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Liberté de conscience

lundi 20 septembre 2010, par Alger républicain

Grave atteinte à la liberté de conscience à Béjaïa.

Dix non-jeûneurs arrêtés lors d’une descente de police minutieusement montée.

Provocation politique

Les adeptes de l’État théocratique islamiste se manifestent de nouveau à l’occasion du mois de Ramadan. Ce ne sont pas des terroristes islamistes qui s’attaquent à des non-jeûneurs mais des policiers, fonctionnaires de l’État algérien, un État théoriquement régi par une Constitution qui garantit en principe la liberté de conscience. Après l’arrestation, aux premiers jours du mois de ramadan, de deux ouvriers dénoncés pour avoir bu de l’eau en plein jour dans une maison en cours de réfection à Aïn El Hammam, en Kabylie, c’est au tour de la ville de Béjaïa de connaître une véritable opération de police contre, non pas des islamistes préparant des actions terroristes, mais de paisibles citoyens discrètement attablés dans un restaurant qui n’ouvre ses portes qu’à ceux qui ont décidé de manger en toute liberté et sans faire étalage public d’un choix personnel qu’aucune loi algérienne ne condamne.

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Voici les faits tels que rapportés par le quotidien Liberté du 4 septembre : "Un restaurateur et neuf autres personnes ont été arrêtés mardi dernier dans la ville d’Ouzellaguen, dans la wilaya de Béjaïa, pour ne pas avoir observé le jeûne. La police a procédé à l’interpellation des 10 personnes alors qu’elles se trouvaient dans un fast-food fermé, établi au 2e étage d’un immeuble situé à côté de la place du Marché jouxtant la RN26. Selon les services de la police d’Ouzellaguen, cette irruption a fait suite à des renseignements faisant état de l’existence d’un restaurant qui travaille à porte fermée et où l’on sert des repas en plein jour durant le Ramadhan.

Pris en flagrant délit”, selon la police, le propriétaire de cet établissement s’affairait à servir ses clients ; ces derniers ont tenté de s’échapper. Les plus habiles ont atteint le toit mais les policiers avaient bouclé toutes les issues. Ils seront sommés de descendre avant d’être arrêtés. Présenté au parquet, le propriétaire du fast-food a été mis sous mandat de dépôt, tandis que les neuf non-jeûneurs seront cités à comparaître devant la justice, a-t-on appris de même source. “L’article 144 bis 2 du code pénal sera appliqué sur les dix individus”, selon les services de sécurité d’Ouzellaguen. Le grief retenu contre ces derniers dans cette affaire est “dénigrement et non-respect des préceptes de l’islam”. "

Un délit qui n’existe pas dans la loi algérienne et qui annonce des dérives inquiétantes

Si l’on s’en tient à ces faits, il apparaît que la police a mobilisé un important effectif pour encercler l’immeuble et s’emparer des 10 "criminels". Une telle opération ne peut être menée que si les responsables qui l’ont exécutée sont assurés de jouir de l’appui total des leurs supérieurs. Et si ce n’est pas le cas, ils devraient être sanctionnés de façon exemplaire pour acte arbitraire et violation de la loi. Le plus grave dans cette affaire c’est que le grief retenu - "non-respect des préceptes de l’islam" - n’a strictement rien à voir avec l’article 144 bis 2 du Code pénal évoqué par la police.

Indépendamment de ce que tout citoyen a le droit de penser de son bien-fondé, cet article vise celui qui dénigre le " dogme ou les préceptes de l’Islam". Il punit le contrevenant d’une peine de 3 à 5 ans de prison et d’une amende de 50 à 100 000 DA. Dans cette affaire on ne voit pas en quoi le fait de se restaurer avant le maghreb est en soi un acte de dénigrement de l’Islam et du Prophète !

De plus, il ressort de l’article de Liberté que les policiers d’Ouzellaguen ont ajouté de leur propre chef le "délit" de "non-respect" de ces préceptes ! En toute logique, il ne faudra pas s’étonner si un jour et dans sa lancée dans cette nouvelle inquisition la police de cette ville se mettait à organiser des rafles pour envoyer dans un camp tous ceux qui ne font pas la prière ou qui sont rencontrés en dehors de la mosquée au moment de la prière du vendredi. Même si un juge respectueux de la Loi décide de la relaxe pure et simple des citoyens "non-jeûneurs", ces derniers auront arbitrairement moisi en prison et la police "islamique" de l’État algérien aura atteint son but : intimider le citoyen qui agit dans la vie selon ce que lui dicte sa conscience face aux pratiques religieuses de la majorité. Et ce qu’il faut redouter le plus c’est que cette opération peut s’inscrire dans une grande provocation politique de diversion pour opposer des citoyens à d’autres sur des questions religieuses alors que la grande masse de la population souffre du chômage, de la cherté de la vie, de l’arbitraire et de la corruption.

Mobilisation à Aïn El Hammam contre l’inquisition

Selon le quotidien Liberté du 4.09.10, les citoyens de cette ville n’ont pas l’intention de se laisser faire. "Plusieurs affiches retraçant les faits de l’affaire - celle des deux "non-jeûneurs" de la ville - sont placardées dans les rues et les ruelles de la région, notamment à Aïn El-Hammam, Iferhounène et Illiltène (…) Dès leur arrestation, une mobilisation citoyenne s’en est suivie et, depuis, plusieurs appels à soutien ont été lancés par la société civile et des associations, notamment des ONG domiciliées à l’étranger.

Le témoignage des mis en cause ainsi que l’appréciation de leur avocat, Me Aït Mimoune, ont été rendus publics. Depuis quelques jours, la mobilisation citoyenne s’est amplifiée autour de ce que l’on considère comme une atteinte à la liberté individuelle de la part des juridictions qui sont naturellement chargées de faire respecter la loi (…) Après un premier sit-in observé devant le tribunal et une première mobilisation organisée le 18 août dernier lors d’une audience initiale, tout laisse à croire qu’il y aura un autre rassemblement de citoyens le jour du procès, tant ils sont nombreux à se dire “scandalisés” par cette malheureuse affaire et à affirmer que les dénommés H. H. et S. F. étaient dans une enceinte fermée, loin des regards, et n’avaient donc “aucune volonté d’offenser qui que ce soit”. Cette arrestation s’est opérée à l’intérieur d’une propriété privée et n’avait pas sa raison d’être, jugent-ils."

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Kader Badreddine

6 septembre 2010