Venezuela : La troisième phase de violence

vendredi 16 juin 2017

Nous sommes au début de la troisième phase de violence. La première s’est déroulée du début du mois d’avril au 20. Jusqu’à cette date, il s’agissait du cadre classique des guarimbas, semblables à celles de 2014 : concentrées dans l’est de Caracas avec une puissante architecture médiatique et un éventail de méthodes déjà tragiquement connu : cocktails Molotov, câbles barbelés, pierres, barricades, armes légères à l’occasion.

Du 20 avril à la semaine dernière, le scénario a changé et on est entré dans la deuxième phase. Le point de rupture a été l’attaque à El Valle qui a marqué la première incursion violente dans les bidonvilles dirigée par des groupes armés. Les jours suivants, des contrôles temporaires de territoires ont commencé – d’1 jour à 1 semaine – et des assauts contre des casernes de l’armée et des postes de police. Dans l’état de Barinas, 8 postes ont été attaqués en 1 jour. Cette tactique a été déployée dans certains points emblématiques : Valencia, Barinas, Socopó, La Grita, San Antonio de los Altos, Los Teques, San Cristóbal. Ces semaines ont eu comme signe distinctif non seulement la terreur sur le territoire mais aussi l’augmentation du nombre quotidien de morts. Il s’agissait d’une phase destinée à faire la preuve de ses forces propres, de la capacité du Gouvernement, des forces de sécurité, du chavisme à répondre. De là sont sortis des bilans, des conclusions, des leçons.

Cette semaine a commencé la troisième phase. Sa marque distinctive : le déplacement du front de guerre vers l’ouest de Caracas pour se rapprocher du Palais présidentiel dans un double but.

Le premier, symbolique : montrer la proximité de l’objectif final, le siège du pouvoir central, pour obtenir un effet moral après des semaines d’usure et de difficultés pour obtenir des manifestations de masse. La Candelaria a été indiqué sur les réseaux sociaux comme un exemple à multiplier comme l’avaient été les semaines précédentes les actions à Táchira.
Le second objectif, militaire, était le déploiement près de Miraflores de groupes de combat grâce auxquels on pourrait tenter des actions de plus grande envergure.

Samedi, dans la soirée et dans la nuit, c’était la troisième journée consécutive d’avancées : des guarimbas à plusieurs endroits entre la Place de La Candelaria et l’Avenue de l’ Université, sur une longueur d’environ 3 pâtés de maisons. Dans chaque foyer, un groupe de 10 personnes ou plus, cagoulés, avec des objets ou des ordures ont pris feu, des armes, un schéma de résistance soutenu par une partie des voisins aussi bien en tant que base mobilisée dans la rue – des spectateurs et parfois des participants directs se joignant aux barricades – qu’en tant qu’attaquants directs depuis les immeubles.

Samedi dans la nuit, il y a eu un élément distinctif : de l’autre côté des guarimbas, sur l’Avenue de l’ Université, un grand nombre de chavistes se sont réunis : des femmes, des jeunes, des adultes, qui ont été appelés sur les réseaux et dans la rue « ceux de la Mission Logement. » Le message de ceux qui se sont réunis était clair : ils ne passeront pas ! Je reste avec Maduro et leur but était de montrer leur soutien publiquement, leur disposition à ne pas laisser La Candelaria devenir un territoire de guarimbas, un front de bataille dans l’avancée de la droite vers Miraflores. Les réponses depuis les immeuble sont été immédiates : on leur a lancé des bouteilles, de la glace, ont leur a tiré dessus. Les rues se sont remplies d’explosions, de fumée, de barricades, de détonations d’armes à feu.

Les heures passant et les forces de sécurité de l’Etat s’étant déployées, les barricades ont été changées d’endroit et transportées de l’autre côté de l’Avenue Urdaneta, toujours avec le soutien actif des personnes dans les immeubles et sur Twitter.

