Des directeurs de journaux algériens dînent à l’ambassade des Etats-Unis en compagnie du secrétaire d’Etat adjoint américain, Antony Blinken

mardi 16 août 2016
par  Alger républicain

Le fait serait passé inaperçu si l’information n’avait pas été divulguée par le quotidien l’Expression du 27 juillet [1]. Autour de la table posée par Madame Joan A. Polaschik, l’ambassadeur des USA à Alger, avaient pris place des directeurs de journaux sélectionnés en tant qu’échantillon des courants traversant la société « civile ». Oh ! pas tous les courants mais quelques-uns fichés dans les cases de l’ambassade comme anti ou pro-gouvernement [2] en fonction de critères certainement propres à la stratégie américaine en direction de l’Algérie : El Watan, El Moudjahid, Liberté, El Khabar, El Fedjr et Echourouk, en plus de l’Expression, qui « ont exposé dans un climat empreint de sincérité leurs opinions sur un sujet crucial, … , la liberté de la presse en Algérie ».
Entre deux exquises bouchées, les convives « ont eu beaucoup de plaisir à débattre avec M. Blinken », rapporte Fettani, le patron de L’Expression.


« Le débat, on l’aura deviné, nous assure-t-il, a été contradictoire, mais le diplomate américain a tout de même apprécié le fait que la presse algérienne soit, de loin, la plus libre dans le Monde arabe et en Afrique. Une attestation que l’ensemble des invités de Madame l’ambassadeur US ont partagée. »

On ne saura pas si la respectable « société civile » a fait part à Antony Blinken de son opposition ou au contraire de son appui aux ingérences des Etats-Unis dans le monde et aussi aux frontières de l’Algérie. Si elle l’a tancé sur leur alliance avec les forces du moyen-âge. Si elle lui a rappelé les tragédies provoquées par l’impérialisme de son pays, si elle lui a dit ce qu’elle pensait des foyers de guerre allumés en Europe de l’Est sous le bouclier de l’OTAN, si elle lui a exprimé en « toute sincérité » son émotion devant l’assassinat chaque année de dizaines de noirs par la police, etc.

« Impérialisme », disons-nous ? De grâce évitez d’employer ce terme « dépassé », nous conseillent les ralliés à l’impérialisme, ou supplétifs si nous devons appeler crûment les choses par leur nom. Ainsi que tous les plumitifs qui ont appuyé l’intervention militaire en Libye en faisant croire à leurs lecteurs que le despotisme du régime de Kaddafi ne pouvait être renversé que par la force externe de ces grandes « démocraties » que sont les USA et l’USA par ailleurs grands alliés de ces autres « démocraties » que sont aussi les monarchies du Golfe. L’« impérialisme » ne serait plus selon ces belles âmes qu’un résidu de la « guerre froide », un vocable horrible que continuent à employer des adeptes attardés de la vulgate communiste ou nationaliste périmée [3].

Ceux qui ont allumé le feu « démocratique » des guerres chaudes çà et là, et à nos frontières, ne nous veulent que du bien, nous rassurent-ils. On pourrait penser qu’il n’y a pas lieu de s’attarder à réfuter ces discours pro-impérialistes si contraires aux faits et à l’expérience du peuple algérien. Evidemment, quel Algérien serait-il niais au point de croire ces sornettes, en dehors de celui qui a choisi de se mettre au service des puissances impérialistes pour obtenir en échange quelques intérêts matériels. Quel Algérien pourrait-il croire que les interventions US dans les pays arabes ont pour noble objectif d’aider les peuples à se libérer de leurs despotes ? Mais, c’est évident aussi, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs, nous « expliquent » les BHL français ou autochtones. Madame Albright n’avait-elle pas cherché à nous démontrer de façon « convaincante » que les 500 000 enfants irakiens morts des suites de la première intervention US en Irak, en 1991, n’étaient que le prix à payer pour amener la démocratie dans ce pays ? La mort de millions d’hommes, les destructions et la désolation répandues dans le monde arabe et en Afrique par les ingérences impérialistes, n’auraient pas pour but de mettre la main sur les richesses pétrolières et minières. Mais de faire flotter le drapeau de la liberté sous la protection des missiles et des drones US, français, anglais, etc.

Pour en revenir à Monsieur Blinken, celui-ci n’est venu à ce dîner que pour manifester sa tendre sympathie à « la presse la plus libre du monde arabe ». Tellement libre qu’à l’exception du représentant de l’Expression aucun journal de l’ « opposition démocratique » n’a jugé nécessaire d’en faire part à ses lecteurs. Seulement d’en faire part et sans obligation de se justifier.

Il est vrai que les USA sont coutumiers du fait.
Le 25 février 2012, Madame Hillary Clinton avait fait escale à Alger. Avant de se rendre auprès du chef de l’Etat algérien elle prend tout droit la direction de l’ambassade de son pays où sont convoqués les « représentants de la société civile », agréés par l’impérialisme, euh ! … encore pardon, par les services du gouvernement US. Elle donne un « cours de sciences politiques » sur « le respect de la souveraineté des peuples » juge Hassan Moali [4] qui eut l’occasion quelques années avant d’étaler son admiration pour Suzan Rice, à son retour d’un voyage d’études organisé par Freedom House, disaient de mauvaises langues.


« Les quelques phrases qu’elle a lâchées ont le mérite de mettre à nu la prétendue menace d’ingérence étrangère brandie pour faire peur aux Algériens »


en rajoute de son côté Saïd Rabia [5].

Aucun journal ne s’offusqua de cette manifestation d’allégeance à l’impérialisme US et d’ingérence aussi grossière des USA dans les affaires internes du peuple algérien. Le lendemain, toute coïncidence étant bien entendu purement fortuite, Tayeb Belghiche d’El Watan se fendit d’un éditorial où il s’en prenait en termes virulents à … Poutine pour son « soutien à la dictature de Bachar Al Assad » ! [6]. Il est vrai que maintenant il trouve qu’ « avec Poutine on ne badine pas ». Mais ceci est une autre histoire.

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Zoheir BESSA
15.08.16


[3lire : http://www.elwatan.com/weekend/7jou... : Adlène Meddi et Mélanie Matarese en réponse aux protestations de Daho Djerbal sur l’intervention impérialiste en Libye et le lynchage de Kaddafi :


«  nous pensons que la lutte contre l’impérialisme est un combat d’arrière-garde et qu’aujourd’hui, la donne géopolitique mondiale oblige à considérer les événements sous un autre angle  ».

A noter par ailleurs que Adlène Meddi, se mettant au-dessus de la mêlée, alimente le «  qui-tue-qui  ?  » dans son commentaire sur la révision constitutionnelle. Il critique ce qu’il qualifie de négation de «  l’impunité  » et des «  crimes de masses  » commis au cours des «  violences et contre-violences  » des années 1990.