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Manifestations dans tout le pays contre la cherté de la vie, la corruption, l’arbitraire et l’absence de perspectives politiques en faveur des couches laborieuses du pays
samedi 8 janvier 2011, par
La colère des jeunes, des enfants issus des couches sociales les plus démunies et des travailleurs, une colère accumulée depuis des années est en train d’éclater partout et simultanément dans le pays.
Le détonateur de cette puissante explosion sociale est la hausse des prix des produits alimentaires de base. Cette explosion était prévisible. Les milliers de manifestations et de soulèvements localisés et éparpillés de ces dernières années ont préparé le terrain à un embrasement généralisé. Les quartiers populaires d’Alger, Oran, Béjaïa, Constantine, Annaba, etc., sont le théâtre d’affrontements avec la police, de jour comme de nuit. Les jeunes dénoncent la politique de mépris du régime à leur égard : chômage, favoritisme, logements sociaux au compte-gouttes, absence de politique d’aide au loyer pour les couples de chômeurs ou de salariés mal rémunérés, santé au rabais, corruption généralisée. Les gros scandales qui ont éclaté l’an dernier à Sonatrach ont indigné les citoyens. Mais ils n’ont débouché que sur l’arrestation de petits comparses. Les donneurs d’ordre ne sont pas inquiétés. Selon certains articles de presse ils peuvent même se permettre d’acheter des villas cossues à Neuilly ! La flambée des prix des biens alimentaires de première nécessité n’a été que la mèche qui a mis le feu aux poudres.
Comme s’ils voulaient narguer le peuple, les importateurs et les grossistes ont décidé d’augmenter d’un seul coup de 20 à 100% le prix des produits alimentaires de base, comme le sucre, l’huile, le café et les légumes secs. Le lait en sachet demeure introuvable. Les patrons des laiteries dictent leur loi. Cette situation réduit à la sous-alimentation ou même à la faim la grande majorité de la population. Une situation aussi intolérable n’est possible que parce que l’importation et la commercialisation de ces produits sont devenues le monopole d’une poignée de gros nababs grâce à la libéralisation du commerce extérieur, décidée en 1991. Ces gros nababs ont l’appui de personnages puissants du pouvoir. En 20 ans ils ont ramassé des milliers de milliards en imposant leurs prix et leurs insolentes marges de profit. Cet argent n’a pas servi à développer la production nationale. Il a été utilisé pour construire de grosses villas, de buildings loués à prix d’or aux sociétés étrangères et pour acheter des biens immobiliers à l’étranger.
Cette flambée est aussi la conséquence de la décision des classes de pilleurs et d’exploiteurs au pouvoir de ne pas soutenir le prix des produits alimentaires de base au nom des "saines règles de l’économie de marché", depuis que le choix pour le capitalisme a été publiquement affiché dans les années 1990. Le seul désir de ces classes parasitaires est de réserver les revenus pétroliers à leur enrichissement égoïste.
Pendant que le peuple souffre du chômage, de la malnutrition, des privations alimentaires et de la misère, l’argent du pétrole alimente les comptes en banque à l’étranger des corrompus ou sert à permettre à des jeunes pistonnés à acheter de grosses voitures de luxe sous couvert de prêts à la micro-entreprise ou à "l’emploi jeunes".
Évidemment ces prêts ne seront pas remboursés dans la plupart des cas, grâce au soutien des amis bien placés du "papa". Les gens du régime chantent depuis des années le refrain archi usé du désengagement de l’État et du refus de suivre des politiques sociales qualifiées avec mépris de "populistes". En réalité leurs discours sont d’une hypocrisie sans borne. Ils se sont en effet désengagés de toute politique en faveur des travailleurs et des plus démunis mais pour s’engager à fond à enrichir les plus riches en mettant dans leurs mains l’argent de l’État au moyen de gros marchés publics surfacturés et de très nombreuses astuces "légales" votées par des députés aux ordres comme la baisse des impôts sur les bénéfices des sociétés ou des taxes douanières sur l’importation de produits de luxe : voitures somptueuses, faïences, vêtements, produits électroménagers de haute gamme, etc. L’argent existe mais il va dans les poches des plus riches.
Il est clair qu’une course pour le pouvoir est engagée depuis des mois comme en témoigne l’éclatement des grosses affaires de corruption impliquant publiquement des personnalités du pouvoir, comme en témoigne aussi l’annonce faussement démentie de l’intention du frère du chef de l’État de se préparer à prendre les commandes du pays, comme en témoignent également l’agitation de nombreux chefs de partis politiques "d’opposition" en direction des ambassades des grandes puissances impérialistes et des appels à la "communauté internationale" pour les soutenir.
