Le 5e plus grand gisement de plomb du monde bradé

vendredi 14 décembre 2012

Un nouveau scandale vient s’ajouter aux autres concernant Chakib Khelil* à la suite de la mise à nu des comptes de la société australienne Terramin, à laquelle il est reproché d’avoir bradé le cinquième plus grand gisement mondial de zinc.

La société, qui gère le gisement de Tala Hamza (Amizour, wilaya de Béjaïa) pour la production du zinc et du plomb, se trouve dans l’incapacité financière d’honorer ses engagements envers l’Etat algérien. Depuis quelques jours, cette minuscule entreprise ne cesse de se démener sur les places boursières internationales pour récolter la modique somme de 15 millions de dollars, en faisant miroiter à d’éventuels prêteurs une prise de participation dans la mine de Béjaïa, susceptible de rapporter à ses investisseurs pas moins de 10 milliards de dollars.

En dépit de la désapprobation, qu’il a manifestée publiquement lors de sa visite à Béjaïa, le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, tarde à prendre une décision de remise en cause de l’association avec la société australienne Comme pour l’Enor, qui a vu une société australienne inconnue piller dans l’impunité les réserves algériennes en or, Chakib Khelil a impliqué l’Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof) dans une aventure similaire, lors du montage du projet d’exploitation du gisement de Oued Amizour qui figure au top 5 des gisements mondiaux de zinc et de plomb. Selon les experts, la société Terramin, qui n’avait alors jamais produit un seul gramme de produits miniers en dehors de l’Australie, s’est vu accueillir en Algérie pour la gestion d’un gigantesque gisement, alors que ses ressources sont très limitées.

L’histoire a commencé en 2004 lorsque l’ancien ministre de l’Energie et des Mines avait décidé de booster la production minière en faisant appel à l’expertise étrangère. La société australienne a montré un vif intérêt pour l’exploitation du gisement de Tala Hamza à Béjaïa. Le dossier ne sera finalisé qu’en 2006, avec une perspective initiale d’investissement de l’ordre de 107 millions de dollars. On crée alors la société Western Mediterranean Zinc (WMZ, de droit algérien) pour l’exploitation de ce gisement. L’australienne Terramin détient 65% des actions alors que le reste du capital, soit 35%, revient à deux sociétés publiques : 32,5% pour l’Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof) et 2,5% pour l’Office de recherche géologique et minière (ORGM). Le permis, qui s’étale sur une superficie de 125 kilomètres, devait permettre l’exploitation de la mine à un coût hautement rentable et la production d’un concentré de zinc de qualité supérieure. On évoquait alors des coûts d’extraction minière à hauteur de 2,97 dollars la tonne avec un coût de traitement avoisinant 9,62 dollars la tonne. Ce qui allait placer le coût d’exploitation de Tala Hamza parmi les plus faibles au monde et lui permettre de rapporter 10 milliards de dollars après 12 ans d’exploitation.

Mais, au lendemain de l’éclatement des affaires de Sonatrach et l’affaiblissement de Chakib Khelil, les choses allaient se compliquer progressivement pour Terramin. A commencer d’abord par cette étude de faisabilité, lancée par la partie australienne, qui a déterminé une réserve probable de 38,1 millions de tonnes à 4,78% de zinc et 1,36% de plomb alors qu’au départ, on parlait de 68,6 millions de tonnes à 5,7% de densité pour les métaux en question. D’autre part, l’étude n’avait pas réglé les problèmes liés à l’environnement. L’exploitation à ciel ouvert de cette mine située dans une zone hautement dense en population, devait d’abord garantir la préservation de la nature et surtout les terres agricoles. Il fallait, en outre, trouver un procédé adéquat au stockage et à la décontamination de quelque 52 millions de tonnes de rejets miniers.

Ce qui était donc, au départ, un investissement rentable devenait une lourde entreprise que la partie australienne ne pouvait assumer aussi bien financièrement que sur le plan technique. Par conséquent, Terramin devait trouver un assureur pour garantir les risques liés à l’environnement. Au terme de l’étude réalisée, il s’est avéré que la société australienne ne disposait pas des fonds nécessaires à cette assurance. Par ailleurs, l’exploitation des minerais de Béjaïa nécessitait un budget évalué à 589 millions de dollars. Lorsque Chakib Khelil est parti, une banque publique algérienne s’est de suite rétractée et a refusé de financer le projet, alors que Terramin était incapable d’emprunter une somme pareille à l’étranger. A quelques jours du départ de Chakib Khelil, l’Enof a réagi en lançant un appel d’offres pour la réalisation d’une expertise de l’étude de faisabilité réalisée par Terramin. Il fallait s’assurer de la conformité de tous les travaux d’exploration, de la fiabilité des résultats et de tous les paramètres ayant servi à la projection d’une exploitation souterraine du gisement.

