La santé pour les riches et la chienlit pour les travailleurs et des masses populaires

jeudi 19 janvier 2017
par  Alger républicain

Quelques points de repère pour comprendre pourquoi les problèmes de santé et de protection sociale des masses populaires se sont détériorés.

La santé et la protection sociale sont des enjeux majeurs. Dans notre pays, la dégradation dans tous les domaines est telle, qu’il y a aujourd’hui urgence à remettre en place l’organisation santé initiale prévue dans la première constitution de l’indépendance. Un projet de Constitution, adopté le 28 août 1963 par l’Assemblée nationale, approuvé par referendum le 8 septembre 1963 et Constitution promulguée le 10 septembre 1963 par le président Ahmed Ben Bella. Cette constitution a valeur historique pour notre peuple.

Que de sang versé, que de larmes, de souffrance et de misère, supportés pendant des décennies par notre peuple, pour arracher enfin notre liberté à la puissance coloniale française et espérer tout simplement, vivre une vie digne. Par respect pour nos chouhadas en voici quelques extraits :

« Fidèle au programme adopté par le Conseil national de la révolution algérienne à Tripoli, la République algérienne démocratique et populaire oriente ses activités dans la voie de l’édification du pays, conformément aux principes du socialisme et de l’exercice effectif du pouvoir par le peuple dont les fellahs, les masses laborieuses et les intellectuels révolutionnaires constituent l’avant-garde.

La mise en œuvre de la réforme agraire et la création d’une économie nationale dont la gestion sera assurée par les travailleurs.

Une politique sociale, au profit des masses, pour élever le niveau de vie des travailleurs, accélérer l’émancipation de la femme afin de l’associer à la gestion des affaires publiques et au développement du pays, liquider l’analphabétisme, développer la culture nationale, améliorer l’habitat et la situation sanitaire.

Une politique internationale, basée sur l’indépendance nationale, la coopération internationale, la lutte anti-impérialiste et le soutien effectif aux mouvements en lutte pour l’indépendance ou la libération de leur pays.

Révolution par le peuple et pour le peuple ».

L’édification d’une démocratie socialiste, la lutte contre l’exploitation de l’homme sous toutes ses formes ;

La garantie du droit au travail et la gratuité de l’enseignement.

L’exercice du pouvoir par le peuple dont l’avant-garde se compose de fellahs, de travailleurs et d’intellectuels révolutionnaires.

La République reconnaît le droit de chacun à une vie décente et à un partage équitable du revenu national .

Grâce à cette constitution, notre peuple a profité de ces mesures sociales pendant de nombreuses années. Or à l’indépendance, nous étions au bord du gouffre, la colonisation nous avait laissé le pays exsangue et dans une situation explosive et elle l’avait vidé de toute possibilité de développement. Il faut garder en mémoire qu’au lendemain de notre indépendance nous n’avions ni ingénieurs, ni architectes, ni économistes, même pas de cadres administratifs et les caisses avaient été laissées vides par la France qui espérait bien que notre pays allait sombrer dans le chaos et la guerre civile et qu’elle prendrait sa revanche à cette défaite cinglante qu’elle avait subie et qui lui arrachait un pactole des mains.

Mais, soutenu par un peuple capable de soulever des montagnes, un homme va changer les choses et œuvrer pour bouleverser le futur de notre pays, le président Boumediene. Le paradoxe de la situation fut qu’il prit comme on le sait, le pouvoir par un coup d’État. On peut le condamner ou l’approuver, là n’est pas la question. La période Boumediene allait faire d’un pays sous développé, déstructuré et meurtri par 8 années de guerre, un pays moderne et engagé avec détermination dans la voie du développement. Le président Boumediene a été l’homme de la situation, il avait tout de suite compris les enjeux stratégiques : sans développement d’une économie indépendante, pas de souveraineté nationale. La nationalisation des hydrocarbures a été un élément déterminant qui allait donner à notre pays des moyens extraordinaires de développement économique. Dans un laps de temps très court, avec les moyens financiers récupérés sur les hydrocarbures, il va lancer un programme de développement intense dans tous les domaines : développement de l’industrie lourde, des industries légères, construction d’usines, d’écoles, de lycées, des universités etc. sur l’ensemble du territoire national. Notre pays était devenu un immense chantier, des millions d’emplois furent créés. Il va s’attaquer à l’alphabétisation et fournir au pays des cadres qui vont remplacer les nombreux coopérants de pays amis, venus nous aider. La santé était entièrement gratuite et prise en charge par une médecine de qualité.

