Le rôle diplomatique secret de Google dénoncé par Julian Assange

jeudi 30 octobre 2014

Dans un livre publié en septembre dernier, le fondateur de Wikileaks décrit en profondeur le rôle diplomatique joué très discrètement mais efficacement par Google, en particulier dans les pays arabes. Pour Julian Assange, Google est devenu une officine au service des intérêts américains, notamment grâce à sa filiale Google Ideas dirigée par Jared Cohen.

« Personne ne veut reconnaître que Google a beaucoup grandi et en mal. Mais c’est le cas ». En septembre dernier est paru chez OR Books le livre When Google Met Wikileaks, écrit par Julian Assange. Le magazine Newsweek en publie cette semaine de très longs extraits, dans lesquels le fondateur de Wikileaks décrit avec minutie le rôle de l’ombre joué par Google dans la politique internationale des Etats-Unis. Le passage est véritablement passionnant, et mérite d’être lu. Il est étayé par des documents, dont beaucoup avaient fuité sur Wikileaks, qui donnent corps à l’analyse.

En résumé, Julian Assange estime qu’à travers l’action très politique de deux responsables de Google, son président Eric Schmidt et le beaucoup plus discret Jared Cohen, la firme de Mountain View est devenue une officine diplomatique au service des intérêts américains. Elle accomplirait une version modernisée du soutien qu’apportait la CIA aux dictateurs d’Amérique du Sud pendant la guerre froide. Il ne s’agit plus aujourd’hui de soutenir les régimes autoritaires contre les tentations communistes du peuple, mais de soutenir les rebelles contre les régimes autoritaires islamiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Déguisé sous des traits humanitaires, l’objectif fondamental reste toutefois le même : défendre le libéralisme économique et les intérêts stratégiques américains.

Le libéralisme économique étant perçu comme une résultante des droits de l’Homme, il suffirait de défendre la liberté d’expression, de faciliter la communication entre les hommes et de mettre en valeur toutes formes de libertés individuelles pour que le libéralisme économique s’impose de lui-même. A cet égard, Internet est une aubaine. On sait que l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) a ainsi financé un clone de Twitter à Cuba, ou tenté d’imposer des réseaux sociaux en Afghanistan, au Kenya ou au Pakistan.

Jared Cohen, l’homme de l’ombre des révolutions arabes

De son côté, Google a fondé Google Ideas, une structure méconnue dont l’agenda est exclusivement politique. Il s’agit de voir « comment la technologie peut permettre aux gens de faire face à des menaces en étant confrontés au conflit, à l’instabilité et la répression ». L’organisation est dirigée par Jared Cohen, un ancien conseiller diplomatique de Condoleeza Rice et d’Hillary Clinton au ministère des affaires étrangères du gouvernement américain.

Selon sa fiche Wikipedia, Jared Cohen est un jeune spécialiste (33 ans) de l’anti-terrorisme, de la « contre-radicalisation », du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, des libertés sur Internet, et de « l’encouragement à l’opposition dans les pays répressifs ». Il fut considéré l’an dernier par TIME comme l’une des 100 personnalités les plus influentes, tandis que le New Yorker lui avait consacré dès 2007 un portrait élogieux, qui rappelle qu’il s’était rendu en Iran pour aider l’opposition dès ses jeunes années d’étudiant.

L’activité de Cohen au sein de Google Ideas lui a valu jusqu’aux inimités de Stratfor, l’officine privée très influente et proche du pouvoir dont les e-mails avaient fuité en 2011 sur Wikileaks, valant au pirate-informateur pas moins de 10 ans de prison. Ils voyaient l’activité diplomatique de Google comme une forme de concurrence.

Dans un courriel interne cité par Julian Assange, daté du 27 février 2012, le responsable aux renseignements de Stratfor avait parlé en ces termes d’un projet confidentiel de Jared Cohen de se rendre dans les semaines suivantes à la frontière entre l’Iran et l’Azerbaïdjan :

« Google a le soutien et la protection aérienne de la Maison Blanche et du Département d’Etat. En réalité, ils font des choses que la CIA ne peut pas faire. Mais je suis d’accord avec toi. Il va se faire kidnapper ou se faire tuer. C’est ce qui pourrait arriver de mieux pour exposer le rôle secret qu’a Google pour faire mousser les soulèvements, pour être franc. Le gouvernement US pourra prétendre qu’il ne savait rien, et c’est Google qui tiendra le sac de merde. »

Dans son livre, Julian Assange décrit par ailleurs toute une galaxie de fondations et associations qui sont directement ou indirectement liées à Google Ideas et à la diplomatie américaine, fondées ou rejointes par Jared Cohen. Parmi elles figurent Movements.org, créé par Cohen, qui a fusionné avec Advancing Human Rights. Or ce choix n’est pas neutre. AHR a été fondé par Robert Bernstein, qui a démissionné en 2010 de la prestigieuse association Human Rights Watch qu’il avait pourtant fondée. Il reprochait à HRW d’avoir été trop critique contre les violations des droits de l’homme par Israël. Par opposition, Advancing Human Rights ne s’intéresse donc qu’aux « sociétés fermées », fermant les yeux sur des régimes critiquables aux apparences plus démocratiques.

