Le grand saccage de la Laiterie de Beni Tamou après son bradage à des prédateurs étranger et algérien*

vendredi 31 janvier 2014

La poudre de lait initialement prévue pour le lait pasteurisé est détournée pour la fabrication des produits dérivés. Mystère !...

La laiterie de Beni Tamou (Giplait avant la cession), un véritable complexe industriel campé sur un terrain de sept hectares, faisait la fierté de Blida. Elle couvrait toute la région en lait et en produits laitiers de grande qualité. Elle employait 760 travailleurs. En 2007, privatisée, elle fut reprise par le groupe Lactalis (un investisseur étranger) et la laiterie Soummam. Il était prévu de garder le personnel existant au moment du glissement, de maintenir la production initiale et de l’améliorer en augmentant le capital de l’unité et en renouvelant les machines.

Le nombre de travailleurs a été réduit à la suite de cette transaction à 460, et les machines« dénaturées » : l’une, (Lopack) mise en panne et délaissée dehors sous les intempéries, et l’autre, (Arcil, acquise à 18 milliards), transférée à la laiterie de Soummam, à Akbou, pour la production de la pâte fraîche (genre de « petit suisse ») dans le même emballage bleu que le produit de l’ex-Giplait alors que la maquette de ce produit est une marque déposée appartenant à l’unité de Beni Tamou.

Cette pâte fraîche constituait 70% des bénéfices de l’unité en question. Dans une correspondance datée du 24 juin 2013, il est précisé que « les représentants des deux actionnaires affirment que la séparation était un acte réfléchi et demeurait inévitable pour garantir la continuité et la survie de la laiterie de Beni Tamou dans de bonnes conditions (…) et pour sortir de la situation de blocage constatée en matière d’investissements et de développement de l’activité ». Séparation. La laiterie de Beni Tamou allait-elle renaître de ses cendres ? Allait-on ressusciter Giplait ? Rien de tout cela !

Une note émanant de la direction générale et datée du 5 décembre 2013 annonce aux travailleurs que le 3 du même mois « la laiterie de Beni Tamou a été rattachée à 100% par Celia Algérie », signée par François Gillet, président de cette SARL. « Comment une SARL étrangère peut-elle posséder à 100% les parts d’une laiterie algérienne ? » se demandent les travailleurs de cette dernière.« Cette double transaction serait dans l’intérêt de Soummam et de Celia, mais pas au profit de l’Algérie ou des employés de Beni Tamou », pense-t-on dans cette unité.

Le combat du syndicat

La section syndicale (UGTA) de la laiterie, après avoir épuisé tous les moyens légaux en sa possession pour installer le dialogue avec la direction, s’adresse à la presse pour « dénoncer certains dépassements constatés » depuis le rachat de leur unité. Azzizi Mourad, secrétaire général de la section syndicale et président du comité de participation, avec l’accord de tous les membres élus, regrette l’exclusion des représentants des travailleurs des conventions, accords et autres projets concernant le sort de leur entreprise, alors que la loi 11/90 dans son article 94 permet la présence des représentants des travailleurs dans toute action concernant l’intérêt de leur unité.

Il dénonce certains comportements des responsables que la section syndicale qualifie de « pas très nets » : « La poudre de lait, par exemple, qui était utilisée dans le lait pasteurisé — de bonne qualité et soutenue par l’Etat, cédée à 150DA/kg — est détournée pour la fabrication de produits de luxe (yaourt…) ; une poudre de moindre qualité et qui arrive à sa date de péremption est importée à moindre coût d’Inde et sert dans la production du lait en sachet. »

Lundi, d’après le syndicat des travailleurs, lors d’une rencontre avec les membres des ressources humaines, la compression du personnel a été évoquée ; les contrats arrivés à terme ne seront pas renouvelés. Nous relevons, ici, quelques interrogations exprimées par les membres de la section syndicale de l’UGTA de l’entreprise dans une correspondance adressée en date du 25 décembre 2013 au DRH de la Sarl Celia Algérie : les contrats de travail de type CDI et CDD signés par les salariés recrutés par la laiterie de Beni Tamou (après la cession de 2007) seront-ils reconduits vers la Sarl Celia ou feront-ils l’objet de nouveaux contrats de même type ? Y aura-t-il résiliation de tous les anciens contrats de travail établis par Giplait, remise de certificats de travail aux salariés et paiement du solde de tout compte ? Les contrats d’insertion des jeunes diplômés CTA signés par la laiterie seront-ils reconduits vers Celia Algérie ou carrément résiliés ? Après cette date « fatidique » du 3 décembre 2013, les travailleurs seront-ils considérés comme des salariés de la laiterie de Beni Tamou ou comme nouveaux salariés de Celia Algérie ? La correspondance rappelle aussi que le partenaire social insiste sur « le maintien de l’activité, des effectifs, des acquis et des avantages accordés aux salariés conformément à la convention collective et la résolution du CPE en vigueur ».

De cette rencontre avec les élus de la section syndicale, nous avons retenu une grande angoisse, un sentiment d’insécurité et beaucoup de questions sans réponses. Un dialogue franc entre travailleurs et direction de la Sarl résoudrait tous les problèmes causés par l’absence de communication.

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Repris du quotidien El Watan du 23 janvier 2014

Par Dahmani Mohammed

* Le titre est de la rédaction d’Alger républicain