Peut-on se tenir au-dessus des clivages idéologiques ? *

mercredi 20 mai 2015
par  Alger républicain

À l’approche de la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la création de l’Organisation des Nations Unies, un vif débat met en avant deux conceptions opposées de l’avenir des relations internationales. D’un côté, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Samantha Power, répète à l’envi que le respect des droits de l’homme est un préalable à la paix ; de l’autre, Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères qui a présidé le débat du 23 février dernier au conseil de sécurité, est persuadé qu’une nouvelle vitalité de la Charte des Nations Unies ne peut être garantie qu’en respectant l’indépendance et l’intégrité territoriale de chaque pays. En clair, la souveraineté comme fondement de l’ordre international.

La logique de l’interventionnisme humanitaire, animé de la mission de vouloir protéger les peuples d’actions génocidaires accomplis par des « Hitler de service » (mais à la discrétion, cela va de soi, des puissances hégémoniques et de leurs alliés…) a donc encore ses thuriféraires. « Assumez le fardeau de l’Homme blanc », écrivait Rudyard Kipling, le poète de l’impérialisme britannique à la fin du XIXe siècle. Il lançait ainsi un appel aux États-Unis afin qu’ils viennent soutenir la France et l’Angleterre dans leur « mission civilisatrice » en Afrique et en Asie. Au milieu des années 2000, le ministre de la défense britannique John Reid affirmait que le but de la présence de son pays en Afghanistan était « de fournir assistance et protection au peuple afghan pour qu’il reconstruise l’économie et rétablisse la démocratie ». En 2011, au plus fort de l’engagement de la coalition internationale, c’étaient 140.000 soldats de l’OTAN qui y étaient déployés. Et 3.485 militaires occidentaux y ont perdu la vie depuis 2001. Le coût de l’opération avoisine les 800 milliards d’euros rien que pour les États-Unis. La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan ne publie des rapports annuels que depuis 2009 et ceux-ci totalisent plus de 17.000 morts pour ces six dernières années.

En Libye, les commentateurs les plus objectifs estim ent que l’intervention de Nicolas Sarkozy et de David Cameron a été un désastre… même si elle fut applaudie par les journalistes de l’époque. Ce pays est maintenant sous le contrôle des milices et des seigneurs de guerre salafistes qui exportent des armes et des guerriers dans toute la région, obligeant aujourd’hui des migrants à s’exposer aux plus graves dangers en tentant de traverser la Méditerranée.

Le bilan des interventions en Afghanistan, en Afrique ou dans les pays arabes est donc globalement négatif. Si elles sont souvent présentées comme moralement justifiées, elles sont souvent légalement discutables et presque toujours désastreuses d’un point de vue stratégique.

Une autre voie, méconnue du plus grand nombre parce que tue par les media dominants, apparaît plus que jamais devoir s’imposer dans les relations internationales. Pourtant, elle ne date pas d’hier. C’est en 1954 en effet que la Chine, l’Inde et la Birmanie ont proposé ce que l’on appelle les « cinq principes de la coexistence pacifique » : ceux-ci sont le respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, la non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l’égalité et les avantages réciproques et la coexistence pacifique. Au cours des soixante dernières années, ils sont devenus non seulement la base de la diplomatie indépendante, autonome et pacifique de la Chine, mais également des principes primordiaux en matière de relations internationales reconnus par la majorité des pays du monde.

« Nés au cours de la Guerre froide, ces cinq principes prônent la justice, la démocratie et le règne de la loi. Depuis leur entrée sur la scène historique, ils ont permis de dépasser les limites des idéologies et des systèmes et représentent les intérêts vitaux des pays en développement », nous explique le vice-président de l’association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger (APCAE), Xie Yuan. Ces princ ipes ont dans les faits permis à de nombreux pays de changer l’attitude hostile de nombreux pays envers la Chine et permis à cette dernière de sortir de sa situation autrefois isolée.

Aujourd’hui, sur la base de ces cinq principes, la Chine a réglé plusieurs conflits territoriaux et établi des relations diplomatiques avec plus de cent cinquante pays dans le monde. Les cinq principes se manifestent dans quantité de traités bilatéraux et sont confirmés dans quantité de conventions internationales multilatérales et de documents internationaux tels que la déclaration sur l’inadmissibilité dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté [résolution 2131 (XX) de l’assemblée générale des Nations Unies en date du 21 décembre 1965] et la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international approuvée en 1974 par la sixième assemblée générale spéciale des Nations Unies.

« Le droit applicable ne peut avoir de double standard. Nous nous opposons à la déformation délibérée du droit international, à la violation des intérêts d’autres pays ainsi que la destruction de la paix et de la stabilité », a concrètement souligné Xi Jinping lors de la conférence commémorant le soixantième anniversaire de la publication des cinq principes de la coexistence pacifique.

Dans l’ère actuelle de la mondialisation, ces grands principes devraient avoir une plus grande portée encore dans les relations internationales, loin de l’appropriation de la politique et de la stratégie par la morale publicitaire, son verbiage, sons sentimentalisme primaire et son affirmation terroriste. Loin de la propension de l’Occident de faire dépendre la liberté des autres d’une définition de la liberté qu’il a su arranger à sa sauce.

.

Capitaine Martin.

17.05.15

In Resistance politique

Source de l’article : http://www.resistance-politique.fr/...



Peut-on se tenir au dessous des clivages idéologiques ?

