Terreur obscurantiste en Algérie : Madame Leila Aslaoui n’abdique pas

lundi 20 octobre 2014

Extraits de l’hommage qu’elle a rendu à son époux dans le Soir d’Algérie du 16 octobre 2014.

« Le 17 octobre 1994 à 15h30, le terrorisme islamiste assassina, à l’arme blanche, à l’intérieur de son cabinet dentaire (sis 2 rue Bab-Azzoun Alger), le docteur Mohamed-Rédha Aslaoui à l’âge de 53 ans. »

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Cher époux et cher ami,

Vingt ans mon ami. Vingt ans et c’est hier. Vingt ans que notre fils et moi supportons ton absence. Ce manque que tu as laissé dans nos vies et qui ne sera jamais comblé.

Vingt ans que je me dis chaque jour qu’il n’y aura plus des « encore » avec toi et qu’il n’y a que des « jamais plus ». Plus rien comme avant. Rien de rien. Pourtant, je me suis jurée, jour après jour, de ne pas faire plaisir à tes assassins dont la jubilation n’est pas seulement de tuer les victimes mais d’anéantir les vivants. Alors, jour après jour, j’ai serré les dents, je me suis relevée en me rappelant ce que ma mère (Allah yarhamha) m’avait appris : « N’est pas tombé celui qui fait une chute et sait se relever. »

[…]

Qu’ils sachent, les barbares islamistes, que je me souviens de tout. Absolument tout. Nos jours heureux et tout ce que nous avons partagé. Je me souviens aussi des instants où j’ai failli sombrer dans la folie lorsqu’on m’annonça ton assassinat. Je me dis : « Il est dans le coma... il est vivant. J’espère... j’espère et je suis loin d’Alger. Il va être tiré de là . Nous allons nous parler dans quelques heures... Un sursis... juste un sursis... » J’ai feint de ne pas comprendre qu’ils étaient cinq monstres contre un homme désarmé et qu’ils s’acharnèrent sur ton corps : seize coups de couteau. Impossible pour toi de lutter contre eux.

[…]

J’ai perdu une partie de moi-même et c’est dur. Plus dur pourtant, fut de supporter souvent stoïquement les inepties des uns ou des autres : « La vie continue »... « la vie reprend ses droits ». « Il faut tourner la page ». La pire des insanités fut celle d’entendre : « C’est le mektoub. » Mektoub : Non et mille fois non. Mortels nous le sommes tous. Ce n’est pas une fatalité, mais une simple loi de dame nature. Mais jamais au grand jamais mon cher Rédha pas plus toi que toutes les autres victimes du terrorisme n’avez mérité de mourir assassinés par une horde de criminels prêts à détruire l’Algérie de Novembre. L’islamisme est une idéologie totalitaire et comme telle, il s’impose par la terreur, la kalachnikov, l’arme blanche et les bombes.Où est donc la place du prétendu mektoub dont on m’a réchauffé les oreilles durant vingt ans à A moins que le mektoub ne serait que la justification du crime le plus odieux ! Cela signifiait-il qu’il nous fallait au nom d’un prétendu « mektoub » notre fils et moi-même accepter une mort aussi inacceptable qu’inadmissible parce que injuste ? Non et mille fois non.
Trop injuste ce « mektoub » auquel je ne crois absolument pas. L’autre niaiserie que j’eus à subir tout au long de ces vingt années fut d’entendre :
Pourquoi l’a-t-on assassiné ? Qu’a-t-il fait ? » Affligeants que ces propos ! Un bébé a-t-il des opinions ? Non, me répondrait-on. Pour autant la barbarie islamiste n’a-t-elle pas maintes fois éventré des mères enceintes et brûlé leurs bébés ? Les bombes islamistes n’ont-elles pas déchiqueté des innocents qui, hélas, se trouvèrent au mauvais endroit ? La barbarie terroriste n’a-t-elle pas assassiné indistinctement des amis chrétiens résidant en Algérie — algériens de surcroît pour la plupart — des imams musulmans, des femmes, des hommes, des enfants ? Et si l’on pose la question stupide pourquoi eux ? La réponse est vite trouvée : il n’y en a pas. Lorsqu’on n’établit plus de différence entre le coupable et l’innocent, ou entre l’assassin et la victime, c’est le terrorisme islamiste qui est victorieux. Non, mon cher Rédha, pas plus toi que les autres victimes du terrorisme ne fûtes coupables.Pour ta part, amoureux de tes livres, de ta musique et passionné de cinéma, comment pouvais-tu ressembler à tes tueurs ? Eux seuls sont coupables.

