Hausse des prix de la viande de poulet et de la pomme de terre : conjonction de comportements spéculatifs et de fautes de gestion

dimanche 18 avril 2021
par  Alger republicain

Les prix du poulet et des viandes blanches en général ainsi que de la pomme de terre connaissent une hausse significative depuis quelques semaines. Le pouvoir d’achat des couches populaires modestes est brutalement frappé.

Plusieurs causes en sont à l’origine. La première est à mettre sur le compte des fautes de prévisions d’importations de maïs et de tourteaux de soja, essentiels à la production des aliments du bétail. C’est la conséquence des décisions prises sans grande réflexion au sommet de l’Etat de réduire les importations en 2020 dans l’euphorie du discours irréaliste sur l’autosuffisance qu’aurait atteint l’agriculture algérienne dans les filières fruits, légumes et viandes … A force de répéter que le libéralisme est la bonne voie, le pouvoir a fini par tomber dans le piège de ses fantasmes idéologiques.

Entre juin 2020 et janvier 2021, les prix des aliments sur les marchés mondiaux ont flambé et lorsque les pénuries se sont manifestées, il était trop tard, les prix sur ces marchés avaient doublé. La presse (El Watan du jeudi 11 mars) évoque cette crise avec la faillite de 15 000 aviculteurs (soit la moitié des aviculteurs) : les tourteaux de soja sont passés de 2600 DA en octobre à 5700 DA en mars et le prix du maïs qui était cédé sur les marchés à 4800 DA a atteint des sommets – jusqu’à 11 500 DA. Le son qui se vendait à 1800 DA a grimpé à 3500 DA. Cumulées à la hausse des cours, les prévisions qui ont conduit à la suspension des approvisionnements ont fait que les aviculteurs n’ont pas relancé la production de poulets de chair. Le cycle de production étant de deux mois, l’arrêt de la production a conduit à cette pénurie en mars. Les aviculteurs reprennent la production qui sera livrée au cours du mois de ramadhan.

Et puis, il y a les comportements spéculatifs favorisés par la présence d’intermédiaires (courtiers et propriétaires des abattoirs) dont une grande majorité opère dans l’informel, qui profitent de cette baisse de l’offre pour spéculer. Il faut rappeler que l’ONAB (Office national des aliments de bétail), organisme étatique qui était l’opérateur principal a été délibérément marginalisé et affaibli ces dernières décennies pour laisser prospérer une faune de spéculateurs qui considèrent, non sans raison, que cet Etat est le leur et qu’il couvrira leurs méfaits quoi qu’il arrive. L’ONAB, donc, ne contrôle plus aujourd’hui que 15% sinon moins de l’offre de viande blanche. Il obéit aux décisions capricieuses de responsables incompétents, dans le sens où ce terme veut dire qu’ils ne pensent pas à faire l’effort de contenir dans l’intérêt même des détenteurs du pouvoir, les manifestations anarchiques de la toute-puissance des affairistes.

Les autorités se sont privées d’un observatoire de suivi des marchés. La gestion des aliments se fait à la petite semaine, et souvent sous la pression de lobbies puissants qui contrôlent marchés et prix.

L’ONILEV –organisme interprofessionnel des légumes et de la viande- qui a pour objectif de réguler le marché et de déstocker en cas de baisse de l’offre ne dispose que de petites quantités qui influencent peu les prix de marché.

Il en de même de la pomme de terre. Les quantités stockées représentent moins de 5 % de l’offre nationale de pomme de terre et les contrats de stockage (34 contrats selon son directeur) ne font que transférer des aides publiques au profit de stockeurs dont les cahiers des charges ne sont pas respectés. Avec ce niveau de stocks, le déstockage n’a aucune influence sur les marchés.

Les aides devraient être accordées aux petits producteurs afin de les encourager de produire de la pomme de terre d’arrière-saison ou de contre-saison.

Les politiques agricoles ou commerciales adoptées des dernières années accordent tant de privilèges aux gros producteurs (de pomme de terre et de viandes blanches) qu’elles ne profitent dans le fond aujourd’hui qu’aux gros bonnets. Ce sont les couches populaires qui payent le prix fort de ces politiques. Les classes populaires sont les victime de politiques qui ne donnent qu’aux riches, cèdent à la pression des intermédiaires qui font la loi. Elles sont privées ainsi de la satisfaction de leurs besoins les plus vitaux. C’est une politique de classe affirmée et assumée qu’il faut combattre. Son but est de réduire les démunis à moins du minimum physiologique vital pour les contraindre à accepter des salaires de misère et à subir sans broncher le diktat des capitalistes qui fleurissent à l’ombre de l’informel favorisé par la complicité des responsables de l’Etat prolixes sur les nuisances de ce secteur mais passifs devant son emprise.

Les lanceurs cachés des mots d’ordre du Hirak participent eux aussi à la domination des spéculateurs en étouffant l’expression des slogans populaires qui dérangeraient leurs plans inavoués. L’argument perfide du « ce n’est pas le moment » continue à être asséné par des gens qui visiblement ne connaissent pas la faim et par d’autres qui n’ont pas encore atteint un degré suffisant de prise de conscience pour se libérer de la domination idéologique des fractions réactionnaires de la petite-bourgeoisie.

Les idéologues de la bourgeoisie qui n’ont de cesse de brandir l’épouvantail des pénuries des années 70 en passant sous silence que les travailleurs et leurs familles avaient accès au yaourt, à la pomme de terre et même à la viande cédée dans les Souk el Fellah, les Galeries algériennes et les coopératives de consommation à des prix compatibles avec leur pouvoir d’achat, feignent d’oublier que si la nouvelle répartition des richesses a éliminé les files d’attentes aux riches, c’est au prix de l’exclusion et des privations de la très grande majorité du peuple composée de travailleurs et de démunis.

Sid’Ali