Qui nous menace vraiment ?

mercredi 30 mars 2016

L’Otan n’est pas une alliance militaire entre États souverains, mais un pacte fixant les relations entre un suzerain et ses vassaux. Une telle organisation viole donc, par elle-même les principes de la Charte des Nations unies, ainsi que l’a souligné la Conférence de Bandung en 1955. Et comme il n’existe pas d’ennemi susceptible de justifier cette situation, l’Otan se charge de l’inventer…

Comment fait-on pour justifier la guerre s’il n’y a pas d’ennemi qui nous menace ? C’est simple, il suffit de l’inventer ou de le fabriquer. C’est ce que nous enseigne le général Philip Breedlove, le chef du Commandement européen des États-Unis qui va passer à un autre général états-unien le bâton de Commandant suprême allié en Europe.

Dans sa dernière audition au Pentagone, il prévient qu’ « à l’Est, l’Europe a en face d’elle une Russie résurgente et agressive, laquelle pose une menace essentielle à long terme ». Il renverse ainsi la réalité : la nouvelle Guerre froide en Europe, contraire aux intérêts de la Russie, a été provoquée avec le putsch de Place Maïdan planifié par les USA et l’Otan, qui continue à alimenter les tensions pour justifier le déploiement croissant de forces en Europe orientale.

En Ukraine, a été constitué un Commandement conjoint multinational pour l’entraînement « jusqu’en 2020 » des forces armées et des bataillons néonazis de la Garde nationale, dont s’occupent des centaines d’instructeurs de la 173e Division US transférés de Vicence (Vénétie), flanqués de Britanniques et de Canadiens. Le Commandement européen des États-Unis, souligne Breedlove, travaille avec les alliés pour « contrecarrer la Russie et se préparer au conflit si nécessaire ».

Au Sud, prévient le Commandant suprême allié en Europe, « l’Europe a en face d’elle le défi de l’émigration de masse provoquée par l’écroulement et par l’instabilité d’États entiers, et de l’État islamique qui se répand comme un cancer menaçant les nations européennes ». Il soutient ensuite que « l’intervention de la Russie en Syrie a compliqué le problème, car elle a fait peu pour s’opposer à Daesh et beaucoup pour soutenir le régime d’Assad ».

Il renverse à nouveau la réalité : ce sont les États-Unis et l’Otan qui ont provoqué avec la guerre l’écroulement de l’État libyen et l’instabilité de celui de Syrie, et l’émigration de masse qui s’ensuit, en favorisant la formation de Daesh fonctionnel à leur stratégie, qu’ils ont fait semblant de combattre, alors que l’intervention russe en Syrie en appui des forces gouvernementales a durement frappé Daesh en le faisant reculer.

Maintenant que la Russie, ayant atteint son premier objectif, redimensionne son engagement en Syrie, l’Otan sous commandement états-unien étend sa présence militaire au Moyen-Orient.

Le 29 février, le secrétaire général de l’Otan, Jan Stoltenberg, a signé avec le Koweït un accord qui permet de créer la première escale aéroportuaire de l’Alliance atlantique dans le Golfe, à la fois pour la guerre en Afghanistan et pour « la coopération de l’Otan avec le Koweït et d’autres partenaires », surtout l’Arabie Saoudite soutenue par le Pentagone dans la guerre qui fait des massacres de civils au Yémen.

Le 2 mars à Abu Dhabi, Stoltenberg a renforcé « la coopération avec les Émirats arabes unis pour affronter les défis communs à la sécurité ».

Le 17 mars, il a reçu à Bruxelles le roi Abdullah II, pour renforcer le « partenariat de l’Otan avec la Jordanie ».

Le 18 mars, il a reçu Al-Zayani, secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahrein, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar), pour « approfondir la coopération entre les deux organisations ».

En Afrique —tandis que se prépare l’opération qui, sous le prétexte de les libérer de Daesh, vise à occuper les zones de la Libye économiquement et stratégiquement les plus importantes— est en cours du Sénégal au Golfe de Guinée l’exercice Obangame/Saharan Express, auquel participent dans une fonction « antiterrorisme et antipiraterie », des forces navales US, européennes, africaines et même brésiliennes. Dirigé depuis le quartier général de Naples des U.S. Naval Forces Europe-Africa, dont la mission est de « promouvoir les intérêts nationaux états-uniens, la sécurité et la stabilité en Europe et en Afrique ».

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Manlio Dinucci

Réseau Voltaire | Rome (Italie) |

23 mars 2016

Traduction
Marie-Ange Patrizio

Source : Il Manifesto (Italie)