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Emouvante conférence-débat sur Raymonde Peschard organisé par l’association des amis d’Alger républicain, mi juillet 2005

mercredi 26 novembre 2014, par Alger républicain

Emouvante conférence-débat sur Raymonde Peschard

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Témoignage publié dans le numéro d’Alger républicain de la 2ème quinzaine de juillet 2005

Organisé par l’Association des Amis d’Alger républicain sur une proposition du docteur Laliam, le débat sur la participation de Raymonde Peschard à la lutte de Libération et sur les circonstances de sa mort au combat a drainé une cinquantaine de personnes dans la grande salle de la Maison du Peuple que la centrale UGTA a mise à la disposition du conférencier.

L’intervention du docteur Laliam sera publiée dans son intégralité dans notre prochaine édition.

Pour des raisons logistiques, le débat a été programmé le 10 juillet à 10 heures du matin. Même si l’heure matinale n’était pas de nature à convenir à ceux qui travaillent, de vieux militants communistes et des personnalités et militants du mouvement national ont fait le déplacement pour écouter le témoignage passionnant du docteur Laliam qui a dirigé le travail de Raymonde Peschard en tant qu’infirmière dans la Wilaya III.

A côté de Ahmed Gadiri, ancien dirigeant du PCA et de Abdelkader Guerroudj qui fut responsable des Combattants de la Liberté, unités armées créées par le PCA, et ancien condamné à mort, assistèrent à la conférence Ali Haroun et Omar Boudaoud, tous deux anciens responsables de la Fédération FLN de France durant la guerre de Libération, Mezouar, capitaine de l’ALN en Wilaya III.

On reconnut aussi dans la salle Yvette Maillot, la sœur d’Henri qui s’était emparé d’un camion plein d’armes en mai 1956, Annie Steiner, Maurice Baglietto, le docteur Janine Belkhodja. A la tribune, Roger Perlès rappela que la répression coloniale de la revendication de l’indépendance est comparable par sa barbarie aux méfaits des nazis face à la résistance française. Roger Perlès qui fut en contact avec Raymonde Peschard avant le départ de celle-ci au maquis fut gagné par l’émotion. Il ne put livrer son témoignage. C’est Mohamed Rebbah qui prit la parole pour donner à l’assistance des informations sur la vie de la martyre. Il rappela son itinéraire militant avant son entrée au maquis.

Il y eut de nombreuses interventions. Certains ont demandé que les autorités baptisent des rues et places du nom de la combattante martyre. Seule une rue de Constantine porte son nom. Mais il est si mal calligraphié en arabe qu’il est confondu avec la ville de Béchar. D’autres se sont demandés si son corps a été retrouvé et où elle est enterrée. Deux vieux retraités de l’EGA lui ont rendu hommage.

Le docteur Laliam tenait à révéler que Amirouche, chef de la Wilaya III, ne voulait pas de communistes dans les rangs de l’ALN. Influencé par les conceptions des frères musulmans, qu’il avait épousées quand il était à Paris dans les années quarante, il n’acceptait pas leur présence. Le capitaine Mezouar contesta cette version. Selon lui, Amirouche voulait seulement éloigner les femmes des maquis car leur présence créait des « problèmes ». Laliam souligna, en réponse à cette intervention, que la décision n’avait touché que les deux seules femmes communistes du maquis, Raymonde et Danielle Minne, épouse de Amrane.

C’est la première fois qu’une conférence publique est consacrée en Algérie à la contribution d’un(e) militant(e) communiste à la libération de l’Algérie. Le docteur Laliam avait tenu à faire son récit à l’occasion du 43e anniversaire de l’Indépendance. Il raconta avec beaucoup de détails comment il fit la connaissance au maquis de Raymonde Peschard sur ordre de Amirouche qui voulait un rapport complet sur cette combattante en raison des « risques » que sa qualité de communiste faisait courir, en cas de capture par l’armée française, à l’image du FLN auprès des États-Unis.

Le FLN cherchait à gagner l’appui de cette grande puissance contre le colonialisme français. Il avait peur que la participation des communistes à la lutte armée pour l’indépendance ne vint contrarier son travail politique au plan international. Raymonde Peschard ne renia pas son appartenance au PCA. Cela ressort clairement du témoignage de Laliam.

« Je suis Raymonde Peschard, poseuse de bombe, membre du Parti communiste algérien »,

répondit-elle à ce dernier en guise de présentation lors de leur première rencontre. Il faut se retremper dans l’ambiance de l’époque pour apprécier le courage de cette femme, petite par sa taille mais grande par ses convictions. De nombreux militants communistes ont été exécutés dans les maquis par leurs propres frères de combat pour avoir refusé de renier leur parti, ne serait-ce qu’en paroles, pour sauver leur vie. La Wilaya III n’échappa pas à cette folie, compte tenu des positions idéologiques de Amirouche.

Raymonde Peschard avait été dépêchée avec deux autres compagnons par Laliam pour chercher des renforts. Ils sont pris en plein dans la nasse. Elle est exécutée immédiatement après sa capture. Elle avait refusé, comme le médecin Belhocine, de révéler le lieu où se cachaient les autres infirmiers. La soldatesque coloniale ne faisait pas de différence entre hommes et femmes.
Le docteur Laliam et les deux femmes qui ont été accrochées en même temps que lui n’ont dû la vie sauve qu’à un officier qui s’est présenté comme un « rouge » et qui s’engagea à les remettre sains et saufs à ses supérieurs.

L’appartenance de Raymonde Peschard au Parti communiste provoqua un échange inévitable sur la participation de ce parti à la guerre de Libération. D’emblée le docteur Laliam avait prévenu qu’en parlant de cette militante il acceptait de courir le risque, « avec fierté », d’être étiqueté de « communiste ».

L’échange prit parfois un tour assez vif quand une ancienne militante de la Fédération de France accusa le Parti communiste d’avoir été contre l’indépendance de l’Algérie. Selon elle, les communistes étaient « individuellement » pour l’indépendance, mais leur parti s’y opposait. Une autre participante et Zoheir Bessa, le directeur d’Alger républicain, réfutèrent cette affirmation.

La rencontre se termina sur le souhait exprimé par de nombreux participants que de telles conférences-débats soient renouvelées pour faire connaître les pans méconnus de l’histoire de l’Algérie.

Ali El-Moufdi

Alger républicain

Juillet 2005