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Subvention des produits alimentaires : comment les « créateurs de richesses » détournent les richesses du pays

lundi 25 janvier 2016, par Alger republicain

L’actuel ministre de l’agriculture, au look sympathique et moderne, a la faveur des médias. Aucune critique, bien au contraire, que des compliments sur les orientations politiques qu’il défend sur un terrain qu’il occupe en permanence … Et pourtant, avant lui aucun ministre n’avait jamais été aussi loin dans des propositions réactionnaires affichées sans complexe. Il sait les violations dont ont été l’objet toutes les lois foncières adoptées :

- depuis la loi de 1987 qui a disloqué les « domaines agricoles socialistes », dispersant leurs actifs physiques et matériels, ruinant en grande partie les collectifs constitués depuis l’autogestion. Et ceci dans le seul objectif de favoriser l’accaparement de leurs terres par une bourgeoisie qui n’avait jamais perdu l’espoir de mettre la main sur les terres des colons nationalisées en 1963 ;

 en passant par la loi foncière de 1990, dont on n’a retenu et appliqué scrupuleusement que deux articles-clé, art.75 et 76 sur les 89 qu’en comptait la loi. Ce sont les articles ordonnant la restitution des terres aux propriétaires touchés par les nationalisations dans le cadre de la Révolution agraire de 1971 ;

 jusqu’à enfin la loi d’août 2010 sur les concessions dont le pouvoir interprète de façon très élastique deux articles pour permettre l’accaparement des terres publiques (celles des Exploitations agricoles collectives et individuelles EAC/EAI ou des fermes pilotes) sous prétexte d’encourager les investissements privés … En se permettant de transgresser, bien au-delà, les plafonds que le pouvoir avait pourtant lui-même définis dans sa loi (pas plus de 200 ha en sec ou 10 ha en irrigué), le ministre invite la bourgeoisie à acquérir des terres données en concession au prétexte que les bénéficiaires actuels « ne travaillent pas ». Tout le monde sait que si les petits paysans n’arrivent pas à intensifier et à améliorer les conditions d’exploitation de leurs terres, c’est parce qu’ils sont privés de ressources financières. Celles-ci sont, à travers un système de crédits discriminatoire, abondamment prodiguées aux riches et autres amis "bien placés" dont la spécialité est de guetter le moment propice pour revendre les terres ou les transformer en assiettes foncières à bâtir.

L’offensive anti-sociale du pouvoir contre les masses populaires est bien là aussi … Elle a lieu avec l’assentiment des médias privés et publics. Et comme il y a trente ans - la crise de 1986/87 provoquée par l’incurie du régime avait préparé l’offensive libérale et l’intervention du FMI - la nouvelle crise financière et budgétaire de l’Etat en est une fois encore l’alibi ... Il faut que l’Etat se dessaisisse de ses entreprises, de ses terres, de ses fonctions de régulation économique et de protection du pouvoir d’achat des plus démunis, etc. Voilà ce que nous ressassent les plumitifs.

La dernière sortie du ministre de l’Agriculture nous promet l’autosuffisance en blé dur et en viandes rouges à l’horizon de l’année 2019. Cela nous laisse rêveur et pose la question de savoir par quel moyen compte-t-il y arriver ? Mais au-delà de cette interrogation, cet objectif permet de faire le lien avec la question des produits de base.
En fait, s’il y a gaspillage, détournement de ressources publiques et de subventions c’est bien vers des pratiques mafieuses de nos prétendus « créateurs de richesses » qu’il faut se tourner.

Deux ou trois pratiques parfois timidement dénoncées illustrent ces pratiques mafieuses.

1. L’Etat, comme on le sait importe entre 8 et 10 millions de tonnes de céréales (la moitié blés et l’autre moitié en céréales secondaires pour l’alimentation animale). Cela coûte plus de 5 milliards de dollars. Le secteur privé de l’élevage profite à lui seul de ces importations afin de nourrir soit les vaches laitières, soit alimenter les élevages de poulets, de dinde, d’ovins ou de bovins à destination viandes. Les prix des viandes sont comme on le sait libres sur les marchés. On connaît donc les plus-values réalisées dans ce secteur de l’élevage grâce aux importations.

2. La filière de la transformation des céréales compte près de 500 opérateurs ou « créateurs de richesses » comme on se plaît à les appeler dans la presse. Certains se livrent à la revente de leurs quotas de blés ou d’orges importés à des producteurs de céréales. Ces derniers vont alors à leur tour les revendre, lorsque la campagne céréalière est ouverte, à l’OAIC et autres CCLS. Admirons l’esprit d’initiative et les tours de passe passe de nos « créateurs de richesses » : les produits importés aux prix de production fixés par l’Etat (4 500 DA le quintal pour le blé dur, 3 500 DA pour le blé tendre, 2 500 DA pour l’orge), bien supérieurs aux prix internationaux ! Rentabilité financière garantie par rapport au secteur public.

3. Dernière pratique : les transformateurs de blés manipulent les taux d’extraction à leur guise. Il faut en effet savoir que l’on produit de la farine en séparant les différentes parties du grain. A partir d’un grain de céréales, le « meunier » peut extraire plus ou moins de farine selon qu’il conserve uniquement l’amande ou qu’il prélève également des fragments d’enveloppe, appelée son. Dans le cas du blé, le taux d’extraction varie de 70 à 98% suivant le type de farine. Les machines sont généralement réglées pour obtenir un taux d’extraction faible afin de produire du son écoulé sur un marché libre qui rapporte beaucoup d’argent sans trop se fatiguer. En d’autres termes, on joue sur la subvention pour se faire du profit. Voilà donc comment le secteur privé détourne les subventions occasionnant des dépenses d’importation qui pèsent lourdement sur les budgets de l’Etat.

Avant de chercher à établir la liste des "deux millions de nécessiteux" qui seuls devraient mériter une aide de l’Etat, à écouter le ministre des Finances, que le gouvernement commence par mettre de l’ordre parmi les 500 minotiers et ceux auxquels il a bradé les fermes pilotes de la nation !

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SID ALI

25.01.16