrales syndicales, ainsi que le PCE. Si elles ont mobilisé de façon inégale, près d’1,5 millions de salariés espagnols ont tout de même défilé dans les principales villes du pays.

C’est en Andalousie, bastion du mouvement communiste espagnol, que les concentrations ont été relativement les plus impressionnantes, tout du moins ? la mi-journée, et les mieux réparties sur le territoire. Près de 144 000 manifestants dans 12 cortèges, dont 50 000 en Séville, 20 000 ? Huelva ou Cordoue, 18 000 ? Malaga, 12 000 ? Grenade, ont défilé sous des cris de « Zapatero démission ! » et de « Zapatero menteur ! ».

Dans les régions, affluence exceptionnelle ? Vigo où près de 70 000 manifestants ont arpenté les rues de la cité Galicienne ? l’appel des deux syndicats UGT et CC.OO ainsi qu’ ? Oviedo, capitale des Asturies, terre ouvrière et bastion historique des communistes, avec 100 000 manifestants. Les Asturies ont également été la région avec le plus fort taux de grévistes du pays, 87%.

La manifestation la plus massive de la journée, en région, est celle de Barcelone, où 400 000 manifestants ont remonté le Passeig de Gracia en fin de journée, ? l’appel des trois principales centrales syndicales catalanes (CC.OO, UGT et Usoc).

Plus de 500 000 manifestants ont finalement participé au rassemblement qui clôturait cette journée de mobilisation. A Madrid, le cortège est parti ? 18h30 de la place des Cibeles pour arriver dans la soirée ? la Puerta del Sol, mené par les deux leaders syndicaux, Ignacio Toxo (CC.OO) et Candido Mendez (UGT).

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De multiples incidents entre la police et les manifestants ont émaillé les cortèges dans plusieurs villes de région, ainsi qu’ ? Madrid et Barcelone, avant le départ des deux grands cortèges, en début d’après-midi. Plus d’une centaine de manifestants ont été arrêtés, selon les syndicats, par les forces de l’ordre dans tout le pays. De nombreux incidents entre policiers et grévistes ont été signalés devant les dépôts de bus ou ? la porte d’entreprises en grève, comme devant l’usine EADS ? Getafe, dans la banlieue de Madrid.

L ? où les manifestations se sont déroulés dans le calme, comme en Andalousie, le dispositif policier déployé se révélait impressionnant et intimidant pour les manifestants. Ignacio Toxo, secrétaire-général des CC.OO a déploré les violences policières, pointant du doigt « certaines interventions disproportionnées de la part des forces de l’ordre ».

Ambiguïtés de la ligne des syndicats : Durcissement du ton... mais ouverture au « dialogue social » prôné par le gouvernement

La conférence de presse conjointe des leaders des deux principales centrales syndicales du pays révèle une singulière radicalisation du discours. Tout d’abord, les deux dirigeants syndicaux parlent d’une seule voix pour saluer « un succès incontestable. Un succès de participation et un succès démocratique ».

Candido Mendez, secrétaire-général de l’UGT socialiste se montre le plus offensif : « Aujourd’hui se manifeste le rejet des politiques imposées par le gouvernement et la disposition ? continuer ? lutter pour sortir au plus vite de cette crise et réduire le chômage, mais pour cela, sans aucun doute, il est essentiel que se produise un changement de cap dans les politiques vis- ? -vis de la réforme du marché du travail, des retraites, des coupes dans les salaires des fonctionnaires, dans l’intention du gouvernement de reculer l’âge de départ ? la retraite et dans la révision du budget d’Etat pour 2011 ».

Ignacio Toxo, des CC.OO, syndicat historiquement proche des communistes mais qui a glissé depuis une vingtaine d’années vers le réformisme, poursuit dans la même voie avec une inclination plus marquée au « dialogue so cial » : « Cette clameur, cette expression de la démocratie ne peut pas laisser impassible le gouvernement. Le gouvernement doit réagir (…). La réforme du marché du travail est réversible, voil ? ce que dit la classe ouvrière de ce pays. Ce que l’on change par une loi, on peut le changer par une autre loi. Nous sommes disposés ? négocier, mais ? partir de la rectification ».

Derrière le ton qui se durcit nettement de la part des directions syndicales espagnoles, reflet tant de la poussée de la base militante des syndicats que de la colère généralisée parmi les travailleurs d’Espagne, les ambiguïtés de la ligne des directions syndicales espagnoles demeurent.

Les deux syndicats qui ont contribué ? faire passer toutes les réformes néo-libérales de Gonzalez ? Zapatero ne ferment pas la porte ? l’ « appel au dialogue social » lancé par Zapatero. Ils exigent simplement un autre projet de loi, une « rectification » du projet gouvernemental.

Article AC pour http://solidarite-internationale-pc...

30 septembre 2010