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Plaidoyer pour la mise en place d’un plan de culture national

dimanche 14 mai 2023

Contribution de Chabane Mahmoud, agronome

Depuis quelques temps, on découvre à travers la presse nationale qui rapporte des visites officielles, des orientations faites au pied levé, pour (re)lancer certaines cultures industrielles pour fournir l’industrie en produits agricoles à transformer afin de réduire la facture des importations et de créer de emplois. Le hic est dans le fait que les cultures en question sont très gourmandes en eau une denrée rare dans notre pays et viendraient forcement concurrencer les cultures dites stratégiques, déjà concurrencées par les cultures spéculatives.

À l’évidence, cette information m’a interpelé en tant qu’agronome soucieux de contribuer autant que faire se peut à la réalisation de notre indépendance alimentaire, pour partager ma modeste expérience et souhaiter rappeler certaines réalités incontournables qui limitent considérablement les ambitions agronomiques de notre pays. Pour ne rien arranger, l’abandon, du plan de culture national sous prétexte de l’INFITAH engagée dès 1980, a laissé place à une véritable pétaudière où l’exploitant est libre de ses choix de produire (ou pas). Cela n’a pas manqué de générer une flambée des prix des produits agricoles (fruits et légumes) sans précédent ; une hausse vertigineuse qui s’explique, en partie seulement, par des causes exogènes (notre pays trop dépendant de l’importation d’intrants agricoles, importe l’inflation…,) et endogènes, principalement le comportement mercantile et cupide des néo exploitants s’adonnant à la pratique de cultures spéculatives, plus lucratives et valorisantes, au détriment des cultures stratégiques, l’emporte sur l’intérêt national.

RAPPEL DE RÉALITÉS ESSENTIELLES :

1)- On ne peut sérieusement parler d’agriculture de notre pays sans se rappeler les méfaits de l’impérialisme français. À l’évidence, en engageant son armada pour envahir des contrées lointaines, parmi elles notre pays, ce dernier n’avait pas entrepris une telle aventure, très coûteuse en termes de vies humaines, d’argent…, pour aller civiliser par philanthropie des sauvages, comme il avait argué pour se donner bonne conscience, et encore moins pour les développer. Il est établi que cet intrus avait déferlé sur ces pays pour des objectifs économiques, politiques, étendre son empire pour se donner l’illusion de grandeur et de puissance. Par nature, son entreprise de peuplement, de remplacement et de destruction des écosystèmes par la déforestation, la pratique de la monoculture,…, d’acculturation, nonobstant le fait qu’elle avait modifié considérablement ces derniers et dégrader les paysages agricoles, avait modifié considérablement le plan de culture que nos ancêtres, les vrais, avaient mis patiemment en place depuis des lustres, adapté au milieu naturel et par conséquent à leur modèle de consommation.

Durant son règne dévastateur dont les stigmates restent visibles (introduction du blé tendre en substitution au blé dur et de la baguette de pain dite « parisienne », le chamboulement des structures agraires provoqué par l’application de la loi Warnier de 1873, la déforestation, le système de formation…) cet envahisseur avait tout entrepris pour installer sur nos meilleures terres, un plan de culture complémentaire à celui de la métropole pour améliorer qualitativement et quantitativement la gamme de produits agricoles destinés à satisfaire les besoins de sa population et ce, au détriment des « indigènes » spoliés et reclus dans la misère, la famine et les privations.

2)- Dès la proclamation de notre indépendance, les décideurs en responsabilité avaient mis en place, avec les moyens très dérisoires dont disposait à l’époque notre pays dévasté, ruiné…, par l’idéologie coloniale, les mécanismes que requiert l’élaboration d’un plan de culture national résolument orienté vers la satisfaction des besoins essentiels en produits agricoles de base, de la population et du cheptel. Cette orientation patriotique de notre plan de culture avait nécessité, à l’évidence, la remise en cause et la refonte du plan de culture installé par l’administration coloniale. Une œuvre colossale de décolonisation de notre agriculture qui requérait des moyens humains, matériels, financiers, techniques… qui manquaient cruellement à notre pays post-indépendance. C’est dans ce cadre que l’arrachage du vignoble qui occupait quelques quatre cent mille hectares fut décidé et réalisé.