La crise mondiale du capitalisme a des répercussions multiples et profondes sur le pays.
Les difficultés créées par la crise internationale du capitalisme et les conséquences de l’absence de véritable politique de développement aggravent d’abord la misère des travailleurs et des couches sociales les plus démunies. Ces conséquences étaient prévisibles. Depuis des années Alger républicain n’a cessé de dénoncer l’incurie du pouvoir des classes parasitaires et possédantes. Un pouvoir représentant les intérêts de classe des travailleurs, de la petite paysannerie, des couches qui ne vivent que de leur travail aurait suivi une autre politique économique et sociale, une politique qui aurait permis d’éviter ces conséquences. Il aurait investi l’argent du pétrole dans l’industrie, l’agriculture, la création d’entreprises de réalisation de logements décents et accessibles aux petites bourses. Il n’aurait pas laissé l’argent du pétrole partir en fumée dans l’importation de biens de luxe pour une minorité. Il aurait donné la priorité à la réfection des routes qui desservent les quartiers populaires, au transport public et ferroviaire. Il n’aurait pas brûlé plus de dix milliards de dollars dans la construction d’une autoroute qui a pour seule fonction de fluidifier la circulation de centaines de milliers de véhicules individuels importés ces dernières années grâce au crédit à la consommation garanti par les banques de l’État et qui a permis aux multinationales de réaliser de gros profit sans tenir leur engagement de contribuer à la mise en place des noyaux d’une industrie automobile nationale. Il se serait appuyé sur le contrôle populaire pour traquer les gros fraudeurs du fisc. Il aurait taxé lourdement les dépenses parasitaires.
La crise a également créé des contradictions au sein du régime. Ses éléments les plus "clairvoyants", regroupés autour du chef du gouvernement, tentent depuis des mois de réduire la facture des importations et les sorties de devises. Leur souci est de préserver d’abord les intérêts à long terme de la bourgeoisie pour éviter une révolution populaire qui s’attaquera inévitablement aux privilèges amassés en moins de 30 ans par une minorité de nantis. C’est dans cet esprit qu’ils ont pris des mesures préventives pour atténuer les conséquences financières d’un grave effondrement du prix du pétrole qu’aucun prévisionniste ne peut écarter, étant donné l’évolution vers l’aggravation de la crise capitaliste mondiale, même si les cours sont repartis à la hausse ces derniers mois. Mais comme ils ont participé au verrouillage de la vie politique pour préserver les intérêts des classes possédantes, ils ont empêché la formation d’organisations politiques ouvrières et populaires indépendantes qui auraient pu jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre les gros importateurs et leurs hommes politiques dans ou en dehors du pouvoir. Ils sont incapables de chercher l’appui du peuple qu’ils ont appauvri et humilié pendant des années pour mettre fin au diktat des importateurs.
Au lieu de s’attaquer directement à la source de la spéculation et du commerce informel, c’est-à -dire à quelques dizaines de gros importateurs, ils ont lancé ces derniers mois et partout dans le pays la police contre les centaines de milliers de petits vendeurs à la sauvette. Traquer cette frange la plus démunie de la population et augmenter en même temps de 50% les salaires des policiers, c’était le meilleur cadeau de nouvel an fait à la mafia de l’import et du commerce spéculatif de gros ! Il est clair que les puissantes forces du gros commerce spéculatif, parties prenantes du pouvoir, ont actionné leurs nombreux relais dans le commerce informel pour tenter de détourner le mécontentement des masses populaires, se servir de lui pour obtenir l’annulation des récentes mesures qui tendent à obliger les barons de l’import à se soumettre aux contrôles fiscaux, comme la révision des registres du commerce des sociétés d’importation tous les deux ans, la facturation obligatoire pour les grossistes, le règlement par chèque des transaction de plus de 500 000 dinars.
