Regard syrien sur les Kurdes et le mouvement du Hamas

jeudi 30 octobre 2014

<span class="caps">EIIL</span> made in <span class="caps">USA</span> - D.R Après plus d’un mois de raids aériens menés par les USA et leurs alliés contre Daech [EIIL ou ISIS] en Irak et en Syrie, nombre d’observateurs font remarquer l’effet inverse sur le terrain. Daech avance et occupe encore plus de villes et de villages notamment dans la région d’Al-Anbar en Irak et dans le nord de la Syrie, tandis que l’Armée arabe syrienne et les Kurdes syriens du Nord, hommes et femmes, sont en passe d’entrer dans la légende.

Et après les massacres de Jisr al-Choughour, de Khan al-Assal, de Homs, de Hama, de Lattaquié, de Houla, de Adra… voici venu le « massacre programmé » de Aïn al-Arab [Kobané]. Une liste interminable et terrifiante qui retrace le parcours infernal de monstres que certains dirigeants et médias osent encore qualifier de « révolutionnaires », de « rebelles » et, plus récemment, d’« opposants modérés » à entraîner et à armer par les Saoudiens et les Turcs qui se disputent ce privilège auprès des USA, les premiers pour écraser toute velléité d’autonomie kurde et s’approprier des terres syriennes, les seconds pour enfin faire tomber le gouvernement syrien et s’assurer le leadership d’un monde qu’ils qualifient de sunnite, le tout dans le cadre de la bataille mondiale pour les voies d’acheminement du pétrole et le gaz…

Les Syriens n’ont pas attendu de voir les gens de Aïn al-Arab sacrifier leur vie, avec un héroïsme et une bravoure qui stupéfient le Monde, pour reconnaître que leurs compatriotes kurdes méritent la terre sur laquelle ils vivent, qu’ils défendent et cultivent.

Ils la méritent tout autant que les autres « ethnies » de la Syrie actuelle issue du « découpage franco-ottoman » ; un découpage que les gouvernements turcs et français aimeraient bien achever si l’on en croit les déclarations du Président français, seul chef d’État [1] à soutenir l’idée d’une zone tampon en territoire syrien proposée par M. Erdogan, désormais surnommé « le pilleur d’Alep » [2].

Ils sont des « Syriens kurdes » comme d’autres sont des Syriens levantins, assyriens, arméniens, turkmènes, tcherkesses… répartis sur toute la terre syrienne et vivant « ensemble » jusqu’à ce que l’on décide de revenir la saigner et la re-découper pour se saisir, chacun à sa manière, de sa part du butin consentie par le maître US drapé dans son odieuse démo-crassie.

Mais cette fois-ci, le découpage de la Syrie devait se concrétiser sur des bases confessionnelles et il n’était plus possible, comme du temps de MM. Sykes et Picot, de se contenter d’user d’une règle et d’un crayon pour disloquer d’un trait, bien droit, une terre abritant des populations issues de civilisations millénaires qui se sont mélangées sans pour autant se renier.

La manœuvre ayant lamentablement échoué en Syrie pour des raisons que nous a expliquées le Général Amin Hoteit dès Juin 2012 [3], pourquoi ne pas tenter un découpage sur des bases ethniques ?

Et nous voilà repartis pour un tour en ciblant les Kurdes de Syrie après avoir poussé à l’exode les Arméniens d’Alep et de Kessab dont les grands parents avaient échappé au nettoyage ethnique des Arméniens, et aussi des Assyriens et des Kurdes, par les « Jeunes turcs » pendant la première guerre mondiale [Voir le témoignage du Dr Jacob Künzler, chef de l’hôpital missionnaire de Urfa, à défaut d’autres sources historiques].

Épisodes douloureux que les jeunes écoliers syriens n’apprennent pas dans leurs manuels d’Histoire, sans doute parce que les rancœurs du passé ne sont pas nécessairement utiles pour avancer vers l’avenir dans un pays où pratiquement chaque région est à l’image de toute la Syrie : une mosaïque, patinée par le temps, de toutes ces civilisations qui se sont succédé sans jamais vraiment la quitter.

Les Syriens savent donc que le Nord syrien compte une certaine concentration de Kurdes, les uns présents depuis toujours, les autres venus de Turquie se réfugier en Syrie pour fuir la sauvagerie ottomane, comme tant d’autres peuples dans la tourmente qui n’ont jamais eu à se loger sous des « tentes pour réfugiés », ni à attendre l’aumône des aides internationales pour se remettre debout ; les écoles, les lieux de culte, les maisons villageoises et citadines ayant ouvert leurs portes pour les accueillir, le temps qu’ils se fondent, ici ou là , dans la mosaïque syrienne ou qu’ils se dirigent vers d’autres cieux.

Concernant les Kurdes, il suffit de se remémorer le témoignage de M. Ghaleb Kandil [4] parlant d’Abdullah Öcalan, chef incontesté pour une majorité de Kurdes malgré tous les coups tordus du clan Barzani en Irak. En voici un extrait :

« J’ai décidé de quitter la Syrie parce que ma présence est désormais un fardeau pour l’État syrien et son valeureux Président Hafez al-Assad. Je sais que les menaces turques sont sérieuses, planifiées par l’OTAN et Israël. Je suis convaincu que tu penses aussi que si nous perdons la Syrie, cette citadelle libre en ces temps difficiles, tous les peuples du Moyen-Orient auront à en souffrir et toutes les équations seront déséquilibrées en faveur des sionistes et des colonialistes ».