Le peuple tout entier était mobilisé pour réaliser et soutenir ce programme d’édification. Les hommes, les femmes et la jeunesse de tout le pays participaient dans l’enthousiasme à la construction de cet immense chantier. Mais hélas, la nationalisation des hydrocarbures, une mesure phare pour notre pays, a commencé à inquiéter les puissances impérialistes et les forces réactionnaires internes, déjà présentes dans le mouvement de libération nationale du pays depuis le début de notre lutte de libération. A l’époque, des nuages noirs pointaient déjà à l’horizon.

Aujourd’hui que reste-t-il de ces mesures sociales favorables aux travailleurs et aux masses populaires de notre pays ?

Il ne faut pas oublier, que dès le lendemain de notre indépendance, la guerre des clans a continué. La lutte pour le pouvoir va provoquer un véritable séisme politique entre fractions. La guerre entre wilayas éclate. L’Algérie en arriva au bord du gouffre. L’autorité était pratiquement inexistante, l’anarchie régnait en maître. Encore une fois notre peuple est descendu dans la rue au cri de « Sebaa Snine Baraka » (Sept ans ça suffit) pour sauver notre pays du désastre.

Profitant du chaos généralisé, une bande de profiteurs, sans foi ni loi, va s’emparer des importantes richesses de plusieurs millions de dollars abandonnées par la colonisation. Ces boucaniers vont récupérer gratuitement des villas somptueuses. Seuls les travailleurs vont réagir face à ces brigands et vont se constituer en Comités de gestion pour empêcher que les usines abandonnées par les patrons tombent entre leurs mains. Les fellahs également vont se constituer en Comités de gestion pour empêcher l’accaparement des terres des gros colons par ces usurpateurs.

Les contradictions entre courant réactionnaire et courant progressiste allaient prendre des proportions très dangereuses pour le pays. Pendant la présidence de Boumediene, le clan réactionnaire [1] était confiné et mis dans une certaine mesure à l’écart. La mort prématurée et suspecte du président Boumediene va déclencher un véritable tsunami politique. Les forces réactionnaires qui attendaient ce moment, vont passer à l’offensive et prendre le pouvoir. Après un consensus entre fractions au sein du parti unique FLN, c’est Chadli Ben Djédid qui va être choisi. Un militaire de carrière, membre du conseil de la révolution de juin 1965 à décembre 1976. Il sera projeté, à partir d’élections bidon, à la présidence du pays.

Dès sa prise de fonction, il va commencer à barrer la route aux mesures socialisantes et donner une orientation économique purement libérale. Il va démolir méthodiquement toutes les réalisations de la période Boumediene : fermeture de nombreuses usines, démantèlement du secteur public etc. Des milliers de travailleurs seront jetés à la rue sans indemnités et se sont retrouvés au chômage sans protection sociale. Ces mesures arbitraires et ultraréactionnaires auront des conséquences graves sur la santé de nos concitoyens et en particulier sur les travailleurs et les chômeurs.

  • Il va dénationaliser les entreprises d’État et les privatiser.
  • Il va donner en pâture aux charognards capitalistes tous les fleurons de notre industrie (El Hadjar, les usines de textile, SNVI, les ports etc.)
  • Il va supprimer le monopole d’État du commerce extérieur et donner libre cours à la mafia affairistes qui va se jeter dans ce filon juteux que notre État leur offre gracieusement et sans limite. Tous ces trafiquants et ces magouilleurs vont engranger des gains faramineux extraordinaires dans les importations sans contrôle de tout et n’importe quoi. Le monopole du commerce extérieur va passer aux mains d’entreprises privées en plein accord de l’État.