3)- Il convient de rappeler que la majeur partie de la sole occupée par les grandes cultures constituant le socle de notre alimentation de base, est située dans les zones semi-aride et aride (hauts plateaux et des parcours steppiques) que les « indigènes » (c’est par ce terme très méprisant que les autochtones ont été appelés durant les 132 ans de colonisation), dépossédés de leurs terres et déracinés par l’administration coloniale, ont défriché pour y installer des cultures vivrières en association avec des élevages. Fort heureusement, nos petits paysans de l’époque, avec le bon sens qui les caractérise, savaient que la production céréalière dans ces zones dépend de la pluviométrie (quantité de pluie et sa répartition dans le temps) et des aléas climatiques (gelées, sirocco…).

Prenant en compte ces facteurs limitants sur lesquels ils n’ont pas prise, et pour ne pas subir les conséquences désastreuses d’une récolte très aléatoire, les paysans laboureurs qui ne conçoivent pas une exploitation agricole sans cheptel, ont introduit des élevages pour faire pacager les semis sinistrés et transformer les résidus de récolte en revenu et fumier. Ce cheptel, leur assurance vie et leur caisse d’épargne, leur permettait d’amortir le choc d’une année sans récolte et de reconstituer la « 3ola » et les stocks de semences pour assurer la prochaine campagne agricole. La vie continue, telle est leur devise ! Actuellement ! En dépit du bon sens, on continue d’emblaver des sols situés dans des zones dont la pluviométrie, en termes de volume et de répartition dans le temps, est très en deçà des besoins en eau de la plante. Ce qui est grave, c’est le fait que l’on continue, pour des raisons difficiles à saisir, car irrationnelles, d’emblaver des sols situés dans ces zones réputées défavorables et non adaptées au cultivar. Cette façon de faire, outre le fait qu’elle génère des conséquences directes sur le niveau de production prévisionnelle attendue, ce qui met en péril le niveau de satisfaction des besoins nationaux en produits agricoles essentiels, est responsable d’un énorme gaspillage d’intrants (semences, engrais, produits phytosanitaires…) et des moyens matériels et financiers engagés dans cette opération qu’on sait, à l’avance, très hypothétique. Sans oublier les centaines de milliers d’hectares que l’on continue d’arracher à leur vocation originelle, et à dégrader par des labours superficiels favorisant les érosions pluviales et éoliennes. Quel dommage ! Quel gaspillage !

4)- Indéniablement, notre vaste et doux pays, est naturellement bien doté en termes de superficies, de climat, de luminosité, de position géographique stratégique …, en un mot, il réunit les conditions naturelles idoines pour étendre à volonté la superficie des terres cultivables, ce qui fait dire à nos paysans laboureurs, avec des mots concis et précis, que : « si l’on venait à planter sur ces terres des humains », ils pousseraient et fructifieraient ! Ils ne manquent pas d’ajouter, cependant, « le problème qui limite notre action et tempère notre ardeur ! C’est l’eau ! » Sans ce facteur limitant sur lequel on n’a pas prise et à condition de mettre en œuvre de manière maitrisée les techniques éprouvées, les acquis de la recherche agronomique et les progrès technologiques, tout y pousse, croît et fructifie. Et l’exemple le plus significatif (il fait école et doit être médité) nous est administré par ces cultivateurs qui ont fait nos douces Oasis au milieu du désert. Ces artisans dont il faut s’inspirer, ont su développer et mettre en place des procédés ingénieux (exemple des foggaras) pour gérer collectivement et distribuer équitablement avec parcimonie cette précieuse et vitale ressource naturelle qui tend à se raréfier avec les bouleversements climatiques inquiétants que l’on connaît, selon un ordre de priorité préalablement établi sur la base des besoins réels des principaux utilisateurs.

5) - Les cultures industrielles (betterave sucrière, carthame, tournesol, coton, colza, soja, chanvre, lin, maïs, vigne à vin, tomate,…) avaient occupé depuis notre indépendance jusqu’à la dissolution des Domaines Agricoles Socialistes, d’importantes superficies. Cultivées en association avec les céréales, les légumes secs et les fourrages, dans le cadre d’un assolement-rotation approprié, elles ont été, pour certaines, abandonnées pour laisser place aux cultures stratégiques (céréales, pomme de terre, tomate industrielle, oignon, légumes secs, fourrages…) dont les besoins connaissent une forte croissance du fait de l’amélioration du pouvoir d’achat de la population et d’une démographie débridée.