Étant parfaitement d’accord avec ses déductions, je l’ai interrogé sur les solutions alternatives qu’il entrevoyait. Il m’a répondu :

« Comme tu le sais, au niveau international la situation actuelle ne nous est pas favorable en raison de la rupture des grands équilibres depuis l’effondrement de l’Union soviétique et de l’activisme sioniste partout dans le monde. En ce qui me concerne, il est essentiel que je délivre la Syrie, son Président et son projet libératoire pour la région, du poids de notre présence. Le Président continue à nous soutenir malgré les pires difficultés en la circonstance.

Mon peuple et moi-même resterons reconnaissants à la Syrie et à ses autorités notre vie durant. Je dis cela car je ne mesure pas notre situation sous l’angle des seules revendications des Kurdes en Syrie, ces problèmes trouveront facilement leurs solutions et se résoudront par le dialogue. Non, je mesure notre situation du point de vue de tous les Kurdes de la région et dont les centres de gravité se situent en Turquie et en Irak. Au cours des trente dernières années, la Syrie a assumé avec honneur une lourde charge politique, économique, sécuritaire et stratégique. Mon peuple est à jamais dépositaire de ce fait et nul ne pourra prétendre qu’Abdullah Öcalan a autorisé un Kurde à porter atteinte à la Syrie ».

Cette longue introduction pour bien situer le problème soulevé par cet article de M. Bahjat Sleiman, ex-ambassadeur de Syrie en Jordanie, déclaré persona non grata à la veille des élections présidentielles syriennes du 28 Mai 2014 arbitrairement interdites dans le royaume, comme dans nombre d’autres pays prétendument amis de la Syrie. Il nous rappelle qu’une patrie ne se fonde pas sur une confession ou une ethnie et que le patriotisme ne rime pas nécessairement avec nationalisme. [NdT].

Ceux qui s’en prennent aux Kurdes en tant que « kurdes » parce que certains de leurs dirigeants, en Syrie, ont failli à leur devoir national et ont accepté le plan ourdi par les ennemis de leur patrie syrienne, devraient se rappeler que des dizaines de milliers de Syriens, arabes, ont renoncé à ce même devoir et ont accepté ce même plan.

Pour autant, devons-nous généraliser et en accuser tous les Syriens ? Certes non !

Une telle accusation généralisée est injuste tout autant que celle qui concerne les Palestiniens en tant que « palestiniens » parce que certains de leurs dirigeants politiques, du Hamas, ont pris position contre le peuple syrien et ont rejoint le bloc ennemi de la République arabe syrienne formé par des pays occidentaux, régionaux et des « A’rabs » [voir le sens de ce terme plus loin, NdT].

Il en est de même des généralisations accusant tous les Arabes d’être contre la Syrie et les Syriens parce que leurs régimes officiels et leur Ligue « arabe » ont été le fer de lance de l’agression sauvage du terrorisme sanglant contre la Syrie.

Car il est nécessaire de toujours nous rappeler que dans cet Orient arabe, nous sommes les vrais arabes et que nous sommes enracinés dans cette terre depuis des milliers d’années, tandis que les « colonisés gardiens du gaz et du kérosène » sont des « A’rabs », non des Arabes. Ce sont ceux dont le Très Haut a dit : « Les Bédouins [Al-A’rabs dans le texte de la sourate Al-Tawbah] sont plus endurcis dans leur impiété et dans leur hypocrisie » [5].

Et puis, il y a deux autres faits que tout le monde doit savoir :

- Le commandant de l’attaque terroriste daechienne [terme dérivé de Daech] sur Aïn al-Arab est kurde et quatre cents terroristes parmi ses dawaech [pluriel du terme : membre de Daech], qui participent actuellement à l’attaque, sont kurdes.

- L’appellation « Kobané » pour désigner Aïn al-Arab n’est pas un terme kurde. C’est un terme anglais datant du temps des Britanniques et qui désignait la gare ferroviaire de la société chargée de gérer le pipeline du coin [Société : COMPANY]. Avec le temps, c’est devenu « KOBANY ».

Une dernière remarque qu’il ne nous faudrait pas oublier :

alà ad-Din al-Ayoubi [Saladin] était un Kurde syrien avant de se rendre en Égypte

Ibrahim Hanano était un Kurde syrien

Youssef al-Azmeh était un Kurde syrien

Le Cheikh Ahmed Kuftaro était un Kurde syrien

Cheikh Said Ramadan Al Bouti était un Kurde syrien

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Dr Bahjat Sleiman

in mondialisation.ca

16/10/2014

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Source : Sham Times

http://www.shaamtimes.net/news-deta...

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal



[1Syrie-Turquie : Hollande soutient l’idée d’une “zone tampon- http://www.europe1.fr/international...

[2Syrie : Le pilleur d’Alep  ! - http://www.mondialisation.ca/syrie-...

[3Les grandes puissances veulent la guerre civile en Syrie mais ne parviennent pas à l’imposer-
http://www.mondialisation.ca/les-gr...

[4Syrie et Öcalan : La citadelle des hommes libres  ! http://www.mondialisation.ca/syrie-...

[5Sourate 9 verset 97 : AL-Tawbah (le désaveu ou le repentir).
http://islamfrance.free.fr/doc/cora...