Messaoud Belmadani nous a quittés

vendredi 16 décembre 2016
par  Alger republicain

Il avait adhéré au Parti communiste algérien au lendemain de l’indépendance du pays à son retour d’Allemagne où il avait émigré pour gagner son pain en 1948. Il fut également militant du Parti de l’Avant-garde Socialiste créé dans la clandestinité en janvier 1966 sur la base de la fusion du PCA et d’éléments de la gauche du FLN. Arrêté en 1969, sauvagement torturé par la Sécurité militaire, puis libéré au bout de trois ans, il ne plia pas. Il poursuivit à sa libération son combat sur son lieu de travail.

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Messaoud Belmadani
D.R

Cheminot travaillant au sein de la SNTF, il joua un rôle important dans l’animation des luttes syndicales pour les droits des travailleurs et la défense de l’intérêt national. Il lutta pour déjouer les manœuvres des multinationales qui tentaient d’affaiblir l’entreprise publique des chemins de fer. Il défendit notamment la pérennité des ateliers du Hamma où quelque 600 ouvriers hautement qualifiés réparaient tous les jours les locomotives, jusqu’au jour où les valets au service de General Motors réussirent à obtenir son démantèlement.

Bien avant l’adoption en 1981 par le FLN du fameux article 120 destiné à écarter par la forces les communistes des organisations de masse, Messaoud fut constamment en butte aux complots et exclusives des responsables du FLN, notamment au sein de la Fédération nationale des cheminots. Mais bien que n’ayant occupé aucun poste de responsabilité au sein de l’UGTA en raison de la vindicte du FLN, il jouissait d’une grande confiance au sein des cheminots.

Sa combativité et son caractère réfractaire à toute forme de corruption inspirèrent la grande grève lancée par les cheminots au mois d’août 1977* pour protester contre le gel de leurs salaires et réclamer un plan de redressement de l’entreprise afin de la sortir du marasme dans lequel la tutelle l’avait plongé. Boumediene réagit rapidement en s’enquérant des causes de ce conflit. il donna raison aux cheminots. La direction de la SNTF dut faire appel à Messaoud qui, pourtant ne détenait aucune fonction syndicale, pour faire cesser la grève. Messaoud lui conseilla d’en discuter directement avec les représentants authentiques des travailleurs après avoir reconnu le bien-fondé de leurs revendications.

Messaoud Belmadani était membre du comité central du PAGS dans la clandestinité. Il était cependant sceptique sur la validité du concept de « démocrates-révolutionnaires » sur la base duquel le PAGS envisageait la rénovation du FLN. Avec l’humour corrosif qu’on lui connaissait, il disait qu’en général il approuvait ce concept mais que sur le terrain des luttes il n’avait pas constaté dans son secteur l’existence de militants du FLN répondant à ce qualificatif.

C’est de façon tout à fait naturelle qu’il s’éleva en janvier 1993 contre la liquidation du PAGS par le courant qui avait décidé de rompre avec le communisme. Il fait partie des neufs signataires de l’appel du 23 janvier à reconstituer le parti.

Jusqu’à la fin de sa vie Messaoud est resté fidèle à ses idées communistes. Cependant il constatait avec une grande amertume que de nombreux travailleurs ne défendaient pas leurs acquis sociaux et se laissaient même influencer par les sirènes du libéralisme. Quand les effets du tournant vers la rupture avec les options socialisantes commencèrent rapidement à se traduire par la paupérisation des travailleurs et l’accroissement de l’injustice sociale, Messaoud ne ratait aucune occasion pour dire aux travailleurs qui s’en plaignaient qu’ils n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Son attitude était un mélange de convictions quant à la nécessité d’abattre le capitalisme et de pessimisme devant le déferlement de l’irrationalisme et de l’obscurantisme chloroformant l’émergence de la conscience de classe des travailleurs face à leurs ennemis rusés et perfides.

Le souvenir des combats menés par Messaoud restera impérissable. De nombreux jeunes sont en train de faire leur expérience de la lutte des classes. Il prendront sa relève.

Repose en paix, camarade Messaoud !

Alger républicain adresse ses condoléances à sa femme et à sa famille. Elles peuvent être fières de la vie de leur être cher.

Alger républicain

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P.S. :

La rédaction d’Alger républicain prie aimablement tous ceux qui l’ont connu de lui faire parvenir les souvenirs qui permettront de peindre un tableau plus complet de la vie militante de Messaoud. Elle rappelle qu’elle avait publié de son vivant un condensé de ses luttes après l’indépendance.

* Une erreur de saisie nous avait fait écrire 1976 au lieu de 1977.