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Cuba étranglé depuis 55 ans par le blocus : du vol des coffres de sa Banque centrale par les protégés des USA à la confiscation arbitraire par ce pays du chèque destiné au fournisseur mexicain d’un télescope au Centre cubain d’Etudes avancées *
dimanche 18 mai 2014
Dans les premiers mois de 1959, il y a de cela 55 ans, la Révolution dirigée par Fidel Castro tenta de mener à bien son programme sans hostilité à l’encontre de Washington et sans complicité avec la cruelle période de sept années de dictature de Fulgencio Batista.
Dans la zone montagneuse de La Plata, au cœur de la Sierra Maestra, Fidel Castro signa la première Loi de Réforme agraire, qui distribuait la terre à ceux qui la travaillaient, mettant fin aux latifundium, nombre d’entre eux aux mains de grands propriétaires terriens nord-américains.
Mais le caractère conservateur du gouvernement de l’époque, dirigé par l’avocat Manuel Urrutia et soutenu par des représentants des États-Unis, tendait à l’immobilisme politique, économique et social. Au sein même de cette administration, les membres du Mouvement révolutionnaire 26 Juillet firent savoir à Fidel qu’avec une telle équipe, ils ne pourraient aller de l’avant que si Fidel en prenait la tête.
Le 13 février 1959, Fidel devint Premier ministre du gouvernement, en remplacement de José Moro Cardona. Ce même mois, moins de 50 jours après la fuite de Batista, le gouvernement des États-Unis refusait déjà de modestes crédits à une délégation de la Banque nationale qui avait besoin de fonds pour soutenir la monnaie cubaine. En effet, 424 millions de dollars avaient été soustraits du Trésor public cubain, le 1er janvier 1959, et les auteurs de ce forfait furent accueillis aux États-Unis en même temps que les auteurs des crimes les plus abominables contre le peuple cubain.
« Les fugitifs avaient dévalisé les réserves monétaires de la République, et emporté leur immense butin, selon le New York Times, avec l’aide de l’ambassade des États-Unis, pour le déposer dans des banques nord-américaines. Pour n’importe quel pays, les conséquences d’un tel coup seraient désastreuses… Lorsque Batista quitta le pays, les réserves monétaires du pays furent vidées » [1]
La première Loi de Réforme agraire supprima le latifundium, interdit la possession de la terre par des étrangers, remit la propriété des terres à ceux qui les travaillaient et socialisa les surfaces cultivables.
Le gouvernement provisoire fit preuve d’une certaine modération. Il demanda
un prêt aux États-Unis pour tenter de sauver la monnaie nationale. Le Conseil national de Sécurité, réuni à la Maison Blanche, le 12 février, refusa de donner un seul centime ni même de l’envisager. C’était un avant-goût de ce qui allait se passer plus tard, à travers des attentats cruels et des sanctions cinquantenaires...
En janvier et février 1959, Cuba n’avait pris aucune mesure radicale contre les intérêts des États-Unis. Cependant, depuis sa plaidoirie L’Histoire m’acquittera, Fidel avait promis une réforme agraire, telle que le stipulait la Constitution de 1940 qui interdisait le latifundium et annonçait une loi de redistribution de la terre aux paysans. Cette Loi n’avait pas même été examinée, même si le Regroupement catholique universitaire en avait reconnu la nécessité. Par contre, elle avait en sa faveur le vaste consensus de la population cubaine.
Le gouvernement révolutionnaire promulgua la Loi, qui incluait dans son texte – ce qui fut respecté ? la lettre – l’indemnisation des anciens propriétaires, y compris des grands propriétaires terriens nord-américains.
L’indemnisation de la valeur de leurs terres devait leur être payée avec les bénéfices qui seraient tirés des exportations de sucre aux États-Unis. Le 4 avril 1960, conformément à la Loi de Réforme agraire, promulguée par Fidel Castro, le 17 mai 1959, démarra le dossier d’expropriation du puissant monopole United Fruit Sugar Co., qui possédait 109 700 hectares, ainsi que des bâtiments, du bétail, des machines et autres biens. La Loi suscita immédiatement la colère des voisins du Nord.
En réponse à la promulgation de la première Loi de réforme agraire, le gouvernement du président Eisenhower décida de punir Cuba par le biais de sanctions économiques.
