La colère gronde toujours

mardi 12 janvier 2010

Les autorités redoutent l’extension de cette protestation au reste de la zone. Les responsables de l’UGTA dépêchés par leur patron Sidi-Saïd afin de tenter de casser cette grève ont été priés de quitter les lieux. A notre arrivée, quelques responsables de l’UGTA envoyés par la centrale et la Fédération du secteur mécanique tentaient de raisonner les protestataires mais ils sont hués par la foule. Il est évident que les envoyés de Sidi-Said craignaient que le mouvement de protestation ne fasse tache d’huile dans cette zone très sensible. En clair, la SNVI de Rouiba est connue pour avoir été l’étincelle qui alluma les événements de 1988. Des policiers en civil et des gendarmes étaient postés devant l’entrée principale de l’entreprise.

Au début de l’après-midi les responsables de l’UGTA ont improvisé une prise de parole à l’intérieur du complexe. Les grévistes exigeaient, lors de ce meeting, la présence des journalistes venus couvrir la grève « pour entendre les fausses promesses destinées à casser la grève ». Les agents de sécurité s’y opposèrent. La situation était à deux doigts de dégénérer. Finalement les travailleurs ont eu gain de cause. Nous avons pu entendre le responsable syndical de l’entreprise entretenir au micro un vague espoir de négociation avec le secteur industrie mécanique pour une éventuelle augmentation. S’agissant du second point des revendications relatif à l’amendement de la loi sur le départ à la retraite, il s’est contenté de dire que la structure qu’il préside a fait savoir aux responsables de la Centrale que les travailleurs sont contre la suppression du droit de départ à la retraite après trente-deux ans de cotisations. « Après avoir constaté que ces responsables tentaient de semer la zizanie entre nous, nous les avons prié de quitter les lieux », nous dira plus tard au téléphone un gréviste.

Effectivement, selon nos informations, les protestataires ont coupé l’alimentation en électricité des haut-parleurs pour faire cesser ce qu’ils considèrent comme une mascarade. Situation sociale intenable Nous avons circulé parmi la masse de grévistes pour savoir ce qu’ils ont à dire sur le pouvoir d’achat, les salaires qu’ils touchent, ce qui se prépare en matière de retraite, les conditions de travail et la représentativité syndicale. Leur situation est peu reluisante. « Au bout de dix ans de service dans un atelier de polyester, tout travailleur ne peut que préparer son linceul.

Il est impossible pour un être humain de travailler plus de 20 ans dans certains ateliers de la SNVI », lance amèrement un jeune. On nous signale un nombre élevé d’accidents du travail et de maladies professionnelles. La foule assimile la suppression du droit de départ à la retraite après 32 ans de cotisations comme une hogra. « ils ont tout et ils veulent nous réduire à l’esclavage », crient-ils en faisant allusion aux dirigeants du pays. « Nous ne pouvons plus vivre avec un salaire de misère. Pourtant, lorsque l’on a fait appel à nous, nous avons répondu présent », disent-ils en rappelant leur mobilisation après les catastrophes vécues par le pays, sans omettre de rappeler qu’ils ont réalisé en seulement 4 heures le fameux bus qui a transporté l’Équipe nationale de football à travers les rue d’Alger à son retour triomphal de Khartoum.

Pour eux le salaire de la SNVI est le plus bas dans le secteur de l’industrie. « Il y a un énorme écart entre nos salaires et le pouvoir d’achat en Algérie. » S’agissant de la récente augmentation du SNMG, ils estiment qu’elle profite seulement aux cadres supérieurs de l’Etat dont la rémunération est calculée précisément sur la base de ce salaire minimal. Ils ne manquent pas de signaler les prélèvements exorbitants faits sur leurs salaires. « Nous payons plus d’impôts que les commerçants et les importateurs de containers ». Pour preuve, on nous exhibe la fiche de paie d’un technicien de contrôle qui a travaillé pendant 24 ans. Celui-ci touche un salaire de base de 16.026 dinars auxquels s’ajoutent diverses primes. Dans la rubrique des retenues il est mentionné la soustraction de 3 954 DA pour l’IRG, 2 550 DA pour la CNR, 550 DA pour la SS et 449 DA concernant diverses autres retenues. Au final, après 24 ans de service, le technicien en question est rémunéré à 32 000 DA net, y compris les indemnités et les primes de rendement. Soit l’équivalent de 290 euros.

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par Abachi L.

in Le Soir d’Algérie

05.01.10