Sit-in du personnel de Socothyd à Alger Un gréviste évacué par la Protection civile

jeudi 14 avril 2011

Images désolantes et poignantes hier au siège de la SGP chimie et pharmacie, sise à Hussein Dey (Alger). En grève de la faim depuis cinq jours, un des travailleurs de Socothyd a perdu connaissance alors qu’une de ses collègues, choquée par la scène, a été prise d’une crise de larmes et de sanglots.

La scène se passe dans la cour de l’administration et sous le regard impuissant des agents de sécurité. « Cela fait une semaine que nous tenons un piquet de grève contre le licenciement abusif de 25 travailleurs, il y a cinq ans. A l’époque, le personnel du siège de l’entreprise aux Issers avait fait un débrayage pour dénoncer la gestion de l’entreprise par le PDG, en exigeant son départ. En réaction, celui-ci a déposé plainte contre une partie du personnel accusée d’être les meneurs », explique Hassaïne Saïd, un gréviste.

Selon lui, l’action en justice a duré cinq ans, avant qu’elle ne débouche sur des décisions en faveur des travailleurs. « Mais le PDG n’a accepté de réintégrer que 19 employés sur les 25, estimant que, pour les autres, il faut attendre les pourvois en cassation qu’il a introduits auprès de la Cour suprême. Nous voulons que tout le monde soit réintégré », lance notre interlocuteur, avant d’aller au secours d’un de ses collègues, en grève de la faim, dont l’état de santé s’est gravement détérioré. « Il faut appeler une ambulance », crie un gréviste à l’adresse des agents de sécurité. Il tente quelques gestes de réanimation, mais le travailleur reste toujours inanimé. Père de famille, âgé d’une quarantaine d’années, « cela fait cinq ans qu’il n’a pas gagné un sou. Il vit de la solidarité familiale, ce qui est humiliant pour lui et ses proches », révèle un autre gréviste. Alors que l’ambulance arrive sur les lieux, des cris stridents retentissent du fond de la cour.

Prise d’un malaise, une femme d’une cinquantaine d’années pleurait et sanglotait. Elle exprimait sa colère contre l’administration avec des propos acerbes et virulents.

De leurs fenêtres, des cadres de la SGP regardent la scène

Personne ne veut s’impliquer. Les ambulanciers de la Protection civile sont pris à partie par les grévistes. « Vous devez la prendre à l’hôpital. Elle risque de faire un arrêt cardiaque », crie un employé. Toujours inconscient, le gréviste à terre est transporté dans l’ambulance. Pas de place pour la femme hystérique. Ce qui exacerbe les grévistes qui s’en prennent aux ambulanciers.
Impassibles, ces derniers quittent les lieux en laissant la victime allongée par terre et soutenue par deux de ses collègues.

« Personne ne veut nous entendre. Cela fait deux mois que nous sommes en grève au siège de l’entreprise aux Issers et aucune décision de la part des responsables n’a été prise pour régler définitivement la crise. Cinq jours depuis que nos collègues observent une grève de la faim, et aucune autorité, même pas les responsables de la SGP, ne se soucie de leur état de santé. Nous tenons l’opinion publique à témoin. Des pères de famille sont livrés au chômage juste parce qu’ils ont défendu leur droit à une grève. C’est cela le respect des libertés syndicales ? » s’exclame un autre gréviste.

En attendant une solution de la part des responsables, le personnel de Socothyd continue de se battre seul pour son gagne-pain.

Salima Tlemçani

Repris d’El Watan du 13 avril 2011