Mais ce n’est pas tout, Chadli Ben Djedid et sa clique vont distribuer gracieusement la manne pétrolière aux affairistes de tous bords. Certains énergumènes hideux qui ont profité de cette manne et qui ont amassé illicitement d’immenses fortunes, vont devenir des références de réussite économique. C’était la politique « d’amis ben amis » et qui continue encore aujourd’hui. Les Rafik Khalifa, les Issad Rebrad et bien d’autres en sont les symboles.

C’est sous le règne de Chadli Ben Djedid que les manifestations populaires de 1988 contre cette politique désastreuse ont été atrocement réprimées par le pouvoir (500.000 morts et plusieurs milliers de blessés). La bourgeoisie nationale composée de ces profiteurs, d’affairistes voyous, de mafieux en tous genres sortit renforcée de ce désastre pour notre pays. Elle avait réussi son coup de force et s’était accaparée du pouvoir sans partage. Avec l’appui des puissances impérialistes, un système capitaliste obsolète s’est imposé avec toutes les conséquences désastreuses pour notre peuple.

Dans tout système capitaliste, les problèmes de protection sociale et de santé sont les parents pauvres de la société. Pour ceux qui nous dirigent, ce n’est pas là, leur première préoccupation. Pour ces messieurs, leurs familles et même leurs amis, connaissant l’état de délabrement de notre système de santé, ils n’ont aucun problème pour aller se faire soigner à l’étranger et aux frais de la princesse bien sûr.
Depuis la fin l’ère Chadli Ben Djedid, tous les gouvernements, dans lesquels baigne cette bourgeoisie affairiste et corrompue, qui se sont succédés, ont tout fait pour briser et vider le contenu progressiste du programme national de santé et des services de santé et d’assurance sociale favorable aux travailleurs et aux masses populaires.

Conclusions

Pour cette bourgeoisie réactionnaire et parasitaire qui dirige le pays et comme dans tout système capitaliste, seuls les profits comptent. Elle va pousser à la privatisation du système de santé et mettre ses entreprises, avec les subventions de l’État, dans la course à la construction de cliniques privées destinées à ceux qui payent cash. Pour les travailleurs et les masses populaires en état de pauvreté, le seul recourt, quand ils le peuvent, c’est d’aller se faire soigner dans des hôpitaux, privés de trop de moyens de fonctionnement pour être réellement en mesure de donner des soins de qualité à leurs patients et cela, tout le monde le sait bien et les autorités concernées ne l’ignorent pas du tout. Manque d’investissement réfléchis et adéquats, conformes à des procédures et à des normes de fonctionnement mises à jour ; impossibilité de remplacer le matériel obsolète, manque d’effectifs sont le résultat de la politique voulue par le gouvernement.

Pour la caisse de sécurité sociale c’est le même problème. Quand le travailleur veut se faire rembourser les frais de santé qu’il a avancés de sa poche au détriment de la nourriture de ses enfants, il faut qu’il s’arme de patience devant un guichet débordé par des gens qui sont là depuis des heures et reviennent parfois plusieurs jours pour attendre d’être enfin remboursés en partie.

Quant aux travailleurs de santé, les surcharges de travail dues au manque d’effectif et les salaires de misère sont insupportables. Pour nos médecins, c’est la même chose. Mal énumérés, travaillant dans des conditions lamentables et croulant sous les surcharges de travail, ils finissent par faire le choix de s’expatrier à l’étranger.

Nous pouvons nous demander comment un pays comme Cuba, croulant encore à ce jour sous l’embargo américain et ce depuis 60 ans, a réussi de telles réalisations dans le domaine de la santé et se trouve classée par la NSA elle-même premier pays au monde pour le niveau et la qualité de son programme et des soins de santé ;
Cuba assure par ailleurs une formation de très haut niveau en médecine et accueille des étudiants de nombreux pays dont des étudiants d’Afrique pour une formation de doctorat en médecine dans toutes les spécialités.

La seule solution pour notre peuple, c’est la lutte impitoyable pour chasser du pouvoir cette bourgeoisie parasitaire qui nous gouverne et qui nous vole et, instaurer le pouvoir du peuple.

Liès Sahoura
19.01.17


[1Pour qui l’objectif de l’indépendance était de remplacer tout simplement les autorités coloniales et de prendre la place des décideurs