Les travailleurs des exploitations agricoles collectives de Draa Ben Khedda résistent contre des tentatives de dépossession*

samedi 7 janvier 2012

"Par l’effet de lois laconiques, vagues et parfois contradictoires, d’honnêtes fellahs, exploitant collectivement des terres agricoles depuis l’indépendance, sont menacés de perdre les terres qu’ils ont superbement entretenues et enrichies pendant plus de trente ans. Ces lacunes juridiques dont on parle si peu sont aujourd’hui à l’origine de sérieux conflits en Kabylie. Un impitoyable bras de fer est enclenché entre les nouveaux propriétaires, forts de textes de lois en leur faveur, et les anciens exploitants qui craignent pour leurs terres.

Notre exploitation agricole collective continue encore de susciter toutes les convoitises et le recours à tous les subterfuges pour nous déposséder des terres que nous avons acquises par un arrêté en bonne et due forme, conformément à la loi 87-19 du 08 décembre 1987”, lit-on dans une déclaration des membres de cette exploitation agricole collective (EAC) qui se situe à Draâ Ben Khedda, à une dizaine de kilomètres de Tizi Ouzou, chef-lieu de wilaya. Ces terres qu’ils exploitaient depuis l’indépendance sont appelées “les propriétés placées sous la protection de l’Etat”, autrement dit, il ne peut être question de leur restitution aux anciens propriétaires. Les membres de cette EAC, qui ont bénéficié de la loi 87-19 laquelle leur a permis d’obtenir des arrêtés d’attribution, se sont retrouvés en confrontation directe avec les anciens propriétaires. “Toutefois, ces derniers ont usé de toute leur influence depuis 1992, ayant même réussi à restituer certains lots détournés de leur vocation agricole initiale pour y exploiter une casse auto et une fabrique de parpaings”, ajoutent les contestataires dans la même déclaration. “Nous sommes neuf pères de famille à vivre quotidiennement les intimidations et les menaces verbales sur notre exploitation”, disent-ils encore.

De plus, ces nouveaux propriétaires de la région, qui estiment que ces terres appartiennent à leurs parents avant l’indépendance, se sont manifestés pour récupérer leurs biens. Et c’est là que tout a commencé, comme l’explique le document des membres de l’EAC qui ont “résisté à la tentative de récupération de force par les ex-propriétaires, tout en alertant les autorités locales sur le risque d’un affrontement physique, voire l’irréparable”. Les contestataires ajoutent : “Nous avons planté cette orangeraie et acquis légalement notre patrimoine en payant régulièrement et à ce jour nos redevances aux services des domaines.” Les agriculteurs indignés ont tenu à conclure en “alertant les autorités et l’opinion publique qu’ils se battront jusqu’à ce que force revienne à la loi”, tout cela pour affirmer toute leur détermination à aller jusqu’au bout de leurs revendications qu’ils considèrent comme légitimes."

Samira Bouabdellah

in Liberté du 27 décembre 2011

Note de la rédaction : les terres des EAC-EAI relevaient des Domaines agricoles d’Etat (dits « autogérés ») jusqu’en septembre 1987. A cette date le pouvoir avait pris la décision de les morceler pour faciliter leur privatisation directe ou indirecte.

En 1964, le gouvernement algérien avait décidé de nationaliser les terres des Algériens qui avaient collaboré avec le colonialisme. Les terres de cette EAC de Draa Ben Khedda semblent provenir de cette catégorie. Enhardis par la loi sur les restitutions de novembre 1990, les descendants des anciens collaborateurs du colonialisme ont engagé partout des actions pour reprendre les terres confisquées par l’Etat algérien après l’indépendance. C’est ainsi que les enfants du sinistre bachagha Ben Ali Chérif de Béjaïa ont pu reprendre les terres nationalisées en 1964, avec la complicité du pouvoir et malgré les protestations de la population. Les terres de la famille Ben Ali Chérif appartenaient aux membres des arouch insurgés en 1871.

Le colonialisme avait dépossédé les insurgés de leurs terres et déporté en Nouvelle-Calédonie les survivants. Les terres confisquées ont été offertes au Bachagha Ben Ali Chérif en récompense pour sa collaboration dans l’écrasement sanglant de l’insurrection. Inutile de préciser qu’une fois en possession des terres illégalement récupérées, les descendants - installés en Tunisie et ailleurs - de ce traître harki se sont dépêchés de les revendre aux spéculateurs de l’immobilier avant de repartir d’où ils étaient venus.


*Le titre est de la rédaction d’Alger républicain