Premier mai 2014 : Sous le signe des luttes indissolublement liées

jeudi 1er mai 2014
par  Alger republicain

pour la défense de la souveraineté du pays,

pour de vraies libertés démocratiques,

pour les droits sociaux des travailleurs,

pour le socialisme

Ce premier mai, comme les précédents depuis 23 ans, sera malheureusement célébré en petits groupes, hors du bruissement des grandes avenues du pays et de ces grands centres industriels où bat le cœur de la classe ouvrière au rythme des machines et du travail qui les fait mouvoir.

Livrées au bon vouloir des patrons, désespérées par des lendemains sans perspective dans l’état actuel de leur inorganisation et de leur émiettement, les nouvelles générations ouvrières n’en font pas moins leur premiers pas dans la lutte contre leurs exploiteurs soutenus par l’État. Elles apprennent à combattre un ennemi de classe, national et étranger. Cet ennemi implacable a pour lui l’arsenal des lois et des pièges juridiques mis au point en 1990 par les « réformateurs » pour étouffer les luttes ouvrières. Depuis et sous l’empire de ces lois anti-grèves, les travailleurs se retrouvent pieds et poings liés face à des patrons totalement délivrés des règlements « socialistes » qui protégeaient leurs employés de leur cupidité.

Combien sont admirables ces jeunes syndicalistes démunis mais animés par une foi sans limite dans la justesse de leur cause face à l’armée adverse coalisée du patronat, des inspecteurs du travail, de la justice, de la police et des représentants du gouvernement !

Comment ne pas saluer avec émotion les 16 grévistes de la faim de la cimenterie de Oggaz, à Mascara, rassemblés depuis quelques jours face au siège de Lafarge, à Bab Ezzouar ? Comment ne pas les soutenir pour dire aux patrons de la multinationale qu’ils ne peuvent pas bafouer les droits du travailleur et piétiner impunément le drapeau du million de chouhadas ?

Comment ne pas dénoncer la complicité de l’UGTA avec les patrons ? Syndicat du pouvoir, l’UGTA, n’a plus de syndicat que le nom, à supposer qu’elle l’ait jamais été. L’appareil central de UGTA a achevé son évolution en devenant purement et simplement le rouage d’un régime qui exprime les intérêts de la bourgeoisie et des couches privilégiées de la société.

Le régime qui avait déjà amorcé depuis au moins 1987 le virage en grand vers le capitalisme était à la recherche du bon prétexte pour jeter aux oubliettes la tradition des marches du premier mai. Ce prétexte, le terrorisme des groupes obscurantistes camouflés sous la bannière de la religion pour tromper le peuple le lui a donné. Du coup, en exploitant la peur des attentats à la bombe, le pouvoir a interdit ou empêché les marches, toutes les marches qui ne lui convenaient pas, et d’abord celle du premier mai. il avait trouvé l’alibi parfait pour enlever aux travailleurs ce repère qui fait leur identité de classe dans leur combat planétaire contre le capitalisme. Ainsi croit-il pouvoir déboussoler la nouvelle génération d’ouvriers que sa politique a livrée aux appétits féroces des exploiteurs « autochtones » et étrangers.

Ruse suprême du pouvoir pour divertir la jeunesse et l’occuper par d’autres sujets que sa détresse sociale : il a décidé depuis quelques années que la Coupe de foot-ball se joue le 1er mai ! Qu’on imagine la fièvre qui s’empare de centaines de milliers de supporters durant les jours et les semaines qui précèdent cet événement ! Qui peut dans une telle atmosphère d’excitation extrême susciter la discussion au sein des travailleurs sur le rôle qu’ils doivent jouer pour sauver le pays de la dérive ?

Or, la situation du pays demeure dangereuse.

Le régime a exhibé un air de triomphe artificiel à l’issue de l’élection présidentielle du 17 avril. Mais il a subi un échec qu’aucun artifice ne peut camoufler. Son influence politique ne dépasse pas les frontières des couches sociales que l’accaparement des revenus pétroliers et la libéralisation du commerce extérieur opérée en 1990 ont enrichies : importateurs et grossistes, patrons d’entreprises de construction et de bâtiment, capitalistes industriels, paysans aisés gavés de multiples subventions, spéculateurs fonciers et immobiliers, hommes d’affaires, sans oublier l’armée pléthorique des fonctionnaires véreux qui réclament leur part de « bénéfices » de la redistribution des revenus pétroliers, etc.

La stabilité autour d’un homme même malade est la clé de la préservation d’un ordre qui leur profite au premier chef. Malgré toutes ses manœuvres pré et post-électorales, le régime ne peut cacher qu’une majorité écrasante de la population, donc la grande masse des couches sociales défavorisées, n’est pas de son côté. Il a admis que la moitié des citoyens n’a pas voté et qu’une partie de l’autre moitié a voté nul ou pour l’un des concurrents de Bouteflika. Si l’on prend pour argent comptant les chiffres qu’il a communiqués, le ministère de l’Intérieur a plus ou moins honteusement avoué que Bouteflika n’a été réélu que par 37,2% des inscrits. La vérité serait plus accablante si par miracle les chiffres du gonflement frauduleux des voix pouvaient être révélés.

