Fatima femme courage Symbole de l’Algérie profonde

mardi 8 mars 2011

Elle était encore là en cette fin, froide, de février, debout, avec deux autres femmes travailleuses, aux côtés des syndicalistes licenciés en sit-in devant l’usine Socothyd, aux Issers à 50 Km d’Alger.
Les travailleurs ont installé une tente, sur un terrain vague, face à leur ancien lieu de travail avec une immense banderole pour dénoncer l’arbitraire dont ils sont l’objet.

Fatima arbore un magnifique sourire. Derrière ce beau sourire timide on ne devine pas tout de suite le caractère trempé, le courage et la ténacité de cette femme qui va vers la soixantaine, elle ne cache pas son âge. Cette grand-mère, elle a quatre filles et cinq garçons, a de qui tenir…Son père moudjahed pendant la guerre de libération est connu dans la région. Sa mère, également moudjahida, garde les séquelles indélébiles d’atroces tortures infligées par l’armée française pendant la guerre de libération…

Fatima Yahiaoui s’est lancée, elle, sur la voie de l’édification nationale et la libération sociale.
Pendant 27 ans elle a travaillé comme agent de nettoyage à Socothyd. Ce n’est facile pour une femme dans notre pays d’élever neuf enfants, c’est encore plus difficile d’affronter, dans un petit village, les tabous à propos du travail des femmes, surtout en usine à des Km de leur domicile. Elle payé un premier tribut dans l’atelier entre coton et produits chimiques volatiles : elle a perdu l’audition pour une oreille et la vision pour un œil.

Sauver leur usine, leur gagne pain

A un moment donné, la course débridée du pouvoir vers le libéralisme sauvage, les privatisations et le bradage des entreprises publiques a ciblé Socothyd. Cette usine construite sur plus de 20 hectares dans les années 60 avait un créneau en or, elle était pratiquement seule sur le marché pour la fabrication d’articles médicaux en coton et de la gaze, des couches pour bébés, des serviettes hygiéniques, des bandes pour emplâtres…Elle livrait tous les grands hôpitaux du pays, des milliards de chiffres d’affaires, des centaines d’ouvriers et de cadres aguerris. Cette entreprise publique florissante a attiré toutes les convoitises et a été programmée pour la privatisation.

Les travailleurs s’opposent au bradage et proposent de prendre en main l’usine, pour les décourager on leur réclame 18 milliards de da.
Les travailleurs éliminés le prix tombe à 470 millions de da ! 3% du prix précédent, le mot bradage est trop faible !
Les travailleurs s’opposent à cette liquidation et luttent contre l’importation de produits de mauvaise qualité qu’on veut faire passer pour une production de Socothyd.

Travailleurs de Socothyd {JPEG}

La privatisation sauvage est mise en échec, les travailleurs ont sauvé l’outil de production, notre bien à tous. Leurs délégués syndicaux seront arbitrairement licenciés Ils sont 25 à être mis à la porte depuis des années et non réintégrés malgré des décisions de justice en leur faveur.

La femme travailleuse

Et Fatima Yahiaoui dans tout ça ? Elle choisi son camp et les gens de sa classe. Elle a soutenu les grévistes, a même vendu des cacahuètes, pour leur apporter à manger !
C’en était trop pour le patron qui la licencie rapidement et arbitrairement. Au sein de l’usine, un agent de sécurité l’agresse, la moleste. Elle a la main et le bras cassés : 75 jours de plâtre !
Malgré un jugement en sa faveur, elle n’a pas été rétablie dans ses droits.

Fatima, ne baisse pas les bras, digne, elle se tient aux cotés de ses camarades. Avec son sourire de madone, elle symbolise la travailleuse algérienne, la femme courage sortie du ventre de l’Algérie profonde. On dirait qu’elle sort d’une pièce théâtrale de Brecht !

Le 8 mars est une journée de lutte pour les droits des femmes dans le monde entier.
Fatima Yahiaoui mérite d’être à l’honneur pour ce 8 mars, journée de lutte pour les droits des femmes dans le monde entier.
Elle et ses compagnons grévistes méritent notre solidarité et notre soutien.

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7 mars 2011

G. Khaled