Les amis du Bahrein c’est pour quand ?

samedi 4 août 2012

L’article suivant : « Les amis du Bahrein c’est pour quand ? » du Quotidien d’Oran montre a contrario que les écrivaillons de la presse algérienne algérienne otanienne à grand tirage ne sont pas représentatifs de l’opinion majoritairement antiimpérialiste du peuple algérien

Alger républicain

.


DEUX POIDS DEUX MESURES

La population de l’archipel du Bahreïn est estimée à 1,2 million habitants. Le PIB du royaume est à peu prés égale à 22 milliards de dollars, et pourtant, selon le site « indexmundi.com », le taux de chômage est de 15% et la dette publique est estimée à 60% du PIB. Le constat est amer, la famille Al Khalifa, qui gère le pays de manière héréditaire, l’a conduit à la faillite.

De plus, la liberté d’expression est réprimée en toute impunité. Le chef de la dynastie, le « Big Brother » Hamad II contrôle l’information, l’histoire et la culture. La famille royale détient tous les postes clés, les Al Khalifa sont partout, ils accaparent les postes politiques les plus importants : premier ministre, ministre de la défense, ministre de l’intérieur, ministre des finances, ministre des affaires étrangères, ministre de la justice etc. Le parlement n’a aucune marge de manœuvre, le roi désigne la moitié des parlementaires et peut le dissoudre à tout moment.

Depuis le 14 février 2011, la population manifeste sa colère pour réclamer des changements sociaux et politiques, mais le régime fait tout pour étouffer la révolte légitime des damnés du royaume. Le bilan de la répression est très lourd, près de 100 mort ont été enregistrés d’après Amnesty International. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, une centaine de membres du personnel médical ont été arrêtés parce qu’ils ont soigné des manifestants blessés.

Environ 2000 fonctionnaires ayant participé aux manifestations ont été licenciés. Le seul journal d’opposition, al-Wassat a été fermé. La fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU), l’association des enseignants de Bahreïn (AEB) et l’association médicale de Bahreïn (BMS) ont été dissoutes par le régime d’Al Khalifa.

Aujourd’hui quand nous voyons le scandaleux mutisme des médias de masse sur ce qui se passe dans l’archipel du Golf persique, nous nous demandons dans quel monde nous vivons.

Les chaînes de télévision d’information en continu nous parlent matin, midi et soir de la révolte syrienne, une révolte armée qui refusent tout dialogue avec le gouvernement. La révolte pacifique bahreïnie doit-elle se convertir à la violence pour se faire entendre ? Ces jours-ci, le seul souci des Nations-unies est la Syrie. L’actuel et l’ancien président de l’organisation travaillent d’arrachepied sur le dossier. Les amis de la Syrie sont nombreux on dirait.

Des conférences internationales sont organisées partout pour armer les rebelles. Étrangement l’attentat suicide du 18 juillet 2012 qui a visé le bâtiment de la Sécurité nationale à Damas n’a pas été condamné par beaucoup de politiciens occidentaux. L’attentat n’a pas non plus été condamné par le mufti du Qatar qui continue de soutenir les Al Khalifa jusqu’au bout face au peuple bahreïnien.

Par contre, à chaque fois que les autorités syriennes régissent face à l’anarchie dictée par les mercenaires et les voyous armés, la question « qui tue qui ? » est brandie pour justifier l’ingérence militaire occidentale. Les alliés de l’OTAN s’acharnent à diaboliser Bachar el-Assad. Ils ont pris la liberté de décider à la place du peuple syrien. Bachar el-Assad doit partir parce qu’il préside un pays qui n’a pas de dette et qui n’a pas de relations avec Israël.

Pendant ce temps, les alliés de l’OTAN ferment les yeux sur les exactions du pouvoir bahreïnien. Les Al Khalifa jouent toutes leurs cartes pour gagner le soutien des puissances mondiales.

LA POLITIQUE D’AL KHALIFA

Il y a plus d’un siècle, pour mener à bien son projet de création d’un État juif en Palestine, le fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897 a proposé une véritable alliance aux puissances coloniales de l’époque. Théodore Herzl savait pertinemment qu’il avait besoin d’être protégé. Voici ce qu’il a dit à cet effet : « Pour l’Europe, nous formerons là-bas un élément du mur contre l’Asie ainsi que l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie. » L’Empire britannique a été très intéressé parce qu’il voulait absolument avoir des colons au milieu du monde arabe, il voulait affaiblir l’Égypte et contrôler le canal de Suez.