L’article de Capitain Martin défend et flatte des positions maoïstes mettant dans le même sac les pays impérialistes et l’URSS au nom des « cinq principes ». Les thèses maoïstes au plan international telles que résumées par les « cinq principes » ont servi à justifier à partir de 1960 des attaques injustes contre l’URSS et à activer une offensive pour opposer les pays libérés du colonialisme à l’URSS. Ces attaques ont rendu plus compliquée la riposte au sein du PCUS à sa prise de contrôle par les révisionnistes en suscitant une sorte d’union sacrée autour de sa direction au moment où les révisionnistes n’avaient pas encore gagné la partie. Elles ont au contraire favorisé le processus de domination de l’aile droite du PCUS. Indépendamment de cet aspect on ne peut accepter des positions aussi réactionnaires que celles que rapporte Martin quand il cite un responsable chinois actuel :

« Nés au cours de la Guerre froide, ces cinq principes prônent la justice, la démocratie et le règne de la loi. Depuis leur entrée sur la scène historique, ils ont permis de dépasser les limites des idéologies et des systèmes et représentent les intérêts vitaux des pays en développement »,

nous explique le vice-président de l’association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger (APCAE), Xie Yuan.

La « guerre froide » (« chaude » au Vietnam et même à Cuba lors de l’attaque de la Baie des Cochons en 1961) était un affrontement entre Capitalisme et camp socialiste allié au mouvement de libération nationale et non une lutte entre deux blocs entre lesquels il fallait adopter une positon de neutralité car ne cherchant l’un et l’autre qu’à se partager le monde. On ne peut cautionner l’attitude consistant à chercher à se tenir au dessus des idéologies de classe et des systèmes économiques et sociaux. Il est impossible de placer sur le même plan l’idéologie socialiste d’émancipation des exploités et l’idéologie bourgeoise impérialiste d’exploitation et de domination de la classe ouvrière et des peuples. Assimiler l’une et l’autre, prétendre qu’il est possible d’observer la neutralité par rapport à ces deux tendances idéologiques antagonistes, c’est chercher à camoufler une position petite-bourgeoise réactionnaire qui de fait soutient le régime bourgeois.

La personnalité citée par Martin ajoute « Ces principes ont dans les faits permis à de nombreux pays de changer l’attitude hostile de nombreux pays envers la Chine et permis à cette dernière de sortir de sa situation autrefois isolée. »

En réalité, des liens anti-impérialistes s’étaient déjà établis entre la Chine devenue populaire après la victoire de la révolution nationale anti-féodale en 1949 et de nombreux peuples en lutte pour leur libération. La Chine a bénéficié de la sympathie de nombreux peuples après avoir vaincu la réaction inféodée aux USA. A son tour elle les avaient soutenus dans leur lutte anticolonialiste sans craindre de « s’isoler » des pays impérialistes. C’est grâce au camp socialiste avec l’URSS à sa tête que la Chine populaire a pu devenir membre du conseil de sécurité de l’ONU et que les fantoches de Taïpeh en avaient été expulsés. Cela n’avait rien à voir avec la séduction qu’auraient exercée les « cinq principes » sur le monde. Le rapport des forces à l’échelle mondial façonné par l’alliance anti-impérialiste réalisée entre le camp socialiste et les pays issus du mouvement de libération national avait fini par mettre en échec les pays impérialistes dans leur effort pour contenir la Chine. Devant cet échec l’impérialisme a changé de tactique. Il a exploité la tendance à l’antisoviétisme nettement affirmée depuis les années 1960 par les dirigeants chinois sous une phraséologie de gauche.

Cette tendance a facilité l’établissement de liens avec les Etats impérialistes et les pays subordonnés à ces Etats. La « sortie de l’isolement » a signifié que les Etats impérialistes avaient compris que la Chine était devenue leur alliées contre l’URSS. Ils ont appuyé les campagnes anti-soviétiques du régime chinois. Car son objectif prioritaire était d’abattre l’URSS en dressant contre elle une Chine tombée complètement depuis la fin des années 1970, donc plus beaucoup plus tôt que l’URSS, entre les mains de la contre-révolution et des partisans de la restauration du capitalisme.

D’autre part s’il est juste et absolument indispensable de dénoncer les interventions impérialistes dans le monde, il est également nécessaire de distinguer entre interventions injustes de l’impérialisme pour la conquête de zones d’influence, pour le maintien des peuples sous sa domination et interventions contraintes, défensives et justes d’un Etat socialiste qui se protège de la subversion impérialiste en s’opposant aux plans agressifs de l’impérialisme sur ses frontières. L’intervention de l’URSS en 1939 en Pologne était juste parce que c’était pour le premier Etat socialiste du monde une question de vie ou de mort que d’empêcher les troupes nazies d’arriver jusqu’à ses frontières d’autant plus que les dirigeants réactionnaires de la Pologne avaient rejeté toutes les propositions de l’URSS pour faire front contre le danger nazi.

Les interventions de l’URSS en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, en Afghanistan en 1978, l’étaient aussi parce qu’il était vital de mettre en échec les plans impérialistes visant à faire tomber sous leur coupe les pays socialistes voisins de l’URSS afin d’en faire des tremplins pour la réalisation de leurs préparatifs de liquidation du socialisme et de prise de possession de ses richesses. Le résultat auquel ont conduit les billevesées idylliques réactionnaires gorbatchéviennes d’une « maison européenne commune » chacun peut aujourd’hui en faire le constat : l’OTAN est partout en Europe et se prépare à une guerre contre la Russie devenue capitaliste.

A l’inverse on a vu comment concrètement la Chine des « cinq principes » avait lancé une violente agression militaire contre le Vietnam en 1978 ( agression qui s’était soldée par la mort de plus de 70.000 vietnamiens avant que les envahisseurs aient subi une cuisante défaite), soutenu les intégristes en Afghanistan, noué des liens avec les régimes racistes d’Afrique du Sud et de la Rhodésie au moment où l’embargo commençait à donner ses fruits.

.

Alger républicain

19.05.15

.

* Titre modifié par Alger républicain le 21 mai 2015