Ce qu’il faut aujourd’hui pour sortir le pays de cette impasse c’est de consacrer l’argent de l’État aux investissements productifs qui créent des richesses durables. L’Algérie n’a pas besoin de prêter 85 milliards de dinars aux Emirs du Golfe pour que ceux-ci nous apprennent à créer un parc de loisirs et empochent de juteux bénéfices en devises sans verser un dollar de leur poche ! Elle a besoin d’usines qui réduisent les importations, donnent du travail, un vrai travail, un revenu durable et offre l’occasion aux jeunes diplômés de rivaliser dans l’innovation technologique afin de dépendre de moins en moins du marché capitaliste international. L’Algérie a besoins d’usines qui créent d’autres usines. Il faut rouvrir les usines de l’État qui ont été fermées, comme les fabriques de chaussures, de vêtements, renationaliser celles qui ont été privatisées et qui ne servent, comme le complexe sidérurgique d’El Hadjar, qu’à transférer des devises vers l’étranger. Il faut moderniser et augmenter les capacités de production des usines de lait de l’État, etc. Il faut arrêter les projets qui ne servent pas à créer une industrie de base. A quoi servent les centres commerciaux géants qui coûtent des centaines de milliards, financés avec l’argent de l’État ? A permettre à des sociétés étrangères de vendre leurs biens aux nouveaux riches et aux voleurs de deniers publics à un prix double ou triple de leur prix en Europe et à transférer de gros profits à l’étranger !
Ce qu’il faut c’est mettre fin aux lois et aux accords internationaux qui ont cassé la protection de la production nationale et ne permettront jamais à une industrie nationale de voir le jour.
Ce qu’il faut c’est aider la masse de petits fellahs à produire les biens alimentaires de base, lentilles, pois chiches, blé, etc. Or aujourd’hui l’État ne soutient que les gros fellahs qui spéculent sur les légumes et la pomme de terre. 9 fellahs sur 10 ne reçoivent aucune aide de l’État. Comment après cela réduire la facture des importations alimentaires à L’argent du Fonds national de développement agricole a servi à grossir la corruption à de hauts niveaux. Des personnalités ont été citées par la presse sans que la justice n’ait réagi. Aucun bilan sérieux de l’utilisation de ce fonds n’a été établi.
Ce qu’il faut c’est que l’argent des banques publiques aille aux entreprises qui produisent des biens et notamment aux entreprises publiques abandonnées par le pouvoir depuis plus de 20 ans. Pas d’argent aux importateurs ou aux faux industriels qui se contentent, par exemple, de remplir des bouteilles avec de l’huile d’importation !
Ce qu’il faut c’est taxer fortement les biens de luxe consommés par une minorité de richissimes exonérés de charges et maniant à perfection la fraude fiscale grâce à des complices bien placés. Ce n’est pas en dévaluant en cachette le dinar qu’on augmente les rentrées fiscales de l’État pour équilibrer des comptes qui ont été déséquilibrés par les cadeaux que le pouvoir ne cesse de faire aux riches depuis 30 ans et surtout ces dernières années. Le pouvoir accorde des augmentations de salaire d’une main, sous la pression des grèves, mais les reprend de l’autre en dévaluant en un an le dinar de 10 %, ce qui augmente le prix des biens importés et grossit le portefeuille des importateurs. Cela est inadmissible !
Ce qu’il faut c’est de traquer les corrompus et les obliger à rendre l’argent volé.
Il faut réaliser beaucoup de choses pour fournir aux travailleurs et au peuple de vraies perspectives d’espoirs, de paix, de tranquillité, de sérénité, de vraies raisons pour ne pas chercher à vivre ailleurs.
Mais ce qu’il faut surtout et en premier lieu c’est que les jeunes ne passent pas leur colère sur les biens publics en détruisant les abris bus, les transports publics, les sièges des agences de Sonelgaz ou de la Poste, en brûlant des usines. Ces biens servent d’abord à ceux qui n’ont rien. L’arme la plus efficace c’est le travail organisé, coordonné, réfléchi autour de mots d’ordre concrets, pour arriver à créer les conditions qui permettront de bâtir les organisations populaires de progrès capables de débarrasser le pays des corrompus et des pilleurs de biens publics, de soumettre tout élu à quelque niveau que ce soit à un contrôle populaire permanent.
C’est la meilleure façon de démasquer et de mettre hors d’état de nuire les manipulateurs qui tentent de se servir de la colère des jeunes et du peuple pour régler des comptes entre clans du pouvoir. Tout ce que veulent des manipulateurs prêts à mettre le pays à feu et à sang pour arriver à leurs fins, c’est de remplacer Hadj Moussa par Moussa Hadj, écarter du pouvoir un groupe de corrompus au profit d’un autre groupe de corrompus, mettre la main sur le magot de l’État et continuer la même politique capitaliste qui a ruiné le pays au seul bénéfice d’une petite caste d’oligarques.
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Zoheir Bessa
07.01.10