Cette expertise devait conclure sur l’acceptation de l’étude pour le lancement des travaux de mise en exploitation ou faire ressortir tous les compléments nécessaires pour son achèvement. Trois ans plus tard, la situation est au point mort et l’exploitation de la mine de Tala Hamza n’a pas encore commencé. Faute de décision politique ferme, l’Enof continue de gérer un partenaire australien qui se trouve au bord du gouffre.

Spéculations boursières

Les retards cumulés sur l’exploitation de Tala Hamza ont lourdement pesé pour la trésorerie de Terramin. En plus de son faible portefeuille, la société a enregistré en 2011 une perte sèche de 19,6 millions de dollars. En avril dernier, l’entreprise australienne était en négociation avec la China Non-Ferrous Metal Industry’s Foreign Engineering and Construction Co., Ltd sur un éventuel rachat de sa participation dans le projet Tala Hamza. Terramin voulait vendre la totalité de ses actions, mais la loi de finances complémentaire de 2009 ne le permettait pas. Au lieu de saisir cette occasion pour racheter les participations de Terramin, la partie algérienne continuait de trouver des solutions intermédiaires qui ne servaient aucunement ses intérêts.

La semaine dernière, Terramin a annoncé la levée en Bourse de 10 millions de dollars en capital, non pas pour lancer son projet en Algérie mais surtout pour restructurer et rembourser partiellement une dette antérieure et éviter l’asphyxie. Le 19 octobre dernier, la société tenait un solde de trésorerie de l’ordre 2,3 millions de dollars. Nous sommes donc dans une logique d’une entreprise de la taille de celles créées dans le cadre de l’Ansej. Mais, devant l’absence d’une décision algérienne, Terramin continue de jouer au flambeur. Après les Chinois, Terramin a reçu, en novembre dernier, une offre de 60 millions de dollars, faite par son ancien patron, Kevin Moriarty, au profit de soumissionnaires anonymes. Même si cette offre a été rejetée, il faut s’attendre à d’autres surprises, car Terramin est incapable d’engager les moyens financiers nécessaires à l’exploitation du gisement de Tala Hamza et se trouve dans l’obligation de céder sa participation à des tiers.

On continue de vendre les gisements

Cette triste aventure dans laquelle s’est engagé Chakib Khelil devait en principe donner à réfléchir pour nos décideurs. Mais, finalement, on se rend compte que la politique n’a pas changé. Pour preuve, au cours du mois dernier, l’Enof a lancé plusieurs appels à manifestation d’intérêt à l’adresse des investisseurs nationaux et étrangers, pour une prise de participation dans l’exploitation du gisement de plomb-baryte de Ichemoul (wilaya de Batna). Idem pour le projet de production de bentonites et de terres décolorantes à partir des gisements de Hammam Boughrara (wilaya de Tlemcen) qui a fait l’objet, en novembre 2011, d’une étude de faisabilité technique et économique. Le même sort est également réservé aux gisements de plomb et de zinc qui se trouvent dans la wilaya de Sétif. Les sites de Kherzet Youcef, de Aïn Kahla et de Chaâbet El Hamra sont susceptibles de trouver bientôt de nouveaux acquéreurs. Un pays qui dispose d’autant de ressources, a-t-il besoin de recourir au financement extérieur pour faire avancer ses exploitations minières ?

Fodil B.
_ _ _ _ _

* Note de la rédaction d’Alger républicain :

l’ancien ministre de l’Énergie n’est pas seul responsable de cette forfaiture. C’est tout le régime qui en porte sa responsabilité. Il ne s’agit ni d’erreur de gestion, ni de défaillances de « partenaires », terme aseptisé pour éviter de dire « capitalistes rapaces ». Le régime dans son ensemble a couvert les bradages. C’est sa nature bourgeoisie de classe qui le veut. Il organise avec les multinationales le pillage des ressources naturelles et la surexploitation des travailleurs algériens.

En échange il espère obtenir le soutien total de l’impérialisme contre le peuple et sa « compréhension » pour qu’il ne déstabilise pas le pouvoir des classes possédantes. Dans ce bradage, les adeptes du « patriotisme économique » se sont tus quand ils n’ont pas participé à la liquidation des secteurs productifs appartenant à la nation.