Cimenterie Lafarge de Hammam Dalaâ (M’Sila) La multinationale met à la porte 145 agents de sécurité en grève et le procureur de la République jette 7 d’entre eux en prison

dimanche 26 septembre 2010
par  Alger républicain

Comme le déclare le maire de la commune de Hammam Dalaâ, leur seul tort est d’avoir réclamé le respect des engagements que Lafarge avait pris avec leurs représentants le 15 juin dernier lors d’une rencontre de conciliation. Ces engagements « s’articulaient principalement autour de l’intégration de l’ensemble des agents de sécurité originaires de la région en contrepartie de la suspension immédiate de la grève, qui a valu d’énormes pertes au groupe ». Les revendications exprimées lors de cette réunion portaient sur « l’amélioration de leurs conditions de travail et la revalorisation de leurs salaires » (El Watan du 22 août 2010). Après les avoir licenciés, Lafarge a refusé de leur payer les salaires des jours travaillés en juillet et août.

« Diviser pour régner » et attiser le feu du tribalisme, telle semble être la tactique du groupe français qui a licencié 100 agents de sécurité originaires de cette localité et accepté de réintégrer et de payer 38 autres issus de la ville de Bordj Bou Arréridj. Fort sans doute du soutien de certaines autorités, Lafarge a frappé d’une main de fer après à peine 8 jours d’arrêt de travail qui lui auraient fait perdre 5 millions d’euros. La gendarmerie n’a pas hésité à donner sur le champ suite à la plainte de la multinationale. Elle a lancé une véritable chasse à l’homme. Les agents de sécurité désignés, dont le responsable de la section syndicale, pour aller en prison ont été embarqués chez eux ou dans la rue pour être présentés devant le procureur qui a décidé illico presto de les mettre sous mandat de dépôt.

C’est probablement pour « améliorer le climat des affaires » soi-disant propice à l’afflux des investissements directs étrangers (IDE) que l’État algérien a lancé ses gendarmes aux trousses des travailleurs en grève. Et puis on a, sans doute, voulu sévir pour l’exemple : un agent de sécurité est recruté pour faire rentrer dans le rang le simple ouvrier, pas pour faire grève quand bien même ce serait pour de « meilleures conditions de travail ». Un agent de sécurité qui s’organise dans un syndicat et présente un cahier de doléances au patron, ça donne de mauvaises idées au vulgaire ouvrier dont le sort est d’être taillable et corvéable à merci.

Rappelons que déjà du temps où Orascom était le propriétaire de la cimenterie toutes les actions de protestation des travailleurs étaient impitoyablement écrasées, avec l’aide, il va de soi, des agents de sécurité aujourd’hui à leur tour réprimés.

Rappelons aussi que la construction de la cimenterie n’a pratiquement pas coûté un seul dinar à Orascom. Elle bénéficiait de crédits à très bon marché des banques publiques et fraudait le fisc algérien, comme le pouvoir l’a tardivement « découvert ».

Quant à Lafarge, la nationalisation de son usine au début des années 1970 n’est plus pour lui qu’un mauvais souvenir. Il avait été invité du temps de Boumediene à plier bagages parce qu’il refusait de réinvestir ses fabuleux bénéfices dans l’extension de ses capacités de production en ciment au moment où l’Algérie qui s’était engagé dans son premier plan quadriennal de développement en avait bien besoin.

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Khaled Safi

23.09.10