Il convient de rappeler que la dissolution des Domaines Agricoles Socialistes opérée en application de la loi 87.19 du 08.12.1987 portant mode d’exploitation des terres agricoles du domaine national et fixant les obligations des producteurs, le démantèlement du monopole sur le commerce extérieur et des coopératives agricoles de services ont favorisé la disparition du paysage agricole national de la quasi-totalité des cultures industrielles. Il va sans dire que l’abandon de ces dernières s’est soldé par une perte sèche de l’expérience acquise par les travailleurs et l’encadrement agricole dans la maitrise des itinéraires techniques, des semences, des matériels spécialisés,...

Faut-il rappeler aussi que les cultures industrielles (betterave sucrière, coton, maïs, tournesol, tabac…) très exigeantes en termes de fertilité, de profondeur et d’humidité des sols, trop gourmandes en eau, sont conduites à l’irrigué. Leur réintroduction sur d’importantes superficies irriguées ne peut se faire qu’au détriment de cultures stratégiques essentielles à l’alimentation humaine et animale. Entre les deux, il va falloir, hélas, choisir ! Sous d’autres cieux, il convient de signaler que, certains pays de prédilection des cultures industrielles gourmandes en eau considérées secondaires, ont, dans le contexte de la situation de manque d’eau et de l’impérieuse nécessité de rester maître de l’arme alimentaire, pris des mesures drastiques pour réserver cette ressource vitale pour irriguer prioritairement la céréaliculture.

6) - Il convient de noter que depuis l’orientation politique mise en œuvre dès le début des années 1980, induisant la privatisation de l’exploitation des terres relevant du domaine de l’État, un patrimoine de quelques trois millions d’hectares qui concentre les meilleures potentialités agricoles et hydriques du pays, et le démantèlement du monopole sur le commerce extérieur favorisant les importations tous azimuts de produits de large consommation et des intrants agricoles, a généré des conséquences graves sur le moral de nos paysans laboureurs vivant exclusivement de leur labeur, et le niveau de développement et de modernisation de notre agriculture produisant pour réaliser notre souveraineté alimentaire. La dissolution des DAS a permis à une faune « d’accros-biseness man » de faire de manière directe ou indirecte, main basse sur les terres à hautes potentialités et particulièrement celles irriguées pour y pratiquer des cultures spéculatives (pastèques, fraises, raisins de table, bananiers, plaqueminiers, kiwi…), et favorisé le détournement de vocation et la destruction des terres agricoles et de l’eau.

L’INTÉRÊT DU PLAN DE CULTURE :

Bien élaboré, le plan de culture national déterminant la place de l’agriculture dans la stratégie de développement économique d’un pays et structurant les actions des pouvoirs publics dans ce domaine, est un outil précieux indispensable pour organiser en amont et en aval l’activité production agricole. Le plan de culture national fixe le cap, précise les orientations stratégiques du pays en matière de développement économique et agronomique ainsi que les objectifs à atteindre à court, moyen et long terme, détermine les voies et moyens à mettre en œuvre pour sa matérialisation sur le terrain et son suivi évaluation. Perçu et conçu comme tel, cet instrument permet de réaliser les objectifs essentiels suivants :

l’exploitation rationnelle des potentialités naturelles (terres agricoles, eau d’irrigation, pluie, climat, ensoleillement,...) que recèle le pays en vue de produire l’alimentation (végétale et animale) nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels de la population en produits agricoles ;

protéger ces dernières contre toute forme de prédation, de destruction de, de stérilisation des sols, de détournement de vocation (agricole) et de destination (produire l’alimentation essentielle de la population et du cheptel), … N’oublions pas que ces richesses naturelles ne nous appartiennent pas, nous les empruntons à nos enfants ! On a le devoir de les leur restituer en meilleur état ;

maitriser le calendrier de productions agricoles et d’approvisionnement en intrants agricoles pour mettre un terme, ou tout au moins les atténuer, aux dysfonctionnements récurrents enregistrés annuellement dans l’approvisionnement des marchés en produits de large consommation, d’une part et d’autre part, donner la visibilité aux pouvoirs publics de mettre en action, en amont et en aval, les mesures de régulation de ces derniers ;

 mettre en place une industrie agroalimentaire et des capacités de stockage et de conditionnement pour absorber les surproductions et éviter tout gaspillage de produits agricoles, dimensionnées en fonction de la production prévisionnelle.