Comment les forces de sécurité de l’Etat doivent-elles affronter des groupes armés irréguliers ?

La troisième phase de violence, qui cherche à provoquer plusieurs foyers comme La Candelaria, ont aussi d’autres caractéristiques. L’une d’entre elles est l’augmentation du contrôle de l’information. L’accès aux mobilisations de la droite a été fermé aux journalistes qui ne répondent pas à sa stratégie. Ils l’ont fait savoir indirectement – avec le lynchage de ceux qui sont suspectés d’être chavistes au cours de leurs mobilisations – et directement avec l’attaque par armes à feu de journalistes lundi dernier dans la matinée, attaque lors de laquelle une reporter de Telesur a été blessée. Ceux qui couvrent les activités de la droite et ne sont pas proches de sa politique sont en danger de mort. Cela leur permet non seulement de gérer la totalité du schéma sur les réseaux sociaux et dans les médias internationaux mais aussi de construire des scénarios politiques et médiatiques comme celui de la mort de Neomar Lander. Ce cas est exemplaire : ils ont transformé en martyre un jeune de 17 ans mort par la faute d’un engin explosif mal manipulé. Selon la droite, il a été assassiné par la Garde Nationale. Sa base sociale est convaincue qu’il en a été ainsi comme elle croit que chaque mort depuis le début d’avril a été l’œuvre du Gouvernement.

Neomar, comme La Candelaria, joue un rôle symbolique : il inocule plus de haine, de rancœur, de désir de tuer n’importe quel chaviste, le Gouvernement. Comme le jeune – accompagné d’une campagne médiatique qui semblait préparée d’avance – se renforce l’idée que tout est valable, même nécessaire, pour renverser la « dictature. »

Ce sont des signes de la mise en place de la troisième phase. Elle se réalise après 2 mois d’essai des mouvements armés, de nettoyage par le feu contre les forces de sécurité, de préparation des différents niveaux d’affrontements de rue. Les indices signalent que cela ira en augmentant dans un but politique : empêcher la mise en place de l’Assemblée Nationale Constituante. Pour cela, ils comptent sur la dimension légitime ou juridique dirigée par la Procureure Générale de la République et sur a violence. Il pourrait avoir, dans ce plan, une spirale ascendante à mesure que passent les semaines pour déboucher sur une expansion et une combinaison des formes de violence et de terreur qui empêchent la réalisation du vote. Ce sera le but. Ou qui affecte directement le vote en provoquant une faible participation qui porte préjudice à cette élection.

Il ne serait pas surprenant alors que dans les prochains jours, la tentative symbolique et militaire de se rapprocher du Palais de Miraflores, de déplacer les groupes de choc vers les quartiers populaires de Caracas – comme cela s’est déjà passé – avec une réédition plus forte des journées de violence à l’intérieur du pays se renforce. Il s’agirait d’une combinaison de toutes les formes de lutte en une même phase.

Les questions sont : de combien d’hommes et de femmes armés et entraînés disposent-ils pour faire avancer leurs actions ? Quelle capacité d’attaque conjointe ont-ils ? Y a-t-il un impact important de l’invisible, de la rumeur, de la spéculation ? Est-ce une guerre qui travaille sur le psychologique et l’émotionnel ? C’est pourquoi la présence de chavistes qui se sont convoqués eux-mêmes dans la nuit de samedi peut être une bonne nouvelle : c’est la réponse active face à la tentative de déploiement de leurs groupes de choc dans l’est de Caracas. La droite, pour sa part, toujours avec tout son arsenal de communication, n’a pas atteint l’objectif essentiel de faire se joindre les secteurs populaires à leurs appels politiques. Elle a obtenu sa participation à certaines journées de pillage comme à Barinas.

Le cadre est complexe. Nous sommes dans une guerre aux contours flous, aux frontières qui se dissolvent. La comprendre est une nécessité. Elle est devant nous.

Publié le 13 Juin 2017 par Bolivar Infos
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

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