Médicaments : les importateurs et les grossistes font de gros profits en organisant la pénurie

mercredi 26 août 2015
par  Alger republicain

323 médicaments manquent dans les pharmacies. Selon les pharmaciens interrogés par des journalistes, 25% des médicaments prescrits manquent. Les pénuries frappent « une longue liste de produits médicamenteux notamment ceux destinés pour les maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, cancéreuses, psychiatriques, l’hypertension et ophtalmologiques … des produits indispensables. Certains sont même vitaux et n’ont malheureusement pas de médicaments alternatifs … la pénurie a touché l’insuline à action rapide … pendant tout le mois de mars dernier ». (Le Soir d’Algérie du 18 août 2015).

Des pharmaciens dénoncent les pratiques spéculatives des grossistes et des importateurs. Des ventes concomitantes sont imposées aux agences pharmaceutiques. Les spéculateurs font d’une pierre deux coups pour s’enrichir de façon criminelle en profitant de la détresse des malades : ils écoulent à toute vitesse leurs surplus de produits lents à la vente et font des bénéfices faramineux sur les médicaments qui ne sont introuvables que dans les circuits légaux.

Les « médicaments (sont) importés clandestinement (et) écoulés dans des pharmacies, sous le comptoir et à des prix doubles, triples, voire quadruples, … le ministère de la Santé est au courant sans pour autant réagir », témoigne un pharmacien algérois dont les propos sont rapportés par le Soir d’Algérie.

Le même pharmacien dévoile que « Le marché est dominé par cinq barons de la vente en gros du produit pharmaceutique : deux à l’est, deux au centre et un autre à l’ouest. Ils font des achats groupés et créent ainsi la pénurie ».
Des pharmaciens véreux « de mèche avec des grossistes » et informés « à l’avance qu’il y aurait une rupture ont stocké les produits ».

L’Union nationale des opérateurs (privés) de la pharmacie, met les ruptures sur le compte des autorités qui ont tardé à avaliser les programmes d’importation. Ces mêmes autorités ont contribué à la pénurie en allongeant de façon improvisée la liste des médicaments produits localement et interdits d’importation. En fait, ce que ne dit pas l’Unop, la plupart de ces produits « locaux » relèvent d’une activité de pur conditionnement. Les fabricants privés se font de gros sous le faux label du « made in Algeria ». Une supercherie qui rapporte gros.

Néanmoins l’Unop signale que les prix en dinars des médicaments importés continuent à augmenter alors que la dépréciation de l’euro par rapport au dollar aurait dû se traduire par des baisses de prix internes notables. Ce phénomène, comme le notent les dernières statistiques du CNIS, est visible à travers la baisse en valeur de 31% des importations durant le 1er semestre 2015 par rapport à la même période en 2014.

Comme toujours, les sociétés privées répercutent les hausses des cours mondiaux mais jamais leur baisse, sans que les autorités ne les répriment. Il en est des médicaments comme des biens alimentaires, produits finis ou matières premières, dont les prix à l’import en baisse font la fortune des Sim, Benamor, Cevital de Rebrab, etc., Ces cartels dominent ces filières et bien d’autres depuis la libéralisation des importations. Leurs patrons sont experts dans l’art de jongler avec les fluctuations des prix mondiaux et de la surfacturation par le biais de société écrans.

Les entreprises publiques chargées des importations ont été démantelées dès le début des années 1990 pour permettre à ces cartels, de simples prête-noms sous lesquels se cache une faune de personnages haut placés, d’opérer de gigantesques transferts de richesses au profit de quelques gros magnats.

Le seul rempart pour amortir les conséquences de la chute des recettes pétrolières de moitié par rapport à leur niveau de l’an dernier, serait de reconstituer les offices d’Etat pour réguler les importations en prohibant celles qui ne relèvent pas de la liste des biens vitaux et indispensables. Mais le gouvernement gesticule devant la peur de mécontenter ses soutiens parmi les importateurs. Il inspire de nombreux commentaires de presse et d’analyses de prétendus experts en économie pour préparer les couches sociales populaires à se résigner à subir un nouveau degré dans une austérité présentée comme « inévitable ». Un horizon « inévitable »qui a toujours épargné les plus riches et leur a permis de s’enrichir davantage.

K.S.