Récemment, après l’horrible assassinat d’un ressortissant français, Hervé Gourdel, le président de la République française, François Hollande, déclarait : « Hervé Gourdel a été assassiné parce qu’il était français. » Durant les années sanglantes, de terrible solitude où nous nous battions seuls contre la bête immonde nous n’avons pas dit plus que Monsieur Hollande.Nous disions nous aussi que les chrétiens étaient assassinés parce qu’ils étaient chrétiens, les journalistes parce qu’ils étaient journalistes, les policiers et les militaires parce qu’ils étaient forces de sécurité, les femmes parce qu’elles étaient femmes.

Nous n’avons pas été écoutés, pas même entendus. Et lorsqu’on daignait nous prêter de temps à autre une oreille à peine attentive l’on nous disait : « Qui tue qui ? » « pays à feu et à sang », « guerre civile » (une guerre entre des populations désarmées et des groupes armés islamistes est-elle une guerre civile ?). Sans doute avec ce monstre qu’est Daesh, l’heure aujourd’hui n’est pas aux reproches. Je suis consciente de cela. Mais vois-tu, mon cher Rédha, la terrible injustice faite à vos mémoires et à votre droit d’être reconnus comme victimes « de la barbarie la plus odieuse » (Laurent Fabius) fut votre autre assassinat [1]

Aujourd’hui, l’Europe et les USA, en état de sidération, « découvrent » des djihadistes ayant perdu toute humanité. Puissent toutes les forces du monde s’unir pour anéantir la barbarie islamiste là où elle se trouve. Il n’y a rien à attendre de ceux dont les deux motivations sont :

L’intolérance et le rejet de l’autre lorsqu’il ne leur ressemble pas. Encore faut-il aujourd’hui, mon cher Rédha, qu’on ne se trompe plus de cible et de combat. L’armée algérienne, au péril de sa vie, est allée, depuis des jours et des jours, débusquer les assassins d’Hervé Gourdel, « paix à son âme ». Alors le « qui-tue-qui ? » et l’urticaire récurrente de Patrick Baudoin et consorts contre les généraux algériens et les forces de sécurité en général, sont passés de mode. Du moins, faut-il l’espérer.

Mon très cher Rédha, que tes assassins, amnistiés et pardonnés, sachent qu’ils peuvent se promener en toute liberté dans la cité grâce à la « charte de l’impunité » appelée charte de réconciliation nationale. Aucun texte de loi ne peut imposer l’amour entre des hommes qui ne se ressemblent jamais quand bien même ils vivent dans le même pays. La main tachée de sang même javelisée au nom du « pardon » décrété demeurera éternellement celle qui a égorgé.
[…]
Une chose est sûre, mon très cher Rédha, en cette vingtième année, pour moi hier, aujourd’hui, demain, je te refais le serment de ne jamais pardonner les crimes commis par la barbarie terroriste.

Je te fais le serment de ne jamais m’asseoir aux côtés de ceux qui, fidèles à leur idéologie obscurantiste, ne se lèvent pas lorsque résonne l’hymne national. Celui pour lequel Si Larbi Ben M’hidi a offert sa vie et sa jeunesse. Ils le font en toute impunité et sans que « dame démocratie », présente pourtant au moment des faits, se montre le moins du monde choquée. De compromis en compromis, mon cher époux, avec le kamiss et la barbe, où va-t-on ou plutôt où ira-t-on ? Que recherche « dame démocratie » en quête de câlins dans la barbe islamiste ? Mon cher Rédha, j’honorerai ta mémoire jusqu’à mon dernier souffle car en sus d’être ton épouse, je suis fière d’être l’épouse d’une victime du terrorisme islamiste."

