Rouiba : plus de 5000 travailleurs violemment réprimés

mardi 12 janvier 2010

Un nombre impressionnant d’éléments de forces anti-émeute a été déployé sur les grandes artères de ladite zone. Des policiers à l’entrée de la ville de Rouiba et des gendarmes devant les unités dont les travailleurs ont adhéré à la contestation. La foule, composée essentiellement des travailleurs de la SNVI a été bloquée au niveau du carrefour situé à hauteur de Mobsco. Un infranchissable mur humain de gendarmes armés de bouclier et de matraque a été dressé à ce niveau pour empêcher les travailleurs de poursuivre leur marche vers la ville de Rouiba. Des travailleurs d’autres unités de la zone ont été bloqués dans d’autres endroits. Les travailleurs d’Anabib ont été isolés dans le périmètre de leur usine à Réghaïa. Sur la route donnant sur l’autoroute, juste devant Cammo, les gendarmes ont dressé un autre barrage empêchant des centaines d’autres manifestants de rejoindre leurs camarades sur l’ex-RN5. La stratégie des forces de l’ordre consistait à diviser les travailleurs en autant de petits groupes pour pouvoir les maîtriser. Cependant, on ne s’est pas limité à exhiber ses muscles en cette cinquième journée de protestation. Les forces anti-émeute n’ont pas hésité à utiliser leurs matraques lorsqu’ils sentaient que leurs barrages risquaient de céder sous la pression des manifestants. « Malgré la répression, nous n’allons pas arrêter de manifester si les pouvoirs publics n’annoncent pas des mesures concrètes dans le sens d’améliorer notre pouvoir d’achat », nous dit-on. Comme la veille, le premier contact avec les forces antiémeute a été violent. Deux manifestants dont une femme syndicaliste ont été légèrement blessés. La dame est revenue quelques instants plus tard de l’hôpital de Rouiba avec un bandage à la main : « On m’a matraquée, mais heureusement que ce n’est qu’une entorse au niveau du doigt. » Régulièrement, les travailleurs essayaient de percer le mur humain. La barrière a failli réellement céder à plusieurs reprises, mais c’était sans compter sur les renforts stationnés quelques dizaines de mètres plus loin. A chaque signe des officiers, des dizaines de gendarmes, prêts à charger, arrivaient de la route menant à la brigade de la gendarmerie de la zone. Devant l’impossibilité de franchir le barrage, les manifestants le contournaient par les champs situés à droite de la route en allant vers Rouiba, mais ils ne sont pas parvenus à passer facilement. Cependant, quelques-uns parviendront à l’endroit où les travailleurs étaient bloqués la veille, juste à l’entrée de la ville pour tomber, encore une fois, nez à nez avec les policiers.

« L’enfer sur terre »

Entre-temps, les syndicalistes négociaient avec les officiers de la gendarmerie pour leur permettre de passer jusqu’à l’entrée de la ville. « Nous voulons revenir à l’endroit où nous nous sommes rassemblés hier, à l’entrée de la ville. Mais ils ne cèdent pas, ils veulent nous isoler ici », nous dit l’un d’eux. La colère des travailleurs n’a pas diminué d’un degré par rapport aux quatre premiers jours de la manifestation : « Nous dénonçons Sidi Saïd et son staff. Ils nous ont trahis. Nous exigeons une augmentation de salaire conséquente et le droit de partir à la retraite sans condition d’âge, conformément à la loi de 1997 », nous a-t-on répété. Les travailleurs déclarent qu’ils ne sont nullement impressionnés par le dispositif de sécurité déployé dans tout Rouiba. « Vous voyez, ils mobilisent des centaines de véhicules et des milliers de gendarmes et de policiers pour mater notre mouvement. Mais qu’ils soient sûrs que samedi encore nous serons ici, si aucune décision n’est prise par les responsables », nous a déclaré un manifestant. Tous les travailleurs sont unanimes à dénoncer la « démesure de la mobilisation des forces de sécurité ». A certains moments, on a assisté à des jets de pierre et autres objets en direction des gendarmes. « Ce sont des parties manipulées qui tentent de faire déborder notre action afin de justifier la répression », disait un animateur du mouvement. Les manifestants continuaient à scander des slogans hostiles aux pouvoirs publics et à la centrale syndicale, Sidi Saïd en particulier. « Nous travaillons dans des conditions difficiles et nous n’arrivons même pas à nourrir nos enfants. L’argent du pétrole est partagé entre les décideurs et leurs serviteurs zélés, le travailleur est voué à vivre un enfer sur terre », a-t-on ajouté. En début d’après-midi, les travailleurs se sont dispersés dans le calme, se donnant rendez-vous pour dimanche prochain.

Par K. Omar

in El Watan

08.01.10