Grèves des travailleurs à Mahdia et Tiaret pour les droits sociaux et la dignité

lundi 12 mars 2012
par  Alger republicain

Les travailleurs du complexe industriel et de la minoterie de Mahdia (Wilaya de Tiaret) sont victimes de graves dénis de leurs droits de la part de leurs patrons. Un des chefs de l’entreprise est même allé à les traiter d’enfants de harkis et de p. … !

Des insultes et des obscénités qui expliquent leur détermination à ne pas tolérer que l’on touche à leur dignité. Ils sont donc en grève depuis maintenant six mois. Les correspondants locaux de divers journaux publics ou privés font semblant de ne rien savoir en participant à la conspiration du silence. Les grévistes dénoncent la dégradation de leurs conditions de vie et travail depuis la cession de l’entreprise publique à la Sarl MEGID.
Ils se sont adressés à toutes les autorités nationales et locales concernées, administratives et syndicales, pour les avertir et leur demander de mettre fin aux agissements de leur patron et à son refus de se conformer aux lois de la République et aux engagements qu’il a pris dans le contrat de cession lors de la privatisation de ce complexe. Mais en vain.

Ces travailleurs ont dénoncé : la mauvaise gestion, la bureaucratie et la hogra, le gaspillage et l’anarchie, la non-application des accords avec le des travailleurs (augmentation des salaires, œuvres sociales, bénéfices etc.), le refus de leur permettre de créer une section syndicale.
Ils demandent également l’application la décision de justice retenue contre le gérant de la Sarl MEGID dans l’affaire qui l’a opposée au groupe ERIAD TIARET. Il semble que les « repreneurs » n’avaient pas versé la totalité du prix de l’achat du complexe.

Ils ont même interpellé le premier ministre Ouyahia lors d’un meeting qu’il avait tenu à Tiaret. Mais celui qui a toujours exhibé sa « fierté » d’avoir fait le « sale travail » de la casse du secteur public et des droits des travailleurs leur avait répondu avec son mépris habituel : ‘’Vous avez reçu vos dix pour-cent. Que voulez-vous de plus ?’’ Puis il avait ajouté pour dégager sa responsabilité dans ce conflit que ‘’ce moulin oppose deux personnes’’.

Les travailleurs vivent dans la misère. Ils ne peuvent plus payer leurs factures. Les services des eaux et de la Sonelgaz refusent de tenir compte de leur situation. Ils n’ont pas hésité à leur couper l’eau, le gaz et l’électricité. Nombre d’entre eux ont été obligés d’arrêter les études de leurs enfants faute de moyens. Les pensions de ceux qui sont partis en retraite ne dépassent pas les 11 000 DA. Mais ils résistent admirablement et ne laisseront pas l’affront qui leur a été fait sans suite. S’ils tiennent encore c’est aussi grâce à la formidable solidarité de la population indignée par le comportements des nouveaux patrons de l’entreprise et par le bradage de cet ancien fleuron de Eriad dans le Sersou.
Face au silence des autorités et à l’obstination du gérant de l’entreprise, les travailleurs ont décidé de fermer les portes de l’usine.

Le complexe industriel de Mahdia s’étend sur une superficie de 115 000 mètres carrés. Il regroupe la célèbre minoterie de cette petite bourgade et le dépôt de Tissemsilt. Il comprend aussi les silos de stockage d’une capacité de 1,25 million de quintaux de blé.

C’est donc une partie des infrastructures de stockage stratégique des réserves nationales de céréales qui est passée dans les mains de spéculateurs sans scrupules et dans des conditions qui devraient être élucidées. On dit que l’un des heureux bénéficiaires de ce bradage n’est rien d’autre qu’un ancien ministre des Finances. Le tout a été cédé à la Sarl MEGID pour le montant ridicule de 1,114 milliards de dinars. Le comble dans cette sordide affaire est que les bénéficiaires de cette opération se remplissent les poches sans prendre aucun risque en se contentant de … louer ces anciens silos de l’Etat à la CCLS ! Tarif : 12 DA le quintal par mois ! Aujourd’hui on estime que 500 000 quintaux de céréales y sont stockés. Avec les 6 millions de dinars qui tombent sans aucun effort chaque mois dans leur caisse et avec les “économies” qu’ils font en refusant de payer le prix du rachat de l’entreprise, les patrons peuvent penser à tort ou à raison qu’ils sont à l’abri des mauvaises surprises. Grâce en fait à la complicité de toutes les autorités.