Le gouvernement de ce pays avait ses plans. Cinq jours après la promulgation
de la Loi, le Département d’État écrivait à son ambassadeur à La Havane : « La Loi de Réforme agraire provoque une grande consternation au sein du gouvernement des États-Unis et dans les cercles de l’industrie sucrière nord-américains ».FRUS. [2]
En décembre 1960, le leader cubain parla de la Loi à l’ONU. « Sans réforme agraire, notre pays n’aurait pas pu faire le premier pas vers le développement. Et, effectivement, nous avons fait ce premier pas : nous avons fait une réforme agraire. Était-elle radicale ? C’était une réforme agraire radicale. Était-elle trop radicale ? Non, elle n’était pas trop radicale. Nous avons fait une réforme agraire adaptée aux besoins de notre développement, à nos possibilités de développement agricole. Comment allions-nous payer ? Bien entendu, la première question qu’il fallait se poser c’est : avec quoi allions-nous payer, pas comment mais avec quoi. Peut-on concevoir qu’un pays pauvre, sous-développé, avec 600 000 chômeurs, affichant un taux si élevé d’analphabètes, de malades, dont les réserves ont été épuisées, qui a contribué au développement d’un pays développé avec un milliard de dollars en dix ans, puisse avoir de quoi payer les terres qui allaient être affectées par la loi agraire, ou du moins dans les conditions qu’on voulait qu’elles soient payées ? Que nous a demandé le Département d’État en voyant ses intérêts menacés ? Trois choses : paiement rapide… paiement rapide, efficace et juste. Comprenez-vous ce langage ? Paiement rapide, efficace et juste. Ce qui veut dire ‘‘payez tout de suite, en dollars et ce que nous demandons pour nos propriétés’’ ».
Washington décida qu’il fallait punir Cuba. La première chose qui leur vint à l’esprit fut la suppression de notre quota sucrier sur le marché nord-américain. L’industrie sucrière cubaine, pensaient-ils, s’effondrerait rapidement. En conséquence, le gouvernement Eisenhower continua d’appliquer ses sanctions économiques. Il nous refusa les crédits et menaça de supprimer notre quota sucrier sur le marché des États-Unis. Leur raisonnement pouvait se résumer en ces termes :
« Priver Cuba de son quota sucrier entraînerait une chute rapide de son industrie sucrière, provoquant un chômage généralisé. Beaucoup de gens se retrouveraient sans emploi et commenceraient à souffrir de la faim… La majorité des Cubains soutiennent Castro [...] Le seul moyen prévisible de saper le soutien interne est de provoquer le désenchantement et le découragement par l’insatisfaction et les difficultés matérielles [...] Il faut recourir promptement à toutes les mesures concevables pour miner l’économie cubaine [...] Une modalité qui pourrait avoir le plus gros impact serait de refuser des financements et des livraisons à Cuba, ce qui réduirait les salaires réels et les revenus monétaires, et provoquerait donc la faim, le désespoir de la population et la chute du gouvernement. »
Mais l’Union soviétique vint à la rescousse de Cuba : le 13 février 1960, Anastas Mikoyan signa un accord en vertu duquel l’URSS s’engageait à acheter 460 000 tonnes de sucre en 1960, et un million de tonnes par an dans les quatre années suivantes. Le document prévoyait également l’octroi d’un crédit de 100 millions de dollars ? 2,5 % d’intérêt annuel pour l’achat d’équipements. Le secrétaire d’État US reconnaissait que les « sanctions » équivalaient à une « guerre économique ». Ces sanctions furent effectivement mises en pratique. À la suppression du quota sucrier s’ajoutèrent d’autres mesures, jusqu’à former l’enchevêtrement de lois punitives appelé « embargo », qui durent depuis plus d’un demi-siècle. À noter qu’il s’agit de mesures encore plus sévères que celles adoptées contre Hitler, le protégé des Dulles et des Bush. Un châtiment qui dure depuis 55 ans, en plein 21e siècle !
Mais dans leur tentative pour isoler Cuba, les USA vont même jusqu’à s’en prendre à leurs partenaires. Tout récemment, au mois de mars, l’on apprenait que l’entreprise mexicaine Micra avait conclu en 2011 la vente d’un microscope évalué à 100 000 dollars au Centre d’études avancées de Cuba, et que l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du Département d’État avait décidé de bloquer l’argent. Voici trois ans que les Mexicains Carlos Segovia et Roberto Villaseñor, représentants de Micra, réclament en vain cet argent au gouvernement des État-Unis et à Banamex City Bank, succursale de Banamex…
Cuba a été accusée de promouvoir la subversion et, plus tard, elle a été classé par Washington sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme. On pourrait penser que le chef de l’OFAC est muni d’une sorte de télescope lui permettant de remonter les filières « terroristes » dans le monde… pour traquer les actifs financiers cubains ! 55 ans après la réforme agraire, le gouvernement de Barack Obama rivalise avec celui de Bush en matière de violation du droit international. Et il s’étonne que les banques nord-américaines refusent de gérer les comptes du gouvernement cubain, au détriment même des intérêts des États-Unis »…
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Par Gabriel Molina Franchossi
3 avril 2014
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* Le titre de l’article est de la rédaction d’Alger républicain
Voir en ligne : Source de l’article in Granma : cliquer ici
[1] Livre d’archives Foreign Relations of the United States (FRUS) Doc. 254, p. 405 et 250, p. 397-398.
[2] Document 308, p. 510.