Massacres du 8 mai 1945 : fin tragique d’une marche pacifique

dimanche 8 mai 2016
par  Alger républicain

SETIF - La marche pacifique engagée dans la matinée du 8 mai 1945 près de la mosquée de la gare de Sétif s’était achevée par l’assassinat de milliers de civils algériens par la France coloniale dans cette partie du pays et dans d’autres.

Croyant que la répression de la marche permettra l’éradication du mouvement national, l’occupant français abattra sauvagement plus de 45.000 personnes à travers plusieurs régions de l’Algérie, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata. Cependant, ce génocide qui a mis la France coloniale à nu, traça le chemin vers novembre 1954, révèlent des études historiques.

Le président de la Fondation du 8 mai 1945, Abdelhamid Selakdji, a indiqué à l’APS, à l’occasion de la célébration du 71e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, que la marche avait débuté à 8 h30 devant la mosquée de la gare à Sétif vers la stèle commémorative du soldat inconnu près de la mosquée Benbadis (actuellement).

Elle se voulait une célébration de la fête de la victoire des alliés contre les nazis et un rappel à la France de la promesse qu’elle avait faite aux Algériens, appelés à combattre les nazis pour libérer la France :


« Aidez-nous à libérer la France et vous aurez votre indépendance ».

Une marche pacifique pour la liberté

S’agissant des préparatifs du mouvement national à la marche du 8 mai 1945, M. Slakdji a rappelé que c’est le Parti du peuple algérien (PPA interdit à l’époque) qui avait planifié dans la clandestinité la manifestation.

Le PPA avait désigné les membres de son bureau : Mahmoud Guenifi, Abdelkader Yahla dit Yala (Scouts Musulmans Algériens) et Mohamed Fatache pour négocier au nom des Amis du Manifeste et de la Liberté avec le sous-préfet français pour obtenir l’autorisation de la marche.

Les négociateurs avaient « arraché » l’autorisation difficilement après avoir convaincu le sous-préfet que la marche sera non-violence, a ajouté le président de la Fondation du 8 mai 45.

Pour faire preuve de bonne foi, les organisateurs ont exhorté les participants à la marche de

« laisser de côté, bâtons et toute sorte d’objets qui peuvent être considérés comme armes, à l’intérieur de la mosquée »,

a-t-on encore noté.

Les organisateurs avaient désigné les militants Belkacem Bella dit Hadj Slimane et « Babaya » pour porter une gerbe de fleurs pour la déposer devant la stèle du soldat inconnu.

Selon Slakdji, les jeunes Scouts musulmans algériens étaient au second carré de la marche, suivis de « 10.000 à 12.000 manifestants » durant un jour de marché hebdomadaire.

Evoquant les préparatifs clandestins qui avaient précédé la marche, le président de la Fondation 8 mai 45 a révélé que le PPA avait confié à certains de ses militants la mission de « préparer des bannières de 3 mètres de longueur et 70 cm de largeur », sur lesquelles étaient écrits :

« l’Algérie musulmane »,
« Vive l’Algérie libre »

et

« libérez Messali El Hadj ».

Dans le même sillage, le PPA avait chargé Cheikh Bachir Amroune de confectionner le drapeau algérien (50 sur 30 cm) et a désigné le militant Aissa Cheraka, connu pour sa fidélité au mouvement national, de dissimuler le drapeau sous son burnous avant de le soulever à un endroit précis.

Le jour « J », les responsables du PPA étaient déterminés à faire savoir leurs revendications légitimes aux autorités coloniales en incitant les manifestants à lever les bannières dans des endroits précis du centre-ville, où il était supposé y avoir une forte présence des colons.

La PPA a également instruit les Scouts musulmans algériens d’entonner des chants patriotiques à l’instar de « Ya Chabab hayou Echamel El Ifriqui » (Vous les jeunes saluez le Nord-africain) dès l’arrivée au boulevard principal (Ex Boulevard de Constantine) « 8 mai 1945 actuellement ».

Le drapeau algérien, une histoire de vie ou de mort

Dès que les manifestants sont arrivés devant l’hôtel de France et lorsque le drapeau algérien fut hissé, la police coloniale avait usé de la force et de brutalité pour diviser les manifestants.

Le président de la Fondation du 8 mai 1945 a affirmé que l’intervention « sauvage » et « extrêmement violente » de la police de l’occupant français visait à « récupérer le drapeau algérien et les bannières, en provoquant des bousculades et des scènes de chaos et de violence ». Le drapeau tomba, mais le jeune manifestant, Saal Bouzid, intervint pour le reprendre.

Ce geste patriotique avait coûté la vie à Saal Bouzid, premier martyr des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, après avoir été abattu par le commissaire de police Olivieri.

La manière avec laquelle la police française a tenté, vainement, de stopper la marche, souligne M. Selakdji, n’était qu’un début « d’un bain de sang » et d’un « génocide » contre les civils algériens, sortis manifestés pacifiquement pour revendiquer la liberté et le droit à l’indépendance.

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APS
07.05.16