ÉLÉMENTS ESSENTIELS À PRENDRE EN COMPTE  

« Donnez-moi un point d’appui je soulèverai le monde ! » Dixit : Archimède. À l’évidence, ce point d’appui nécessaire pour asseoir ce plaidoyer pour l’institution par la loi d’un plan de culture national cohérent,nous est imposé légitimement par le projet de société dont les contours sont tracés par les résolutions du congrès de la Soummam, confortées par les différentes chartes nationales (Tripoli, Alger, 1976).

Mieux encore, il s’inscrit dans la pratique ancestrale ! Pour rappel ; contrairement à certaines idées reçues, le mot plan qui semble provoquer des réactions épidermiques chez ceux qui préfèrent nager en eau trouble pour arriver à leur fin, n’effarouchait pas nos ancêtres. Au contraire ! Guidés par le bon sens paysan qui les caractérise forgé par des années d’observations, d’expériences et d’actions, dont doivent s’inspirer, de mon point de vue, les décideurs et l’encadrement agricole, les paysans laboureurs vivant de leur métier, avaient de tout temps établi leurs plans de culture. Ce dernier constituait un moyen qui leur permettait d’exploiter rationnellement le moindre mètre carré de terre agricole de manière intensive (à ne pas confondre avec chimisation du sol), et raisonnée, en pratiquant l’assolement rotation des cultures, (une technique culturale indispensable pour sauvegarder la fertilité des terres et l’écosystème), d’utiliser parcimonieusement la moindre goutte d’eau, et d’échelonner les récoltes. À l’évidence, la conception et l’élaboration d’un plan de culture national requiert la réunion d’un ensemble de données essentielles suivantes :

1. connaitre, évaluer et situer géographiquement,(un travail qui passe nécessairement par le travail de terrain basé sur la preuve et non sur le verbe pour reconstruire les bases de données et les statistiques fiables à même d’aider à la décision), les potentialités agronomiques et hydriques effectives du pays. Dans ce cadre, le volume d’eau, (pluie, souterraine, superficielle) réellement mobilisable et utilisable dans l’immédiat, à moyen et long terme par l’agriculture annuelle et pérenne répartie par saison et localisée par zone doit être scientifiquement évalué.

2. les besoins, en quantités et en qualités, en produits agricoles de base dument identifiés, listés et classés par ordre d’importance qu’imposent le modèle de consommation préalablement défini sur la base des éléments culturels, nutritionnel, et la place de chaque produit aujourd’hui et sa projection dans le futur. Clairement, il s’agira d’œuvrer pour recouvrer graduellement notre modèle de consommation agressé et pollué par la colonisation dont la baguette « parisienne » en est le symbole, basé sur la consommation des produits du terroir. C’est pourquoi, il est utile de décréter que les céréales, les légumes secs, la pomme de terre, la tomate industrielle, le lait et les fourrages sont des produits de base essentiels à l’alimentation de la population et des cheptels. À ce titre, ces cultures doivent bénéficier de la priorité absolue en termes d’affectation de la ressource hydrique réellement mobilisée, et être installées dans leurs zones de prédilection sur la sole la plus favorable à leur développement :

*-À l’irrigué ; arrêter un plan d’affectation de la très précieuse ressource en eau destinée à l’agriculture mobilisable, selon les besoins des cultures retenues prioritaires par le plan de culture national. Produire des pastèques (appelées aussi melon d’eau), des fraises, du raisin à l’irriguée, du coton, du maïs, des bananes … , toutes gourmandes en eau, ou des céréales, des légumes secs et de la pomme de terre, des tomates, … entre les deux il va falloir trancher ;

*-En pluvial, cesser d’emblaver des sols situés dans les zones où la pluviométrie moyenne calculée sur 5 ans est inférieure aux besoins en eau de la plante considérée ; Le volume d’eau de pluie et la répartition dans le temps sont des indicateurs clef à prendre en compte pour déterminer la culture, l’espèce et même la variété à mettre en place. Autrement dit appliquer les acquis techniques et scientifiques, tout simplement. Faire de l’agronomie et non de l’amateurisme et du charlatanisme ! Il faut aussi admettre que chaque plante, pour vivre, se développer normalement et fructifier, a besoin d’un milieu favorable à son évolution lui permettant d’exprimer de manière optimale son potentiel génétique. Autrement dit, nous devons avoir, en permanence, le souci d’installer chaque culture dans sa zone de prédilection naturelle et de lui prodiguer les meilleurs soins pour espérer récolter le fruit quantitativement et qualitativement attendu. Ne pas oublier que la plante c’est comme un bébé qu’on élève avec attention et vigilance ; la moindre négligence peut causer des dommages souvent irréparables, et se paie cash !