Un pouvoir d’influence sans précédent

De là à dire que Google Ideas protège aussi les intérêts israéliens en aidant à déstabiliser les puissances arabes voisines, il n’y a qu’un pas que Julian Assange prend garde de ne pas franchir. Il met toutefois en garde contre le pouvoir d’influence politique de Google, qui joue aussi bien sur des faits de société que sur des enjeux beaucoup plus stratégiques.

« Google est perçu comme une entreprise essentiellement philanthropique », écrit Assange. Mais, fait-il remarquer, si une entreprise militaire privée comme Academi (anciennement Blackwater) « avait un programme tel que Google Ideas, ça lui vaudrait un examen critique intense » auquel Google échappe, grâce à son image de bienfaiteur de l’Internet.

« Les aspirations géopolitiques de Google sont fermement mêlées dans celles de l’agenda des affaires étrangères de la plus grande superpuissance mondiale. A mesure que le monopole de Google sur la recherche et les services Internet s’accroît (...), son influence sur les choix et les comportements sur la totalité des être humains se traduit en un véritable pouvoir d’influer sur le cours de l’histoire ».

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Guillaume Champeau

26.10.14

in Numerama magazine

Source : http://www.numerama.com/magazine/31......

Wafaa Charaf - D.R

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La cour d’appel de Tanger a doublé la peine de prison de la militante Wafaa Charaf, condamnée à deux ans ferme. Envoyez lui vos messages de soutien.

Le jugement est tombé le 20 octobre vers minuit après 14 heures d’audience. La cour d’appel de Tanger a eu la main lourde. La justice marocaine a condamné la jeune militante de vingt-six ans Wafaa Charaf à deux ans de prison ferme. Active au sein de la jeunesse du parti marxiste la Voix démocratique (Annahj Addimocrati), membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et du Mouvement du 20 février, elle avait été condamnée en première instance, le 11 août dernier, à un an de prison ferme et à une amende équivalente à 5000 euros pour « mensonges et diffamation ».

Un premier procès qualifié d’« inéquitable » et de « politique » par la Ligue des droits de l’homme (LDH).
Wafaa paye le prix fort de son engagement pour les droits des ouvriers.

Wafaa Charaf a été mise en détention préventive le 9 juillet à Tanger après avoir porté plainte pour enlèvement, séquestration et menaces. Abandonnée sur une route à douze kilomètres de Tanger, elle venait de participer, le 27 avril, à un rassemblement de soutien à des ouvriers de la multinationale américaine Greif (numéro un mondial de l’emballage industriel), licenciés après la création d’une section syndicale. Tanger, située à moins de 14 kilomètres du continent européen, dispose d’une zone franche qui confère de nombreux avantages (exonération de charges fiscales et sociales) aux entreprises qui s’y installent.

« Wafaa paye le prix fort de son engagement pour les droits des ouvriers des usines de la zone franche de Tanger et pour la démocratie et la liberté d’expression au Maroc »,
expliquait le mois dernier la LDH. Wafaa Charaf comparaissait en même temps que Boubker El Khamlichi, dirigeant de la Voix démocratique, condamné à un an de prison avec sursis et à une amende de 89 euros pour « entrave à l’enquête ». Il avait pourtant été acquitté lors du premier procès.
« Nous sommes sous le choc. Nous pensions que les peines seraient réduites compte tenu du fait que le Maroc accueille le mois prochain le deuxième Forum mondial sur les droits de l’homme »,
témoigne Aziz Hmoudane, ancien exilé politique marocain et membre à Paris de la Voix démocratique et du PCF.
« Ce jugement s’inscrit dans un contexte global d’offensive du pouvoir sur les droits humains et sociaux. Le régime veut profiter du recul du Mouvement du 20 février, qui avait brisé le silence dans le pays dans la foulée des printemps arabes, pour revenir à la situation qui prévalait avant »,
poursuit-il. Selon nos informations, les avocats de Wafaa Charaf envisageraient de se pourvoir en cassation.

L’appel à soutien de l’association association AILES-femmedumaroc : (ailesfm gmail.com )

"Wafa a pris la parole. Elle est arrivée avec un bon moral et a été d’un courage formidable et en l’espace de quelques minutes, elle a fait le procès de ses ravisseurs, des méthodes policières et de la machine judiciaire déclenchée contre elle et contre les militants à des mouvements sociaux. Elle a été d’une grande clarté et d’une grande conviction d’après l’auditoire. Mais le tribunal en a décidé autrement.
Ses ami(e)s s’inquiètent sur son état de santé car elle a paru très effondrée quand elle a entendu la sentence.

Je pense qu’il faut qu’on lui écrive beaucoup, assez rapidement.

Voici son adresse :

Wafa Charaf

Numero 92694

PRISON CIVILE DE TANGER

AVENUE MOULAY RACHID

TANGER

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Damien Roustel

In l’Humanité

22.10.14

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