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Quand le droit du travail algérien est piétiné depuis Abu Dhabi
samedi 4 octobre 2025, par
Une fois de plus, les droits des travailleurs algériens sont sacrifiés sur l’autel des intérêts étrangers. Ce que révèle Le Soir d’Algérie dans sa rubrique Périscope, c’est plus qu’un simple écart à la loi : c’est le portrait saisissant d’un système anti travailleurs qui s’installe dans nos zones industrielles. Quand une entreprise de droit algérien, sous contrôle émirati, piétine le Code du travail, espionne ses employés et transfère leurs données à l’étranger, c’est toute notre souveraineté sociale qui est remise en cause.
Dans son édition du jeudi 2 octobre 2025, le quotidien Le Soir d’Algérie, dans sa rubrique Périscope, publie un article au titre révélateur : « Un bout des Émirats à Alger ! ». L’enquête met en lumière des pratiques profondément révoltantes au sein d’une entreprise algérienne, filiale d’un groupe émirati opérant dans le secteur de l’ingénierie pétrolière et gazière. Basée à Dar El-Beïda et dirigée par un ressortissant pakistanais, cette entreprise semble fonctionner selon ses propres règles, au mépris total de la législation nationale.
Selon les témoignages recueillis par le journal, les employés y sont contraints de travailler 49 heures par semaine, incluant quatre heures le samedi, sans aucune compensation pour les heures supplémentaires, pourtant obligatoires selon le Code du travail. Pire encore : toute tentative de revendiquer ses droits expose les travailleurs à des menaces de licenciement.
Ces pratiques, si elles sont confirmées, constituent des violations caractérisées de la législation algérienne. Elles révèlent également l’absence flagrante de contrôles par les services d’inspection du travail et l’impunité dont jouissent certaines entreprises étrangères opérant en Algérie.
L’article du Soir d’Algérie révèle également que des caméras de surveillance ont été installées dans tous les bureaux. Elles sont orientées directement vers les postes de travail et les images sont transmises en temps réel aux Émirats arabes unis, dans les bureaux de la maison mère à Abu Dhabi. Ce système de surveillance permanente dépasse largement le cadre légal et pose de sérieuses questions sur le respect de la vie privée des employés.
Mais ce n’est pas tout : les données biométriques des salariés (empreintes digitales, données de reconnaissance faciale, etc.) sont également stockées à l’étranger, sans consentement, ni contrôle des autorités compétentes. En plus d’être une infraction à la loi algérienne, cela viole les principes fondamentaux en matière de protection des données personnelles.
Ce cas précis, rapporté par un média national de référence, n’est pas isolé. Il illustre une tendance plus large où des entreprises étrangères, souvent sous-traitantes ou partenaires dans le secteur stratégique des hydrocarbures, s’affranchissent des règles du pays hôte. Ce genre de pratiques ne constitue pas seulement une atteinte aux droits des travailleurs ; c’est une remise en cause directe de la souveraineté nationale, sociale et juridique.
Face à de telles dérives, une question cruciale se pose : où sont les institutions censées faire respecter la loi ? Que font les services de l’inspection du travail ? Où est la réaction du ministère du Travail ? Pourquoi l’Autorité de protection des données personnelles (ANPDP) ne s’est-elle pas saisie de ce cas manifeste de violation des droits numériques des citoyens ?
L’État ne peut pas continuer à fermer les yeux. Permettre à une entreprise, quelle que soit son origine, d’exploiter, de surveiller et de ficher des travailleurs algériens sans conséquence, c’est valider une logique coloniale du travail sous une façade d’investissement.
La dignité des travailleurs algériens, leur droit au respect, à des conditions de travail légales et humaines, ne sont pas négociables. Abu Dhabi ne dicte pas la loi à Alger.
Mehdi RAH
Alger républicain