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Une affaire de maillot qui flotte

samedi 2 septembre 2017, par Alger républicain

Il y a une affaire de maillot qui flotte dans l’air malsain de la bonne bigoterie algérienne. En effet, les Algériennes, indépendantes cependant depuis 1962, le 5 juillet plus exactement après avoir donné du sang, des larmes, des enfants et des paniers de nourriture et beaucoup de sacrifices pour que l’Algérie soit un pays de liberté, de tolérance et d’égalité pour tous dans les droits comme cela fut pour les devoirs, se voient aujourd’hui interdire de porter le maillot à la plage au nom de la liberté d’oppresser dont s’affuble actuellement une pratique religieuse (?) surnommée islam.

Les travailleuses, les mères de famille qui voudraient un peu rafraîchir leurs journées de canicule ne peuvent plus se mettre en maillot pour prendre un bain que dans des plages dites « privées » qui sont payantes et chères. Quelle ouvrière peut se payer une journée de plage à 1000 DA l’entrée, 350 DA une glace ? etc. Quels mère et père de famille, quel ouvrier peuvent penser à emmener leurs enfants à la plage ou même à la montagne pour y passer une journée quand le quotidien n’est pas assuré avec certitude ? Qui parle d’ailleurs de plage pour ces gens-là ?
Et moi, ancien cadre supérieur avec une misérable retraite de 18.000 DA à laquelle personne ne pense, comment je peux penser à aller prendre des vacances dans une plage privée ?

Aujourd’hui j’ai décidé d’être une femme et je me souviens que dans les années 70, nous allions à la plage, nous nagions et nous riions sans crainte. Les femmes allaient seules parfois aux plages du Figuier ou de Zemmouri, elles prenaient normalement le car pour y aller et les gens étaient respectueux. Ils connaissaient l’islam et ses principes même s’ils ne fréquentaient pas les lieux de culte mais surtout leur lieu de travail. Et selon les normes que l’on nous a enseignées, un musulman ne devait pas se laisser aller à des pensées malsaines. Aujourd’hui, on traite la femme comme un suppôt de Satan et si elle veut juste se détendre, on la traite de fille perdue.

Face à tous ces interdits répandus sur le sable et sur nos vies, les pouvoirs publics sont totalement absents et n’apparaissent pas du tout pour rappeler l’ordre et la loi. Non, ce sont des incultes se clamant représentants de la piété juste qui font la loi et ordonnent ou interdisent au citoyen ce qu’il convient de faire au nom d’un islam new-look à l’Algérienne.

Vu la chute vertigineuse des rentrées pétrolières et vu que l’affaire de maillot a ému les uns et les autres, il a été opportun d’occuper le peuple et de le noyer dans un maillot de bain afin qu’il ne puisse pas voir les jours sombres qui approchent où on lui demandera encore de se sacrifier et accepter de gagner moins pour rembourser ce qui a été détourné à son insu par ceux qui passent leurs vacances avec leurs enfants dans de belles maisons au bord de plages luxueuses à l’étranger payées avec l’argent du pétrole, quand ce n’est pas à bord d’un yatch acheté à 20 millions d’euros avec l’argent de la surfacturation du blé importé.

Depuis quand des faiseurs d’ordre autoproclamés et encouragés font gaiement la loi et le désordre sur un peuple fatigué et las de devoir faire face à tant d’impéritie qui le déshérite de toute considération ?

Qui parle encore de maillot ?

Baya Nouar
25.08.17