PRÉCONISATION DE MESURES À PRENDRE :

Réaliser dans des délais raisonnables notre souveraineté alimentaire est naturellement à la portée du pays pourvu qu’elle soit déclarée cause nationale et que les leviers dont disposent les décideurs soient utilisés intelligemment pour faire aboutir ce projet majeur pour le devenir de la nation algérienne. Pour mener à bon port cette bataille, les mesures opérationnelles jugées essentielles ci-après données à titre indicatif, pourraient, après réflexion et maturation, être mises en œuvre :

1)-Engager résolument notre pays sur la voie de la décolonisation de notre agriculture qui passe nécessairement par l’élaboration et la mise en place d’un plan de culture national qui traduira dans les faits les objectifs de notre politique agricole qui doit objectivement, viser la satisfaction des besoins alimentaires prioritaires et essentiels de la population qu’impose le modèle de consommation, la production des semences et plants des cultures classées stratégiques. L’atteinte de ces objectifs passe par l’exploitation rationnelle des potentialités hydro-agricoles, l’introduction de l’assolement rotation approprié à chaque zone de production et l’application suivie des itinéraires techniques pour chaque culture. Pour se faire il est nécessaire de :

A)-Redonner à la gestion de l’eau sa place centrale dans la conception et la mise en œuvre du plan de culture national. L’affectation de cette précieuse ressource devra se faire selon un ordre de priorité préalablement établi qui tienne compte des besoins des principaux utilisateurs, en l’occurrence les animaux, les humains, les producteurs agricoles …
(elle a été de tout temps au centre des préoccupations de nos aïeux qui avaient su développer et mettre en place des procédés ingénieux, exemple significatif des foggaras, pour mobiliser, gérer collectivement et distribuer équitablement cette précieuse et vitale ressource naturelle)

B)-Actionner les leviers dont disposent les pouvoirs publics, (l’eau, la terre, la réglementation, le financement, l’assistance technique), pour amener les producteurs à adhérer et être partie prenante de ce plan de culture d’intérêt stratégique. Dans le sillage de ces actions déterminantes, il y a lieu d’envisager sérieusement :

*- l’élaboration et la mise en place d’un nouveau cahier des charges adapté aux exigences du plan de culture national que devront signer tous les bénéficiaires des terres du domaine privé de l’État et des éventuels adhérents privés au dit plan ;

*- les producteurs engagés au titre du plan de production national doivent être motivés et confortés dans leur rôle d’acteurs économiques et amenés à se structurer dans des coopératives d’entraide adaptées pour jouer, entre autre, un rôle d’interface entre les producteurs et les services publics.

*-Mettre en place un contrat liant le paysan adhérent à l’État (représenté par les offices spécialisés, assisté dans ses missions de suivi sur le terrain par les services décentralisés de l’État) fixant les droits et obligations de chaque partie prenante. À titre indicatif, le contrat doit faire obligation :
a)- au paysan cocontractant de remettre aux offices spécialisés les productions dans les termes convenus, de se conformer strictement aux modes de conduite préconisés par les personnels mandatés pour suivre sur le terrain la concrétisation des actions plan de culture national, de se former aux techniques de conduites des cultures et d’exploitation rationnel des moyens et des potentialités naturelles ;
b )-au représentant de l’État, d’apporter l’assistance technique et de prodiguer les conseils nécessaires pour une conduite et une gestion optimales des cultures et des potentialités dormantes que recèle l’exploitation.

2)- Engager résolument la nécessaire refonte du système des subventions directes dont l’efficacité est sujette à caution, souvent détournées de leur destination initiale et décriées car ne profitant pas aux petits paysans laboureurs, véritable colonne vertébrale de l’économie agricole. Il est plus efficient et judicieux de privilégier les aides indirectes sous formes d’assistance technique et scientifique, de travaux de laboratoire, d’études, de formation, de garanties de l’État, couverture sociale pour les producteurs engagés au titre du plan national de culture, de prix d’achat contractuel … , que de subventionner des facteurs de production dont il est illusoire de vouloir contrôler l’utilisation.

