La fatwa révisionniste de Ghlamallah

mardi 11 mai 2021
par  Alger republicain

Article de Arezki Metref

Publié dans Le Soir d’Algérie du 9 mai 2021*

Extraits

« … L’islamisme, comme une taupe, a creusé ses galeries jusqu’à trôner dans les appareils d’État et acquérir les moyens de porter atteinte à la vie privée des citoyens et à leurs libertés.
Cet envahissement islamiste dans sa version salafiste a été, il faut le dire, boosté par le bricolage improbable de la « Novembria-Badissia », attelage hétéroclite conçu par les spin doctors de Gaïd Salah pour taper dans un cruel révisionnisme sur la Kabylie, siège du Congrès de la Soummam, au profit du badissisme dont il est difficile de dissimuler la porosité assimilationniste. À moins d’effacer l’Histoire !

Ce serait injuste de ne pas reconnaître que le travail de sape islamiste dans les appareils du pouvoir est antérieur à la chute de Bouteflika et au coup de menton de Gaïd Salah. Mais aujourd’hui, la régression même pas féconde est telle que de hauts responsables osent, au nom de cet islamisme, imposer des lectures révisionnistes de l’Histoire. C’est ce qu’a fait, toute honte bue, Bouabdellah Ghlamallah, un résidu du bouteflikisme, ministre des Affaires religieuses d’Abdelaziz Bouteflika et actuel président du Haut Conseil islamique, une institution dont les 15 membres sont directement nommés par le président de la République. A l’occasion du 90e anniversaire de l’Association des Oulémas, il a ouvert les vannes de l’étroitesse décomplexée, en déclarant que « l’Algérien ne peut être que musulman ».

Le blasphème contre la vérité historique a été proféré dans le cadre de la commémoration concernant une association connue pour l’assimilationnisme de ses fondateurs. Contre-vérité historique, c’est une insulte à la mémoire de tous les non-musulmans, qu’ils soient juifs, chrétiens ou agnostiques, qui ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie.

C’est une insulte au sacrifice de Fernand Iveton, exécuté par le bourreau colonialiste à la prison de Barberousse en 1957. C’est une insulte à Maurice Audin, enlevé et assassiné par les parachutistes français pour son engagement en faveur de l’indépendance de l’Algérie. C’est une insulte à Henri Maillot qui a, au prix de sa vie, volé un camion d’armes à l’armée française, permettant aux maquisards de renforcer leur combat. C’est une insulte à Annie Steiner qui vient de nous quitter dans l’indifférence et même l’ingratitude du pouvoir auquel appartient Ghlamallah. C’est une insulte à la mémoire de Maurice Laban, de Raymonde Peschard, ces militants communistes algériens d’origine européenne qui ont choisi le camp de l’indépendance. C’est une insulte à Daniel Timsit. C’est une insulte à William Sportisse. C’est une insulte à la mémoire du cardinal Duval, à celle d’Henri Teissier et du Père Scotto et de dizaines d’autres hommes et de femmes d’Église et de religion chrétienne qui ont payé de différents sacrifices leur engagement en faveur d’une Algérie indépendante et fraternelle. Si être algérien comme le dit Ghlamallah, c’est être musulman et uniquement musulman, c’est une insulte à leurs mémoires à toutes et à tous. Par contre, c’est une réhabilitation de traîtres avérés.

Selon ce postulat, Fernand Iveton ne serait pas algérien alors que le bachagha Boualam, musulman, lui, le serait sans problème ainsi que les 200 000 musulmans ayant adhéré au Front Algérie française qu’il a créé en 1960 pour combattre l’indépendance qui permet à Ghlamallah d’expectorer autant d’ingratitude. »

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