in Le Soir d’Algérie

16.10.14


[1Note de la rédaction d’Alger républicain :

On ne peut, évidemment, accorder aucun crédit aux appréciations de Fabius et de ses amis sur la «  barbarie  » de Daech. Ce sont des propos hypocrites. Ils feignent de la découvrir depuis que ces hordes obscurantistes se sont mises à égorger des otages européens. Fabius et ses amis les ont encouragées moralement, politiquement et matériellement en Libye et en Syrie. Le même personnage n’a pas hésité à clamer l’an dernier que Assad qui les empêche d’instaurer un régime théocratique dans l’unique pays arabe laïque, «  ne méritait pas de vivre  ». Qui peut oublier le rôle des socialistes français dans la propagande tendant à blanchir les obscurantistes de leurs crimes durant les années 1990, à leur trouver une certaine légitimité, à répandre le fameux «  qui-tue-qui  ?  » pour détruire la nation algérienne en les aidant à s’emparer du pouvoir  ? Qui peut oublier que l’abject BHL, propagandiste de l’OTAN à Benghazi, volant au secours des intégristes révoltés contre le régime libyen, s’est vanté d’avoir servi d’intermédiaire pour livrer des instruments de télécommunication sophistiqués aux intégristes afghans  ?

En tant que serviteurs de l’ordre impérialiste, Fabius et ses amis ont besoin des fascistes de toutes couleurs, et de tous les pays, dans les pays arabes, en Afrique, en Ukraine, en Chine, au Venezuela, ou ailleurs, pour se donner les prétextes à leurs ingérences afin de maintenir les privilèges de la bourgeoisie oligarchique. Agiter la menace «  islamiste  » pour perpétuer leur domination sur les richesses des peuples, installer des régimes dociles, si l’on n’a pas compris ces véritables ressorts de leurs mensonges et de leurs manœuvres, on ne peut comprendre le caractère apparemment tortueux de leurs liens avec l’obscurantisme drapé sous le voile de l’Islam. Pour Fabius et compagnie, il y a de «  bons barbares  » et de «  mauvais barbares  ». Les bons sont évidemment ceux qui ont pendu le révolutionnaire afghan Nadjiboullah, ont lynché El Kaddafi. Ceux qui égorgent par milliers les citoyens syriens, civils ou militaires, chrétiens ou musulmans, ceux qui apprennent à un gamin de 10 ans comment décapiter un militaire syrien capturé et porter sa tête en trophée.

Les intégristes de Daech et de Djebhat en Nosra, sont des «  démocrates  » en lutte pour la liberté, nous assuraient-ils il n’y a pas longtemps. Ils ont droit à des armes à profusion, à des gilets pare-balles, des lunettes de visée nocturne, des téléphones satellitaires, dans leur guerre contre le régime «  despotique  » syrien. Les régimes monarchiques moyenâgeux de l’Arabie Saoudite et de Qatar, sont eux aussi du bon côté de la barricade, celui des «  bons barbares  », voire des islamistes «  modérés  ». Mais Daech et Djebhat en Nosra deviennent subitement de «  mauvais barbares  » à partir du moment où l’ivresse des succès permis par la duplicité tactique des pays impérialistes leur fait croire qu’ils peuvent couper la main qui les a généreusement nourris, diffuser sur internet la scène de la décapitation des agents en service commandé en Irak ou en Syrie. On ne peut absolument pas compter sur une quelconque contribution des régimes impérialistes à la lutte contre l’obscurantisme. Tout ce qu’ils prétendent faire pour le contrer est un piège mortel pour les peuples, un macabre rideau de fumée pour masquer leurs véritables objectifs de mise en esclavage des peuples au profit de la bourgeoisie ploutocratique. L’assassinat de Gourdel sera utilisé un jour ou l’autre par les dirigeants français, socialistes ou de droite, pour justifier leurs ingérences en Algérie sous prétexte de son «  incapacité  » de participer à la «  guerre planétaire  » contre ce qu’ils nomment «  l’Etat islamique  ».