Les paysans de Draa Ben Khadda manifestent de nouveau

dimanche 20 mars 2016
par  Alger republicain

Les paysans des exploitations agricoles issues de la restructuration du domaine autogéré HAMDANI Amar de Draa Ben Khadda manifestent de nouveau leur détermination à ne pas se laisser déposséder des terres dont l’Etat algérien leur a confié l’exploitation après l’indépendance.

Depuis plus de cinq jours ils bloquent les travaux de réalisation de la pénétrante devant relier Tizi Ouzou à l’autoroute est-ouest. Ce n’est pas la première fois qu’ils se trouvent contraints de recourir à ce genre de manifestation pour défendre leurs droits. Leur action a pour but de mettre en échec les pressions des enfants des collaborateurs du colonialisme et de leurs soutiens dans l’administration et les instances judiciaires. Un inspecteur a été dépêché sur les lieux pour obtenir des paysans qu’ils lèvent le blocage des travaux en échange de nouvelles promesses d’étudier leurs revendications. On dit qu’il a été désigné pour parler au nom du chef du gouvernement. Les paysans des EAC lui ont signifié que d’autres avant lui leur avaient tenu le même discours, mais sans résultat. Ils lui ont fait comprendre qu’ils ne croient plus à aucune promesse de qui que ce soit.

Et pour cause, l’affaire est simple. Elle est connue de tous et en premier lieu des autorités de la région. Le gouvernement doit commencer par respecter ses propres lois. Et sur cette question, ses lois sont du côté des paysans installés sur ces terres par l’Etat algérien en 1963.

Rappelons une fois de plus les faits qu’Alger républicain a exposés à plusieurs reprises.
En 1963 l’Etat algérien a décidé de confisquer les terres de tous ceux qui s’étaient mis du côté du colonialisme pendant la guerre de libération, et en particulier les bachaghas, caïds et autres traîtres à qui il avait donné, en échange de leurs services, des terres enlevées par la force ou par la ruse aux tribus. La famille Smaïl fait partie de cette catégorie. D’ailleurs une partie de cette famille a jugé bon de se mettre à l’abri en France avant même l’indépendance. L’Etat français « reconnaissant » leur a accordé des indemnisations.

Mais en 1992, et profitant du climat de peur instauré par les hordes qui avaient mis le pays à feu et à sang au nom de l’Islam, le wali de Tizi Ouzou avait décidé en toute illégalité d’exproprier les paysans exploitant ces terres pour les donner aux descendants des Smaïl nationalisés. Un membre de la famille Smaïl a exposé des détails sur les conditions dans lesquelles le wali de Tizi Ouzou a pris cet arrêté. Il les a relatées dans un livre publié en France. Le livre est truffé de propos hargneux dont le seul but est de discréditer les paysans qui ont bénéficié de la redistribution de ces terres. Pourtant les raisons qui ont amené les autorités à sanctionner cette famille sont notoirement connues dans la région.

Avec le temps, avec la transformation de l’Etat algérien en machine au service des exploiteurs et des affairistes, avec les multiples complicités dont ils bénéficient maintenant, les revanchards ont dû miser sur l’oubli pour pouvoir harceler en permanence les exploitants.

Ce qui indigne les paysans des EAC c’est aussi le fait que des Smaïl arrivent à obtenir gain de cause sans présenter aucun titre de propriété qui prouverait qu’ils aient pu détenir avant l’indépendance une quelconque possession ne serait-ce que sur une parcelle de ces terres. Et surtout, la famille Smaïl dispose, en plus des oreilles attentives de certains fonctionnaires de l’Etat, d’un énorme « trésor de guerre » qui leur permet de se payer des avocats et de relancer sans cesse les procédures judiciaires. S’appuyant sur les arrêtés illégaux de restitution de 1992, l’administration étatique leur a en effet accordé de façon tout à fait indue une indemnisation de plus de 20 milliards de centimes en guise de « dédommagement » pour expropriation pour utilité publique. Des parcelles de terres avaient été traversées par la canalisation reliant le barrage de Taksebt à Alger. L’opération donne droit à une indemnisation au profit des agriculteurs touchés par le projet d’utilité publique. Au lieu d’être remis aux EAC, ou versé dans un compte d’attente jusqu’à traitement de l’affaire devant les tribunaux, l’argent de l’indemnisation a été illico presto mis dans les poches des Smaïl !

Le lecteur qui veut comprendre les tenants historiques, juridiques et politiques de cette affaire peut consulter deux des articles que notre rédaction lui a consacrés en cliquant sur ces liens :

http://www.alger-republicain.com/Le...

http://www.alger-republicain.com/Ha...

Les deux derniers walis de Tizi Ouzou avaient compris que l’arrêté de 1992, ne reposant sur aucune base légale, était donc nul et non avenu. Le Conseil d’Etat, enfin saisi 20 ans après (!) par les services des Domaines du ministère des Finances pour contester cette restitution, s’était penché sur cette affaire. Ses attendus ont relevé l’absence de légalité de l’arrêté de restitution.
Les tentatives de ces walis qui ont instruit leurs structures de rétablir les paysans des dites exploitations dans leur droits, ont buté et butent toujours sur les pressions exercées par ces lobbys.

Les paysans des EAC maintiennent leur décision de bloquer les travaux et rien ne pourra affecter leur engagement à défendre les terres qu’ils exploitent ou que leurs parents ont exploitées depuis plus de 50 ans. Terres, on ne le répètera jamais assez, que l’Etat algérien leur a confiées.

Et parce que tout simplement elles appartenaient déjà à leurs aïeux spoliés par l’administration coloniale au profit de caïds et bachagha SMAIL.

Cette affaire prouve la mainmise de forces sans foi ni loi sur les institutions de l’Etat. Une réalité criante que ni les discours de Sellal, d’Ouyahia, ou de Saïdani, ni les propos de bien d’autres porte-voix du régime ne peuvent démentir. Tant elle est évidente et tant le constat établi au sein des larges masses populaires est irréfutable. Si le pouvoir s’entête à favoriser les forces de l’affairisme et de la prédation, les effets anti-populaires de sa politique ne tarderont pas à s’exprimer dans tout le pays.

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C.P.

20.03.16