3) -Engager les chercheurs pour mettre au point des produits de substitution aux importations d’intrants, d’aliments pour élevages, de semences et plants, et mettre au point des itinéraires techniques raisonnés et appropriés intégrant les produits du terroir. Nos cadres, produit de la formation pour laquelle des efforts colossaux sont consentis par le peuple, doivent cesser de jouer, à leur corps défendant, le rôle d’agents commerciaux des firmes internationales et autres laboratoires étrangers pour délivrer des « fetwas » techniques pour importer des facteurs de production au détriment de la production nationale, et se tourner résolument vers la recherche de solutions nationales aux problèmes que posent nos agriculteurs et notre agriculture.Exploiter rationnellement requiert indéniablement l’utilisation des acquis techniques, technologiques et scientifiques, ainsi que les connaissances qui ne détruisent pas la vie en général, (des sols de la faune de la flore, des animaux, de l’air de l’eau et des humains).

4)- Mettre en place un réseau de laboratoires agro-pédologiques et de protection des écosystèmes, dont la mission première serait de doter chaque DSA de cartes appropriées (Etat-major et Google) où seraient répertoriées les potentialités naturelles réelles de la wilaya, indiquant les zones de prédilection de chaque culture.

5)- Créer nécessairement des conseils mixtes ( scientifiques et administratifs) composés de représentants des ministères concernés, des universités, instituts de recherche … , de compétences reconnues, chargés de l’orientation, du suivi évaluation des actions inscrites au titre du plan de culture national et de l’élaboration des rapports intermédiaires et annuel.

CONCLUSION

Seulement, me diriez-vous, à quoi servirait un plan de culture, fut-il le mieux élaboré de tous les temps, s’il ne bénéficie pas de l’attention soutenue et de moyens de sa mise en œuvre appropriés et conséquents à la hauteur des exigences de notre indépendance alimentaire sécurisée ?! Il faut dire que le niveau de dépendance en produits alimentaires et en intrants agricoles, vis-à-vis du marché mondial régulé par les puissances hégémoniques, particulièrement préoccupant, redonne plus que jamais de la consistance et du sens au slogan qui avait guidé notre politique agricole dès le lendemain de notre indépendance, « la terre à celui qui la travaille » dans l’intérêt supérieur de la patrie, cela s’entend, reste d’actualité et conforme aux traditions ancestrales.

La mobilisation des moyens de la nation en vue de réaliser dans les délais les plus raisonnables les objectifs stratégiques du plan de culture national, nous est dictée par notre histoire récente et la nécessité de mettre notre souveraineté à l’abri des dangers qui planent, telle une épée de Damoclès, sur nos approvisionnements en produits alimentaires de base et en intrants agricoles. Il ne faut surtout pas perdre de vue que l’arme alimentaire peut être activée à tout moment et que les effets induits par le réchauffement climatique touchant les zones de production rendront à l’avenir les importations de produits agricoles de base hypothétiques. La guerre des céréales est déjà-là ! Même avec les devises que nous donnent nos infatigables « patriotes », en l’occurrence, HASSI MESSAOUD et HASSI R’MEL, des difficultés d’approvisionnement en produits alimentaires de base de la population peuvent apparaître. Aussi, il ne faut jamais oublier que notre pays avait depuis l’indépendance fait l’objet de campagnes de dénigrement, de boycott et de chantage de toute sorte, destinés à provoquer le désordre et l’asphyxie. Ceci nous oblige donc à mettre tout en œuvre pour assurer notre pain quotidien fait à base de blé dur et d’orge, produits nécessairement localement. Nos parents ont, en 7 ans et demi, fait ce qui était considéré à l’époque de suicidaire, d’impossible à réaliser et d’irresponsable, ont chassé avec des moyens très rudimentaires, la puissance coloniale appuyée par l’OTAN, pour recouvrer notre indépendance, notre liberté ! Faisons un plan de culture national pour réaliser dans les meilleurs délais l’indépendance alimentaire sécurisée. Nous en avons les moyens et le savoir en plus !

Pour conclure ma modeste contribution au débat que j’espère très large et à la hauteur de l’importance de la question vitale de souveraineté alimentaire, je vais paraphraser Victor Hugo en m’adressant aux décideurs pour leur dire : vos prédécesseurs ont fait des lois pour aggraver notre dépendance alimentaire (après de 60 ans d’indépendance nous consommons de la baguette française faite avec du blé tendre essentiellement français importé) faites des lois, prenez les mesures appropriées et utilisez tous les leviers pour réaliser cet objectif stratégique. Le Peuple algérien se rappellera du rôle majeur que vous aurez joué !