La réélection de Bouteflka ne fait pas disparaître par enchantement les dissensions qui minent le régime et les contradiction sociales qui travaillent la société. Les libéralisations ont engendré des inégalités sociales sans précédent dans l’histoire récente du pays entre une minorité immensément riche et une majorité faite de travailleurs et de couches populaires prolétarisées ou marginalisées, vivant au jour le jour. La médiatisation à outrance de l’activisme de groupes d’opposants a relégué à l’arrière plan ces différenciations sociales. Les travailleurs se méfient de cette agitation qui accorde peu de place à leurs problèmes et à leurs aspirations. Pour l’instant, ils n’ont pas trouvé l’organisation politique qui leur inspire confiance, traduit leurs aspirations de classe et dirige leurs luttes. Instruits par les tromperies de ces 25 dernières années, ils refusent d’être les jouets de manipulations dont ils ont payé le prix le plus lourd.

Les conflits déclenchés au sein du régime par les attaques du gérant de l’appareil du FLN contre le DRS ont provoqué de fortes secousses. Ils ont révélé que diverses parties situées dans un camp ou l’autre n’hésitent pas à solliciter le soutien des Etats impérialistes pour faire basculer le rapport des forces en leur faveur. Peu leur importe que le pays soit mis à feu et à sang. L’enjeu en est le contrôle des leviers de commande de l’argent du pétrole. De toute évidence les cercles les plus influents veulent se les réserver au risque de provoquer une guerre interne générale.

La crise mondiale du capitalisme s’aiguisant toujours plus, les puissances impérialistes à la recherche de sources de surprofits prodiguent à travers leurs multiples canaux algériens menaces et promesses. Elles renforcent jour après jour les positions de la 5e colonne qui a pour mission de leur ouvrir les chemins de la mainmise sur les champs pétroliers et gaziers. Les candidats disposés à accepter les postes de harkis de l’impérialisme sont nombreux. Ils se recrutent aussi bien dans une opposition prête à exaucer les désirs de ces puissances, « ici et maintenant », que dans le régime lui-même.

C’est ce qui fait les dangers de la situation actuelle. Les résultats de l’élection présidentielle ne les ont pas éliminés. Au contraire, en raison même de ces résultats, les tentations de faire appel au soutien extérieur sont beaucoup plus grandes. D’un côté, un régime affaibli et donc susceptible d’aller encore plus loin dans les compromissions pour sauvegarder les privilèges de sa base sociale. De l’autre, une « opposition » enhardie par la fréquentation des ambassadeurs des puissances impérialistes comme l’ont révélé les câbles de Wikileaks,. Les impérialistes des USA et de la France disposent d’assez de leviers pour amener un jour les multiples clans engagés dans une guerre sans merci à leur remettre les clés du pays.

A moins que l’intervention populaire organisée ne vienne déjouer leurs calculs. Ce qui est une forte probabilité comme en témoigne le refus des classes populaires de soutenir l’une ou l’autre des parties en conflit. Objectivement ce sont les travailleurs qui ont le plus intérêt à défendre l’unité territoriale de leur pays, à affronter les ingérences impérialistes et à mettre en échec la stratégie des grandes puissances visant à s’emparer des richesses sahariennes, à remodeler l’économie du pays de manière à s’approprier de tous ses secteurs lucratifs, à l’image de l’électricité et du gaz, de la distribution de l’eau, des télécommunications, des banques publiques ; à extirper des lois et de la Constitution tout ce qui protège les travailleurs et bloque l’expansionnisme sans limite des multinationales, etc.

On a pu le constater lors de la campagne électorale et de toute la polémique qui l’a entourée, les personnalités et les partis en lutte pour l’hégémonie dans le cadre de la défense du capitalisme ont soigneusement éludé ces questions essentielles.

Les prédateurs de tous bords échafaudent les diversions pour détourner les masses populaires de la voie de l’union dans la lutte contre l’exploitation capitaliste, le pillage des biens publics, la corruption et les ingérences impérialistes.

L’atmosphère chargée de provocations dans des régions comme Ghardaïa et la Kabylie n’est pas sans lien avec ces entreprises de diversion. L’exemple le plus édifiant de cette stratégie est la tournure inattendue qu’a prise la commémoration du « printemps berbère » à Tizi Ouzou. Les auteurs apparents en sont aussi bien des policiers, dont le comportement est plus que troublant, que des éléments appartenant au MAK qui ne cache plus son intention de séparer la Kabylie du reste du pays. Le MAK a besoin d’être perçu comme une victime innocente pour rompre son très grand isolement en Kabylie et jouer le rôle que lui ont tracé les puissances impérialistes.

Qui peut épargner au pays de nouveaux drames si ce n’est un mouvement ouvrier organisé et enraciné, capable d’alliances avec toutes les catégories sociales qui ont tout à perdre dans l’exécution d’un scénario à la libyenne ?

Ce qui donnera plus de force à ce mouvement ce sera sa capacité à inscrire la réalisation de ces tâches nationales immédiates dans la perspective du combat pour une société sans classe, la société socialiste.

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Zoheïr BESSA

1er mai 2014