Ce fait montre à lui seul comment l’Etat algérien est devenu un instrument de la bourgeoisie, un instrument d’oppression de la classe ouvrière. Il faut espérer que les travailleurs des CCLS expriment leur solidarité avec leurs camarades de Mahdia en obligeant les responsables de la CCLS a geler le versement du « loyer » tant que les patrons de MEGID s’entêtent à piétiner les droits des travailleurs.

A environ trente kilomètres plus à l’ouest, plus exactement à Tiaret, d’autres travailleurs sont aux prises eux aussi avec la nouvelle mafia des céréales. Il s’agit de travailleurs des Moulins de Tiaret. En grève depuis deux mois, ils dénoncent, dans une lettre envoyée au ministre du travail et de la sécurité sociale, les conditions désastreuses et l’opacité qui ont marqué la privatisation de leur unité au profit de la Sarl IKHLAS.

Ils lui demandent d’intervenir rapidement avant qu’il ne soit trop tard et de dépêcher une commission d’enquête ministérielle pour constater sur le terrain la catastrophe produite par cette privatisation. Ils qualifient de véritable enfer et d’inhumaine leur situation. ‘’Nous vivons une situation de despotisme nous sommes revenus au temps des colons’’.

Ils ont aussi saisi les différentes autorités locales pour exposer les problèmes auxquels ils sont confrontés depuis la privatisation de leur entreprise et leur demander d’intervenir pour mettre fin à leur calvaire.
Seule l’Union de wilaya de l’UGTA de Tiaret a saisi le Wali pour dénoncer le licenciement abusif des membres de la section syndicale en bafouant toutes les lois de la République.
Ces travailleurs, dont les salaires ne dépassent pas les 18 000 DA par mois, sont déterminés à se battre jusqu’à la satisfaction de leurs revendications.

Ils demandent :

  • La reconnaissance par le nouveau patron de la section syndicale ;
  • la révision de la convention collective ;
  • la revalorisation des salaires ;
  • le versement des prime de rendement collectif et individuel avec effet rétroactif depuis 2007
  • la légalisation et la régularisation par des décisions écrites de la situation des travailleurs affectés à d’autres postes.
  • la condamnation des pressions du patron qui veut forcer les travailleurs faisant valoir leur droit de partir à la retraite à présenter une lettre de démission, démission qui les priverait de jouir de nombreux avantages sociaux. Ils dénoncent les louvoiements de l’inspecteur du travail de Tiaret. Ils l’accusent de connivence avec leur patron.

Cette attitude de l’inspecteur du travail n’est pas un cas isolé. Elle est signalée dans plusieurs régions où les travailleurs sont en conflit avec les patrons privés. Au mépris de la législation sociale qu’ils sont pourtant chargés de faire respecter, les inspecteurs du travail refusent d’établir des procès-verbaux de non-conciliation. Ils encouragent ainsi les patrons privés à bafouer impunément les droits des travailleurs et mettent ces derniers dans une situation qui permet aux patrons de crier à l’illégalité" des grèves et à traîner les travailleurs devant les tribunaux. A Tiaret, c’est dans une telle situation que l’inspection du Travail a plongée les travailleurs. Le patron a licencié les responsables de la section syndicale après l’annonce de sa création. En réaction à ce licenciement qui bafoue la loi et en solidarité avec leurs représentants, les travailleurs cessent le travail. Mais ce sont eux qui sont poursuivis devant les tribunaux et non le patron qui doit être condamné pour entrave à la liberté syndicale ! Les autorités laissent faire.

C.P.