Les Al Khalifa jouent le même jeu. Ils disent à demi-mots : « Pour les occidentaux, nous formons ici un élément du mur contre l’Iran. » En fait, depuis juillet 1995 le Bahreïn accueille la cinquième flotte américaine chargée des forces navales au Moyen-Orient. La cinquième flotte a participé à la guerre en Afghanistan et à l’invasion de l’Irak. Elle est installée non loin de détroit de Ormuz pour protéger cette voie maritime stratégique par où transite plus d’un tiers du pétrole mondial. Ainsi ce ne sera pas facile pour l’Iran de fermer le détroit d’Ormuz en cas de tension dans la région.

Les Al Khalifa s’appuient sur trois « médiamensonges » pour exercer leur dictature :

1) Diviser pour régner : les serviteurs du monarque essayent de nourrir un artificiel antagonisme chiites-sunnites.

2) Diaboliser l’opposition : le pouvoir présente les opposants comme des pro-iraniens et leur attribue des actions qu’ils n’ont pas commises.

3) Occulter les vrais problèmes : le gouvernement cache et falsifie les chiffres du taux de chômage et de pauvreté. Il présente ces réalisations de génie civile comme des exploits alors qu’elles ne changent pas grand-chose dans le quotidien si ce n’est donner profit à la classe la plus fortunée.

Pour dompter le peuple, les Al Khalifa ont naturalisé des milliers d’étrangers, la plupart ont été enrôlés dans l’armée. Ces étrangers s infiltrent souvent dans les manifestations pour semer la pagaille. Les Al Khalifa ne se sont pas arrêtés là, c’est sans aucune gêne qu’ils ont demandé le soutien de l’armée saoudienne pour faire la guerre au peuple. La situation est ahurissante, le Bahreïn est sous occupation saoudienne et la communauté internationale n’en parle quasiment pas !

LE PEUPLE AURA-T-IL LE DERNIER MOT ?

Lors du colloque organisé par Marianne « La guerre d’Algérie, 50 ans après » au théâtre de La Criée à Marseille, madame Zohra Drif Bitat en s’adressant à monsieur Bernard-Henri Lévy, le défenseur des peuples arabes, elle lui dit : ( ) ’moi je vous croirai quand vous déciderez aussi d’allez aider le peuple de Bahreïn, je vous croirai quand vous élèverez la voix pour ce qui se passe dans des pays comme l’Arabie saoudite, je vous croirai monsieur Henry Levy quand vous cesserez de vouloir nous faire admettre que le Qatar s’est brusquement transformé en porteur de liberté, de libération et de respect des pays" (vidéo disponible sur le site egaliteetreconciliation.fr).

La moudjahida Zahra Drif Bitat a encore une fois mis les points sur les « i ». Cette héroïne du combat pour la libération nationale est la preuve vivante que la résistance triomphe toujours. Ce pendant, le combat au Bahreïn est d’une autre nature, les Bahreïniens ont leur propres héros, Abdelhadi al-Khawadja, Ayat al-Ghermezi et autres. Ils continuent à croire de façon pertinente que toute dictature affrontée à une résistance légitime est vouée à l’échec. Les Bahreïniens n’ont pas tord, nous nous souvenons encore du régime de l’apartheid qui a été liquidé par le peuple sud-africain après quarante-trois ans de résistance.

Paradoxalement, le pouvoir Bahreïni peut être considéré comme l’une de dictature les plus fortes, mai aussi comme l’une des dictatures les plus faibles, car il dépend de la volonté des étrangers. Si l’Arabie saoudite est ébranlée, le régime bahreïnien risque sérieusement de s’effondrer. En outre, il faut souligner que le soutien des impérialistes aux dictateurs du tiers-monde n’a jamais été vraiment solide. Les États-Unis -pour ne pas les citer- ne voient pas de mal à abandonner leurs collaborateurs à leur triste sort si les négociations entre forces opposées l’exigent, l’intérêt de l’empire est la seul chose qui compte sur l’échiquier politique.

par Benkhedda B.

in Le Quotidien d’Oran

le 03.08.12