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Venezuela : Allaitement maternel : ces titres qui font frémir

mardi 27 août 2013

Allaitement -

Les femmes bientôt obligées d’allaiter au Venezuela ? (Le Figaro)

Le Venezuela veut interdire les biberons et forcer à l’allaitement (Le Point)

Allaitement : le Venezuela songe à interdire le biberon (Metronews)

Venezuela : une députée veut obliger les femmes à allaiter (Elle)

L’allaitement bientôt obligatoire au Venezuela ? (Marie-Claire)

Les Vénézuéliennes, bientôt forcées d’allaiter leur bébé ? (Famili)

Allaitement forcé pour toutes les femmes au Venezuela ? (Terrafemina)

Venezuela : les femmes forcées à allaiter ? (Magicmaman)

Et je pourrais continuer d’énumérer, tant ils sont nombreux et presque tous de la même veine, les titres de presse à propos d’un récent projet de réforme de la loi de promotion et protection de l’allaitement maternel de 2007.

L’objet n’est pas tant ici d’analyser en détail le contenu de la loi que d’examiner comment la presse internationale –et francophone en particulier– en rend compte. Certains –Le Figaro en tête– ne se donnent même pas la peine de placer un signe d’interrogation en fin de titre, alors qu’il ne s’agit encore que d’un projet de loi. D’autres ont tout de même la décence de mettre le titre au conditionnel, tout en oubliant quelquefois ce conditionnel dans leurs commentaires.

De quoi s’agit-il ? D’un projet de loi qui vient renforcer une loi existante destinée à promouvoir l’allaitement maternel au Venezuela. Si on prend la peine de lire le texte, on se rendra compte qu’il n’est nulle part question d’obliger les mères à allaiter, comme semblent vouloir le signifier la plupart des articles incriminés.

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Série de mesures

Ce qui est en jeu, c’est le renforcement de l’incitation à allaiter par le biais d’une série de mesures : information des futurs parents sur les bienfaits de l’allaitement maternel par rapport aux alternatives "industrielles" (bienfaits que, soit dit en passant, personne ne remet en cause) ; obligation pour les centres de santé publics et privés de promouvoir l’allaitement maternel et prohibition de donner au nouveau-né d’autres formules, sauf sur indication médicale ; réglementation des étiquetages et interdiction de la promotion et la publicité pour les substituts au lait maternel, etc.

Il s’agit en quelque sorte de l’inscription dans la législation vénézuélienne des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. On peut certes s’étonner de lire dans le texte du projet de loi que "l’allaitement maternel est une politique d’État, iniciative humaniste qui vise à garantir la vie et la santé des enfants et des mères". Les termes de "politique d’État" gênent bien entendu les partisans du libéralisme à tout crin (dont les membres de l’opposition anti-chaviste) qui ne se sont pas privé de le dire. Mais le contexte explique aussi bien des choses.

Portée et enjeux

Il faut en effet connaître les réalités vénézuéliennes pour se rendre compte de la portée et des enjeux de cette politique qui se veut "d’État" : au Venezuela, selon les chiffres du ministère de la Santé, seulement 29 % des mères allaitent leur bébé, contre 69 % en France et 98 % en Norvège. Les causes de ce pourcentage extrêmement bas sont multiples :

 Une médecine presque toute entière gagnée par le pragmatisme, la facilité et le goût du gain, et ce dès le temps de formation universitaire. Pour preuve, dans un domaine connexe, le taux de naissance par césarienne est de 30 % dans le pays, soit deux fois plus que la moyenne mondiale, avec une pointe de 80 % dans le secteur privé ! De même, il est plus pratique et rémunérateur pour une clinique de proposer des substituts en lieu et place du lait maternel.

 La (fausse) image de modernité que véhiculent les produits de substitution au lait maternel, grâce entre autres à la promotion qui en est faite.

 Une aliénation quasi générale au modèle nord-américain dominant.

Pour le ministère de la Santé, il convient donc, au moyen de la loi, d’effectuer un rattrapage afin d’atteindre, d’ici 2016, le taux de 70 % de mères allaitant leur bébé. Que cela ne plaise pas aux multinationales qui commercialisent les substituts au lait maternel et autres accessoires tels que biberons ou tétines, ainsi qu’aux médecins privés qui s’en font les promoteurs locaux, c’est de bonne guerre…

Haro sur la bête

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En définitive, le projet de loi justifie-t-il les titres abusifs, racoleurs et frauduleux dont nous a abreuvé la presse internationale ? Sans doute pas. La Suède a un projet de loi qui va dans le même sens et nul n’en a entendu parler. Mais n’oublions pas que, dans notre cas, les journalistes avaient affaire au Venezuela, un pays qui n’est pas loin, dans l’imaginaire politico-médiatique occidental, d’être une "dictature", voire un "pays voyou", aux côtés de l’Iran, de la Syrie de Bachar El Assad et de la Corée du Nord.

Alors, haro sur la bête, l’occasion étant trop belle de ne pas en remettre une couche ! Et cela a fonctionné, si l’on en juge par le nombre d’articles sur le sujet et les milliers de réactions, féminines surtout, sous forme de commentaires sur les réseaux sociaux : le Venezuela est à nouveau stigmatisé, l’objectif est atteint.

Rendons tout de même justice à deux journalistes qui ne sont pas tombés dans le panneau : David Ramasseul dans Paris Match (surprise !), avec son article Les biberons de la discorde : retour sur une polémique, une présentation honnête du projet de loi, en tenant compte du contexte vénézuélien ; et Stanislas Kraland dans le Huffington Post, qui profite de l’occasion pour poser la question Allaitement maternel : faut-il vraiment interdire le biberon ? et entame ainsi un débat plus général –et bienvenu– sur le sujet.

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J.-L C.

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