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9ème jour de grève des travailleurs de German près de Constantine
jeudi 24 décembre 2020, par
Riposte de la classe ouvrière à l’offensive du pouvoir contre ses droits élémentaires et à son processus de liquidation du secteur public industriel : les travailleurs de German en grève depuis 9 jours
Les 461 travailleurs de l’entreprise publique industrielle German située dans la zone industrielle de Aïn Smara, près de Constantine, ont entamé leur 9 ème journée de grève pour protester contre le blocage de leurs salaires depuis trois mois et le sabordage de leur usine. Les travailleurs en ont assez d’être maltraités par une politique inspirée par les forces de l’exploitation et de l’affairisme. Leur grève sonne comme un immense cri contre les injustices qu’ils subissent et le tort causé aux intérêts du pays.
Rappelons que l’activité de German est centrée sur la production de matériel de gerbage et de manutention, tels que les chariots-élévateurs, que de nombreuses entreprises utilisent : ports, Air Algérie, Sonatrach, SNVI, ENMTP, Naftal, l’Algérienne des textiles (Texalg), SNTF et armée.
Face à l’indifférence des autorités qui donnent l’air de souhaiter la mise à mort de cet important outil de production, les travailleurs ont dû recourir hier au blocage du complexe industriel voisin de l’entreprise Nationale de fabrication de matériel de travaux publics (ENMTP, ex-Sonacome), pour se faire entendre. Leur action a paralysé à leur corps défendant l’activité de plus de 2000 travailleurs de la zone. Seule l’usine de fabrication d’équipements pour l’armée a été épargnée.
Les travailleurs se débattent depuis un an dans une détresse sociale indicible : salaires réduits à un niveau inférieur au minimum vital et versés avec des mois de retard. La direction de l’usine fait des promesses mais s’avère incapable de les tenir, ce qui fait monter la colère des travailleurs. Une situation qui les conduit à exiger le départ du directeur général qualifié à tort ou à raison « d’incapable ».
En fait, comme la plupart des entreprises publiques, German n’est pas arrivée à faire fonctionner son outil de production pour satisfaire pourtant un plan de charge constitué de commandes pour les deux années à venir. La raison de cette situation singulière réside dans le refus de sa banque - une banque publique - de lui accorder les crédits nécessaires à l’importation des pièces qu’elle ne peut produire elle-même. Le prétexte classique est l’accumulation de dettes, vieilles de plus de dix ans, que l’usine ne peut rembourser. Elle a été la victime de la conjonction de deux facteurs liés et artificiellement créés par les forces prédatrices au sein de l’Etat : les multiples restructurations opérées depuis 40 ans pour empêcher les gestionnaires et les cadres du secteur public de se concentrer sur leur travail et faire fructifier l’expérience acquise, et la libéralisation du commerce extérieur.
Lancée dans le cadre des « réformes » de 1987-1990, concomitamment à « l’ autonomisation » des banques, l’opération libéralisation du commerce extérieur a bénéficié à des groupes d’importateurs pour la plupart liés aux bandes organisées sévissant à l’intérieur même du régime. L’importation avec l’argent avancé par les banques publiques a évincé la production nationale. German a été la victime d’importations massives des équipements qui se sont substitués à sa production.
C’est un scénario destructeur et bien rodé qui s’est joué dans tous les secteurs. Il a été constaté que la banque publique pressure l’entreprise publique étranglée par la charge des dettes et des agios sur découverts. Le but ? Lui soutirer de l’argent frais qu’elle met, avec une célérité et une souplesse admirables, à la disposition des importateurs copins-coquins, lesquels livrent sur le marché du matériel qui concurrence la production nationale. Et pour cause, dans presque tous les cas le produit fini importé est moins taxé que les fournitures destinées à la production. L’argumentaire des défenseurs des importateurs pour justifier la mise à mort du secteur public fonctionne en boucle comme un disque rayé. Il est basé sur l’affirmation que ses équipements sont obsolètes. Qu’en conséquence la seule alternative est de fermer les entreprises publiques pour faire place nette au privé qui, par magie, va propulser le pays aux cimes du développement industriel. 40 ans de tripatouillages ont abouti à la situation actuelle aux antipodes de ce conte à l’eau de rose.
Dans le cas de German, des « experts » vont jusqu’à dire que sa situation actuelle est le fruit d’une décision politique foncièrement malsaine. Elle était axée sur la satisfaction des besoins du marché intérieur à n’importe quel coût aux dépens des règles de la compétitivité. Ce genre d’experts oublie que l’acquisition de l’expérience industrielle par un pays retardataire a un coût initial inévitable qui est amorti par la suite à condition que l’on maintienne le cap sur le développement industriel. Malheureusement ce ne fut pas le cas. Le processus d’industrialisation à été arrêté. Le coup de grâce, ce furent les réformes de 1987. Mais le plus dur est à venir à écouter ces experts qui reviennent à la charge en nous conseillant avec insistance dans la presse de miser sur le privé, comme si l’expérience de ce privé n’a pas été assez édifiante, négativement parlant.
L’austérité soi-disant imposée par la crise financière et les conséquences de la pandémie du Covid-19 n’est infligée qu’aux travailleurs et au petit peuple. Les privilégiés ne sont pas concernés. Mieux encore, le pouvoir leur accorde des exonérations fiscales pour les « encourager à investir », discours stéréotypés des servants de la bourgeoisie partout dans le monde. Il lui sert à leur faire avaler des couleuvres en affirmant sans rire que « zéro-impôts » crée des richesses, des emplois et des salaires. C’est cette politique trompeuse que l’action grandissante des travailleurs tend à remettre en cause.
L’action des travailleurs est de ce point de vue salutaire. Les problèmes à l’origine de leur mécontentement à German ou à l’ENIEM sont les mêmes partout dans les entreprises publiques du pays.
R.N.